La tendance est, a priori, au oui. Au consensus. D’abord parce que le président de la Chambre, Nabih Berry, continue de préférer bon gré mal gré à sa fonction au perchoir, son hobby – jouer avec beaucoup d’intelligence et pas mal d’opportunisme les nécessaires go-between entre Émile Lahoud et Rafic Hariri – ainsi que son amour immodéré pour les prérogatives de l’Exécutif (d’autant plus qu’il a six ministres au sein du mini-Parlement qu’est le cabinet Hariri). Il n’a donc, aujourd’hui, aucun intérêt à raviver quelque tension que ce soit, à réveiller quelque revendication que ce soit ou à continuer à garder au fond de ses tiroirs un dossier réclamé par les uns ou les autres. Au contraire : il a multiplié les réunions avec les présidents de blocs et autres députés pour éviter que ne soient évoqués des sujets litigieux ou propices à l’attisement de feux politiques notoirement mal éteints.
Une tendance au calme confirmée par les 37 points inscrits à l’ordre du jour de la séance parlementaire, et qui n’ont rien de particulièrement explosif – à l’exception d’un d’entre eux. Puisqu’il s’agit, outre les 22 accords entre le Liban et des pays étrangers, de créer deux nouveaux mohafazats (Akkar avec Halba pour chef-lieu et Baalbeck-Hermel avec Baalbeck pour chef-lieu), d’encourager l’industrie nationale – en plus de certains points concernant les médicaments, la mécanique ou l’armée. Le seul sujet qui risque d’entraîner une sérieuse polémique est la proposition – revêtue du caractère de double urgence – visant à proroger l’effet de la loi sur les loyers jusqu’à la fin de l’année.
Sauf que cette séance plénière risque d’être plus ou moins dynamitée par les rituelles interventions des députés, qui se succèderont dès ce matin à la tribune. Notamment ceux de l’opposition, attendus par les Libanais, et qui seront certainement moins sensibles que leurs collègues loyalistes aux arguments de Nabih Berry – arguments massue rappelant à cor et à cri tous les efforts déployés par Damas (et par lui-même) pour assainir un tantinet le climat lcoal. Les députés de l’opposition ne manqueront sans doute pas, donc, d’aborder des sujets qui fâchent, qui divisent : la téléphonie mobile et les privatisations ; les expropriations ; l’information en général (NTV, MTV et l’attentat contre la Future TV en particulier) ; les carrières ; les nominations diplomatiques ; la très mauvaise santé, malgré les récentes améliorations, de l’Exécutif ; la non-participation du Liban au sommet de Charm el-Cheikh et son absence (volontaire celle-ci, désastreuse, scandaleuse) du Forum économique mondial en Jordanie, ainsi que les éventualités de reconduction.
Mais pas n’importe quelle reconduction. Un certain nombre de députés se feront fort d’évoquer, au cours de cette séance plénière, la reconduction – ou pas – du Conseil national de l’audiovisuel, ainsi que la reconduction – ou pas – du Conseil constitutionnel. Ces deux reconductions diviseront assurément ceux qui, comme Émile Lahoud, Nabih Berry et Rafic Hariri, penchent vers la reconduction pour éviter les conflits qu’entraînerait la nomination de nouveaux membres, et ceux qui n’en peuvent plus de voir la loi, encore plus chaque jour, foulée aux pieds pour des raisons aussi petitement politiciennes.
Quoi qu’il en soit, débattre de ces reconductions permettra aux députés de s’entraîner en prévision de la reconduction éventuelle majeure de 2005 – celle du mandat du chef de l’État. Même s’ils savent pertinemment qu’en pareilles circonstances, il ne leur est pas demandé autre chose que d’officialiser une décision venue d’ailleurs.
Ziyad MAKHOUL
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