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CONFÉRENCE - Le fléau touche les adolescents et se répand dans les villages Lutte antidrogue : sensibilisation et prévention prennent le pas sur la répression

À l’heure où le fléau de la drogue prend une ampleur démesurée et touche indistinctement les adolescents et les jeunes des villages les plus reculés du pays, la lutte semble vouloir s’organiser et prendre une nouvelle tournure. Sensibilisation, prévention et réhabilitation sont désormais privilégiées au détriment de la seule répression pure et dure. Au terme d’un projet pilote mis en place à Aïn el-Remmaneh, le ministère des Affaires sociales a lancé hier une campagne qu’il entend mener à partir de 52 centres du pays, en collaboration avec les municipalités, les établissements scolaires, les instances religieuses, les ONG et la société civile, sur le thème « Une coopération pour une société sans drogue ». Une campagne lancée par le ministre Assad Diab, sous le patronage et en présence de l’épouse du chef de l’État, Andrée Lahoud, à l’hôtel Metropolitan. Cette lutte serait-elle désormais un souci national ou assiste-t-on, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre la drogue, aujourd’hui, au lancement d’une campagne qui n’aboutira jamais ?
Depuis un an et demi déjà, une initiative personnelle se distingue et fait bouger les choses dans certains quartiers défavorisés de Beyrouth, en l’occurrence, Aïn el-Remmaneh, Chiyah, Furn el-Chebbak et Tahouita. Il s’agit de celle de Lydia Daher, directrice du Centre de services pour le développement de Aïn el-Remmaneh, relevant du ministère des Affaires sociales qui, à partir d’une enquête sur le terrain et de l’observation du comportements des jeunes, a mis en place une véritable campagne de prévention et de sensibilisation contre la drogue auprès des adolescents des quartiers populaires et de leurs familles. De même qu’elle a canalisé les toxicomanes vers des centres spécialisés de réhabilitation. Initiative qui a pu être réalisée grâce à la collaboration des municipalités de Chiyah et de Aïn el-Remmaneh, de l’association Oum el-Nour pour la réhabilitation des toxicomanes, des établissements scolaires et universitaires, des clubs de jeunes, des instances religieuses ainsi que de la société civile de ces quartiers.
Cette initiative a d’ailleurs été adoptée par le ministère des Affaires sociales comme projet pilote pour sa campagne globale de lutte contre le fléau. « Tout au long de nos rencontres avec les habitants du quartier, a expliqué Mme Daher, nous avons réalisé que le dialogue et la confiance sont inexistants dans ces familles, que les adolescents sont dans l’ignorance totale des problèmes engendrés par la dépendance et qu’il est nécessaire de les pousser à s’engager dans des activités sportives, sociales ou caritatives. »
La ténacité et la persévérance de la directrice du Centre de service pour le développement de Aïn el-Remmaneh semble avoir payé. Aujourd’hui, 52 centres relevant du ministère des Affaires sociales envisagent d’utiliser les mêmes moyens pour sensibiliser les habitants contre la drogue, alors que les présidents des municipalités se mobilisent pour éradiquer le fléau : « Un universitaire m’a parlé de son expérience avec la drogue. Il a eu honte de refuser la cigarette de haschich qu’on lui a un jour proposée. Depuis, il est toxicomane, avec ce que cela incombe comme bonheur virtuel et comme souffrance à cause de la dépendance. » Ce témoignage, raconté par le président de la municipalité de Chiyah, Edmond Gharios, n’est pas un cas isolé. « Bien au contraire, le fléau de la drogue se répand de plus en plus dans les quartiers défavorisés où violence et délinquance font bon ménage », déplore-t-il. C’est pourquoi il estime que la lutte contre la drogue ne doit pas être limitée dans le temps, mais doit impliquer, dans un effort continu, autant les instances officielles et éducatives que les parents et la société civile. Et M. Gharios d’inviter les ministères à collaborer avec les municipalités afin de mettre en place des centres culturels et sportifs dans les quartiers défavorisés.
Mais quelles sont les raisons qui poussent les jeunes à se droguer ? « La perte par les jeunes des valeurs culturelles, traditionnelles et religieuses », remarque le brigadier Alberto Ghorayeb, prononçant l’allocution de Mgr Guy Boulos Njeim, président de l’association Oum el-Nour. « Des jeunes qui n’ont plus confiance dans leurs reponsables, qui évoluent dans une société matérialiste du paraître plutôt que de l’être. Des jeunes qui se réfugient dans la drogue parce qu’ils sont perdus », regrette-t-il.
C’est le ministre des Affaires sociales, Assaad Diab qui a prononcé le mot de la fin, lançant à la fois la campagne de lutte contre la drogue ainsi qu’un véritable cri d’alarme : « Non seulement ce fléau se répand parmi les adolescents, mais il est désormais présent dans les villages libanais », prévient-il, encourageant la société civile à collaborer avec l’État et invitant la classe dirigeante, les parents et les éducateurs à assurer aux jeunes un environnement sain afin de les éloigner du désespoir. « Nous devons faire face à un défi de taille face à ce fléau qui menace les jeunes, la famille et la société, conclut-il, celui d’un éveil national où chacun se sent responsable. »
Au terme de la séance, l’épouse du chef de l’État, Andrée Lahoud, a remis des décorations à l’ensemble des personnes impliquées dans cette campagne.
Demain, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la drogue, d’autres ministères du pays envisagent de lancer de nouvelles initiatives. Initiatives louables, certes. Mais à quoi peuvent aboutir des actions séparées et sans coordination aucune face à un fléau qui fait tant de ravages ?

Anne-Marie EL-HAGE
À l’heure où le fléau de la drogue prend une ampleur démesurée et touche indistinctement les adolescents et les jeunes des villages les plus reculés du pays, la lutte semble vouloir s’organiser et prendre une nouvelle tournure. Sensibilisation, prévention et réhabilitation sont désormais privilégiées au détriment de la seule répression pure et dure. Au terme d’un...