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Une dichotomie constante, quel que soit le système

La rivalité entre la première et la troisième présidence a toujours posé problème au Liban. Les textes constitutionnels n’ont jamais pu remédier à un antagonisme qui s’imposait avec force dans la pratique. Sous l’ancien régime, les présidents du Conseil se plaignaient des pouvoirs régaliens, à leurs yeux exorbitants, du président de la République. L’harmonie était rompue par les déséquilibres manifestes au niveau des prérogatives. Le chef de l’État détenait en effet la quasi-totalité du pouvoir exécutif. Théoriquement, il lui appartenait de former le gouvernement, de désigner parmi ses membres un Premier ministre, sans avoir à en répondre à personne. Dans la pratique, suivant une tradition consensuelle suivie depuis l’indépendance, le président de la République nommait d’abord un chef du gouvernement puis s’entendait avec lui sur la composition du cabinet. Mais il restait le maître de l’initiative et du jeu. Si la personnalité pressentie se montrait réfractaire à ses choix concernant les ministres ou la répartition des portefeuilles, il pouvait la remercier pour la remplacer aussitôt par quelqu’un de plus malléable. De plus, il lui arrivait de ne pas tenir compte des consultations parlementaires, qui n’étaient d’ailleurs pas impératives. À tout moment, avec le soutien d’une majorité parlementaire qui le plus souvent dépendait de lui, il pouvait faire sauter un gouvernement qui lui déplaisait. Selon la formule de Sami Solh, le président du Conseil avait la désagréable impression de n’être qu’un bachekateb, un clerc d’office. D’où une longue, une interminable bataille à relents confessionnels, autour de ce que l’on appelait la participation. Les crises survenaient surtout lorsque le chef du gouvernement était une personnalité assez forte pour tenir tête au chef de l’État.
Taëf a voulu corriger la trajectoire. Il a retiré le pouvoir exécutif des mains de la présidence de la République, pour le confier au Conseil des ministres. Mais le pacte a été conçu en base d’un postulat : l’harmonie entre les dirigeants.
Les consultations parlementaires pour la désignation du Premier ministre sont devenues contraignantes. La formation du gouvernement doit se faire conjointement. Pour presque tous ses actes, le président de la République a besoin de l’accord du chef du gouvernement ou même du ministre concerné. Il ne peut plus, comme avant, proposer des lois et des projets. Il ne peut plus dissoudre le Parlement, sauf dans des conditions complexes, pratiquement rédhibitoires ou impossibles, comme le refus de siéger des députés. Il ne peut même plus convoquer la Chambre à une session ordinaire, ou le Conseil des ministres à une séance extraordinaire, sans l’aval du président du Conseil. Qui gagne en outre le droit de cosigner et de coratifier les traités internationaux. Nombre d’autres mesures dites de rééquilibrage ont été introduites dans la Constitution libanaise.
Mais en quelque sorte l’on n’a fait qu’inverser la vieille bataille de la participation. En tout cas, Taëf n’a fait qu’envenimer la question des prérogatives ainsi que le problème subséquent des relations entre la première et la troisième présidence. D’autant que nombre d’articles de la loi fondamentale manquent de clarté et donnent lieu à des interprétations opposées. Les empiétements de pouvoir sont dès lors multiples, dans un sens ou dans l’autre. Bien entendu, plusieurs voix s’élèvent pour que l’on éclaircisse les textes. Des tentatives timides ont eu lieu au niveau théorique. Et l’on s’est aperçu qu’un tel effort soulève plus de polémiques qu’il n’apporte de solutions. Parce que les textes, chacun veut les clarifier à sa manière, pour qu’ils lui deviennent favorables. De plus, on risquerait d’aggraver les déséquilibres. En spécifiant, par exemple, que c’est le président du Conseil seul qui dirige cette instance et non plus le chef de l’État, qui n’y serait donc plus présent.
Dans un article donné au Nahar, Sélim Hoss relève que le chef de l’État est, par définition, au-dessus des pouvoirs. Il constitue un recours essentiel d’arbitrage institutionnel quand il y a des lacunes. Mais quand la faille se situe au niveau de ses propres rapports avec le chef du gouvernement, il ne peut être juge et partie. L’ancien Premier ministre relève ensuite les confusions dans les textes. Il cite l’exemple du Conseil des ministres, titulaire du pouvoir exécutif. Le chef du gouvernement, en tant que président de ce Conseil, semble être à la tête de l’Exécutif. Mais la Constitution indique également que c’est le président de la République qui préside cette instance, lorsqu’il est présent. Pour Hoss, cela veut dire sans doute que le chef de l’État préside la séance et non le Conseil en tant que pouvoir. Mais il y a équivoque, reconnaît-il, en soulignant que la Constitution a été établie en base de l’harmonie entre les dirigeants, non de leur mésentente.
De son côté, Issam Sleiman, professeur à l’UL, estime que la solution passe par la participation entre l’Exécutif et le Législatif. Dans ce sens qu’il faut une censure parlementaire constructive des actes du pouvoir exécutif, dans le cadre d’une séparation équilibrée des pouvoirs, ce qui implique à ses yeux l’abolition des conditions qui empêchent pratiquement la dissolution de la Chambre.
Sur le long terme, une évidence s’impose : il faut tout remettre à plat, pour élaborer un nouveau système. Les pôles locaux de tous horizons en viennent, tous ou presque, au constat de cette nécessité. Il faut simplifier, pour ne garder qu’une seule direction effective, répondant de ses actes devant le Parlement et devant le peuple. Aller en somme vers un régime présidentiel ou semi-présidentiel, comme aux États-Unis ou en France.
Émile KHOURY
La rivalité entre la première et la troisième présidence a toujours posé problème au Liban. Les textes constitutionnels n’ont jamais pu remédier à un antagonisme qui s’imposait avec force dans la pratique. Sous l’ancien régime, les présidents du Conseil se plaignaient des pouvoirs régaliens, à leurs yeux exorbitants, du président de la République. L’harmonie...