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Vie politique - Le Liban dans l’attente de la séance du Conseil des ministres Les responsables sont-ils incapables de s’entendre ou veille-t-on à augmenter leurs divergences ?

La grande nouvelle de la semaine, c’est la tenue d’un Conseil des ministres extraordinaire, avec un ordre du jour conflictuel. Responsables et ministres ont donc finalement décidé de se jeter à l’eau, dans un grand « acte de courage » que les médias se sont d’ailleurs empressés de relever. Mais la question essentielle demeure la suivante : les dirigeants de ce pauvre pays ont-ils réellement si peu le sens des responsabilités, qu’ils sont incapables de gérer leurs conflits au profit de l’intérêt général ? Ou bien la pourriture actuelle ferait-elle le jeu de certaines parties occultes, heureuses de se cantonner dans leur rôle du pompier ? Dans une situation aussi confuse, toutes les thèses peuvent paraître plausibles, mais certaines données restent troublantes.

Sur la formation de l’actuel gouvernement, beaucoup de choses ont été dites et les comptes faits et refaits pour déterminer les hommes forts de l’Exécutif. Mais quelles que soient les conclusions, certains faits demeurent incontestables : le président de la Chambre s’est taillé la part du lion, dans le décompte des voix, sans toutefois avoir la majorité, le président de la République a amélioré sa part, en comparaison avec le précédent gouvernement, mais il est aussi minoritaire et le président du Conseil et le chef du PSP sont pratiquement à égalité. Ce qui peut paraître étonnant vu le poids de l’un et de l’autre, mais le président du Conseil l’a dit lui-même, ce gouvernement n’est pas celui qu’il préfère.

Un mélange ingérable ?
Mais au-delà des calculs bruts, ce que l’on oublie, c’est que ce gouvernement, censé couronner le mandat Lahoud, rassemble des mélanges explosifs. Le chef de l’État a certes ses hommes, mais il doit aussi affronter ses ennemis, des rivaux potentiels à la présidence ou dans son fief du Metn. De son côté, tout en conservant un nombre minimal de ministres, le président du Conseil doit composer avec des hommes contre la nomination desquels il avait posé un veto. C’est dire, selon un observateur, que ceux qui ont veillé à la formation de ce gouvernement souhaitaient peut-être un tel mélange, qui ne peut en aucune manière devenir harmonieux, pour continuer à contrôler la situation, en étant constamment indispensables et en donnant la preuve que, livré à lui-même, ce pays reste ingérable.
Cet observateur rappelle ainsi que le fameux « lavage des cœurs », qui n’est plus aujourd’hui qu’un vague souvenir, n’avait pas eu l’heur de plaire à toutes les parties concernées par la situation libanaise. Les nombreux exclus de l’entente entre Lahoud et Hariri avaient violemment critiqué celle-ci et plusieurs voix, parlementaires et autres, s’étaient élevées pour dénoncer ce « deal », au point d’ailleurs de mettre en danger le vote du budget que le chef de l’État n’avait pas pourtant désapprouvé.
Les critiques s’étaient donc multipliées, laissant entendre que le chef de l’État et le président du Conseil étaient parvenus à un accord, au détriment des intérêts des citoyens. C’était surtout comme s’il n’était pas dans l’intérêt de nombreuses parties de voir l’entente régner entre les responsables ni les problèmes réglés sans l’aide d’un médiateur. Ce serait la raison pour laquelle tant d’efforts auraient été déployés pour effacer « le lavage des cœurs » et revenir à une situation conflictuelle qui s’est concrétisée dans la composition de l’actuel gouvernement. En somme, si l’on en croit cet observateur, certaines parties auraient tout intérêt à ce que la paralysie actuelle de l’Exécutif se prolonge et auraient tout fait pour que l’entente devienne impossible, en introduisant des éléments perturbateurs, chargés d’attiser le feu s’il venait à se transformer en cendres. Selon cette optique, il ne faudrait donc pas attendre de miracles du Conseil des ministres d’aujourd’hui, rien qu’une petite trêve, avant que les conflits ne reprennent de plus belle, tout simplement parce qu’il serait interdit aux deux responsables de s’entendre.
Cette vision des faits n’est certes pas la seule. D’autres estiment au contraire que la paralysie actuelle serait due à la détermination du président du Conseil de terminer le mandat Lahoud dans l’inertie totale, afin d’empêcher toute prolongation de son mandat ou sa réélection. Selon les partisans de cette thèse, le président du Conseil souhaiterait même quitter le gouvernement pour être plus libre dans sa détermination à combattre le renouvellement du mandat Lahoud. Hors du pouvoir, il aurait les mains plus libres et serait un opposant farouche, en mesure de rééditer la grande victoire des législatives 2000.
Enfin, une troisième thèse voudrait que ce soit le président de la République qui souhaiterait pousser le président du Conseil à la démission. Ce dernier lui ayant été pratiquement imposé par les circonstances, Lahoud voudrait le décourager au point de le pousser à partir, afin de pouvoir clore son mandat sur une impression d’efficacité. Il souhaiterait dire à ceux qui pensent que Hariri est incontournable en tant que président du Conseil qu’il existe d’autres possibilités, d’autant que la situation actuelle équivaut à une paralysie totale. Certes, à tous ses interlocuteurs, le président affirme qu’il ne songe ni à la réélection ni à la prolongation de son mandat, mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire jusqu’à la prochaine présidentielle.
Si chacune des trois thèses a ses défenseurs et ses détracteurs, pour la grande majorité des Libanais, les explications comptent de moins en moins. Ce qu’ils veulent, ce sont des actions concrètes. Ils attendent donc la séance du Conseil des ministres d’aujourd’hui dans l’espoir de se souvenir qu’au Liban, il y a aussi, de temps à autre, un État qui fonctionne.

Scarlett HADDAD
La grande nouvelle de la semaine, c’est la tenue d’un Conseil des ministres extraordinaire, avec un ordre du jour conflictuel. Responsables et ministres ont donc finalement décidé de se jeter à l’eau, dans un grand « acte de courage » que les médias se sont d’ailleurs empressés de relever. Mais la question essentielle demeure la suivante : les dirigeants de ce pauvre...