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CONFÉRENCE - Au Goethe Institut, le Dr Heinz Grotzfeld, linguiste chevronné, se penche sur la découverte des « Mille et Une Nuits » en Europe «Aladin» et «Ali Baba» revus et traduits(photo)

Professeur émérite à l’Université de Münster, le Dr Heinz Grotzfeld, linguiste – qui possède parfaitement, entre autres langues, l’arabe littéraire – invité au Liban par le Goethe Institut (Manara), y a donné une conférence, en français, sur la découverte des «Mille et Une Nuits» en Europe. Une découverte dont on célébrera le tricentenaire le 23 janvier 2004 et qui, depuis sa première publication en traduction française en 1704, est devenue la propriété commune de l’Orient et de l’Occident.

En effet, dès les premières éditions des Mille et Une Nuits en Europe, le monde occidental s’est approprié les trésors d’imagination rapportés par ces histoires. Il les a imités, s’en est inspiré en littérature, en musique, en peinture ou même dans les arts décoratifs. « Même dans la vie quotidienne, on rencontre des noms, des locutions, des images, des métaphores tirés de ce recueil oriental », indique le Dr Heinz Grotzfeld.
Le conférencier a surtout axé son intervention sur les différentes traductions des contes qui ont circulé en Europe depuis 1704.

Ajouts ?
« L’Europe, sans s’en rendre compte, a connu plusieurs versions des Mille et Une Nuits, ce qui a provoqué beaucoup de confusions, a-t-il commencé par noter. Antoine Galland, savant français, orientaliste, qui s’était par hasard procuré le manuscrit, l’avait naturalisé, dans le sens où il l’a revêtu d’habits nouveaux. Il avait employé dans sa traduction le français courtois du XVIIe siècle, alors que la langue de l’original est simple, sans affectation. Il a aussi entièrement supprimé les passages en vers ou en prose rimée qui confèrent à l’original un certain rang artistique et littéraire. De plus, il a ajouté au manuscrit des Nuits, qu’il avait et qui était incomplet, des contes provenant d’autres sources (manuscrits ou tradition orale). Galland avait ainsi créé une nouvelle compilation des Mille et Une Nuits propre à l’Europe. »

Interprétation érotique
La traduction de Galland avait provoqué en Europe le désir de posséder un texte complet des Mille et Une Nuits. Et les recherches des Européens pour obtenir le recueil original donnèrent lieu en Orient à de nouvelles rédactions de manuscrits. « Il y eut, entre autres, le manuscrit tunisien d’Ibn an-Najjar et de Maximilian Habicht, qui a conduit au texte imprimé à Breslau (1825-1843) qui, de son côté, par les traductions issues de ce texte, a influencé la réception des Nuits en Europe. Il a aussi influencé le texte arabe de l’édition imprimée à Calcutta (1839-1842), édition qui a longtemps été reconnue – à tort, nous le savons aujourd’hui – comme le texte authentique des Mille et Une Nuits » , signale le linguiste.
La conviction d’avoir entre les mains, avec les éditions de Calcutta, le texte authentique des Nuits a eu des effets curieux. Les contes qui ne s’y trouvaient pas furent bannis des traductions nouvelles du XIXe siècle, surtout dans le monde anglo-saxon. Les contes d’Aladin et de Ali Baba ne figuraient pas dans la compilation traduite en 1841 par Edward William Lane. Tandis que dans celle de Richard Burton (parue en 1885), ils ont été intégrés à un volume intitulé Supplemental Nights. « La traduction de Burton a le mérite d’avoir fait connaître en Europe les qualités littéraires de l’original, en traduisant respectueusement les passages rimés. Mais en même temps, Burton a créé le mythe que les Mille et Une Nuits sont fondamentalement une collection de contes érotiques. »
En Allemagne, après plusieurs traductions partielles, tantôt faites à partir de l’édition française de Galland, tantôt à partir de celle de Burton, la première édition non abrégée des Mille et Une Nuits en langue allemande paraît en 1907. L’auteur, Felix Paul Greve, y avait réinséré les contes bannis par Lane et Burton. « Mais c’est la seconde édition, celle d’Enno Littman, un éminent arabisant, qui est réputée rendre le plus fidèlement au lecteur germanique le texte de l’original arabe », déclare le conférencier. Qui conclut son intervention en faisant remarquer que « la réception des Mille et Une Nuits par le grand public occidental est moins déterminée par ces traductions complètes que par les innombrables éditions pour la jeunesse, ou par les produits de Hollywood et de Disney ». Ce qui ne diminue pas pour autant l’appréciation de ces contes.

Z.Z.
Professeur émérite à l’Université de Münster, le Dr Heinz Grotzfeld, linguiste – qui possède parfaitement, entre autres langues, l’arabe littéraire – invité au Liban par le Goethe Institut (Manara), y a donné une conférence, en français, sur la découverte des «Mille et Une Nuits» en Europe. Une découverte dont on célébrera le tricentenaire le 23 janvier 2004...