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Le recours à la procédure de vote serait recommandé par Damas Test déterminant pour le pouvoir dans les prochaines semaines

Le retour aux sources constitutionnelles va-t-il résoudre un problème qui ne se situe pas au niveau des textes mais des mentalités ? Les prochaines séances du Conseil des ministres nous le diront. Elles devront donner lieu à l’examen des dossiers conflictuels. Et l’on verra alors si des compromis vont être trouvés, ou si l’on va recourir à la procédure de vote pour trancher. En d’autres termes, il s’agira de savoir si le chantier de travail va redémarrer, ou si le divorce va être consommé entre les dirigeants.
Il se rapporte que le recours à l’urne a été recommandé par le président Bachar el-Assad lorsque le président Lahoud lui a brossé le tableau de ses relations avec le président Hariri. En soulignant, semble-t-il, que la situation devient absolument intenable. Mais des professionnels du cru se montrent plutôt sceptiques quant à l’efficacité d’un recours aux dispositions constitutionnelles. Si cela normalise les rapports entre les deux présidents, comment se fait-il, se demandent ces politiciens, qu’on n’ait pas adopté cette voie avant ? Pourquoi s’est-on obstiné à courir après des arrangements impossibles, au travers de fausses réconciliations épisodiques ?
Selon un vétéran, Taëf s’est montré en quelque sorte naïf. Dans ce sens qu’il a pris pour postulat l’entente entre les deux têtes de l’Exécutif. Il en a imparfaitement, incomplètement codifié les mécanismes. En répétant le souhait de voir les dirigeants appliquer la Constitution non seulement à la lettre mais aussi dans son esprit, ce qui est une notion vague que l’on peut interpréter de mille manières. Il faut cependant reconnaître, à la décharge des législateurs, qu’aucune Constitution, aussi pointue et détaillée qu’elle soit, ne peut prévoir tous les cas de figure induisant des prises de position contradictoires au sein du pouvoir. Surtout quand les intentions ne sont pas amènes et qu’il y a du ressentiment. Ces antagonismes personnalisés ne sont pas nouveaux. Ils ont été à l’origine de nombreuses crises dans la République précédente. Et ils ont été l’une des causes pour lesquelles l’on a voulu, à Taëf, doter le pays d’un nouveau pacte. Fondé, du côté institutionnel, sur une redistribution des prérogatives. Un peu à l’instar de ce que de Gaulle avait fait pour mettre un terme à l’instabilité gouvernementale qui avait marqué la IVe République française. Sauf que pour le Liban, c’est à peu près le mouvement inverse que l’on avait adopté. C’est-à-dire qu’au lieu de renforcer les pouvoirs de la présidence de la République, comme en France, on les a dévolus au Conseil des ministres, personne morale plurielle et par là facilement friable.
Pour sa part, la personnalité expérimentée citée estime qu’il faut reconnaître la nécessité d’une nouvelle République, instituant un régime quasi présidentiel, du moment que l’on ne parvient pas à assurer les équilibres au sein de l’Exécutif. À défaut d’une telle refonte, le pôle en question conseille que tout le monde accepte de se soumettre sans réserve mentale à l’arbitrage des textes constitutionnels. Le hic, reconnaît-il, c’est que ces dispositions donnent lieu à des interprétations variées. Sans compter que la faille située au niveau des mentalités reste difficile à corriger. Le système bat de l’aile, remarque-t-il encore une fois, parce que Taëf a été prévu pour des gens qui s’entendent, et non pas pour des responsables qui ne s’accordent pas.
Ainsi, la Constitution devient le jouet des lectures de parti pris que l’on en fait. Lors de son avènement, le président Lahoud a voulu écarter le président Hariri du pouvoir. Certains se sont alors empressés de soutenir que l’article 53 de la Constitution permettait implicitement aux députés de déléguer leur volonté de choix, en matière de désignation d’un nouveau Premier ministre, au chef de l’État. Pressenti malgré cela, parce que la majorité était tout de même de son côté, le président Hariri avait refusé ce cadeau empoisonné. Le président Hoss avait donc été désigné et, par la suite, tout le monde a dû convenir qu’en réalité, un député n’a nullement le droit de faire procuration de son mandat à quiconque.
Quoi qu’il en soit, la Constitution issue de Taëf reste truffée d’articles élastiques suscitant des controverses sur les prérogatives. On peut en citer :
– L’article 33 qui permet au chef de l’État de convoquer la Chambre pour une session extraordinaire, mais en accord avec le chef du gouvernement. Que devient ce droit si l’accord en question n’est pas donné ?
– De même, l’article 52 autorise le président de la République à négocier et à ratifier les traités internationaux, mais en accord avec le président du Conseil. Et l’on retombe sur la même question : qu’advient-il si l’aval du chef du gouvernement n’est pas assuré ?
– Toujours le même problème avec l’article 53 qui prévoit une double signature pour les décrets de formation du gouvernement, les décrets acceptant la démission des ministres ou les révoquant. Le texte ne dit pas que faire, quel mécanisme adopter si le Premier ministre refuse de parapher de tels décrets.
– C’est pareil, encore une fois, pour l’alinéa 12 du même article 53 relatif à la convocation du Conseil des ministres, à titre exceptionnel, par le chef de l’État avec l’accord du chef du gouvernement. Qui peut donc contrer, par son éventuel refus, le pouvoir, ou le devoir même du chef de l’État, de juger l’urgence d’une situation ou d’un problème déterminés. Ce qui signifie que la nature même de la mission de la première magistrature, en tant que recours national, peut être gommée en pratique.
– L’article 54 oblige de son côté la présidence de la République à faire contresigner ses actes par le président du Conseil ou les ministres concernés, à l’exception de la désignation du Premier ministre ou de l’acceptation de la démission du gouvernement en tant que fait accompli. Qu’advient-il de ces actes, comme de la promulgation des lois qui incombe à la présidence de la République mais également en partenariat avec la présidence du Conseil, s’il y a refus du cosignataire ?
– Inversement, ou en contrepartie, l’alinéa 6 de l’article 56 indique que le chef du gouvernement élabore l’ordre du jour du Conseil des ministres et doit en informer le président de la République. Ce qui signifie, aux yeux des partisans du régime, qu’il ne peut s’agir d’une simple formalité de courtoisie et que le président de la République peut donner son avis, participer en somme à l’établissement de l’ordre du jour, et à tout le moins en faire supprimer des sujets. Par contre, les haririens soutiennent qu’à leurs yeux, l’article est clair : la présidence de la République est simplement informée de l’ordre du jour, qui est achevé, définitif, lorsqu’il lui est soumis. C’est d’autant plus évident, pour eux, que le chef de l’État a toujours le loisir, aux termes de l’alinéa 11 du même article, de soumettre au Conseil tout sujet qui lui paraîtrait urgent et qui ne serait pas inscrit à l’ordre du jour.

Émile KHOURY
Le retour aux sources constitutionnelles va-t-il résoudre un problème qui ne se situe pas au niveau des textes mais des mentalités ? Les prochaines séances du Conseil des ministres nous le diront. Elles devront donner lieu à l’examen des dossiers conflictuels. Et l’on verra alors si des compromis vont être trouvés, ou si l’on va recourir à la procédure de vote pour...