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Le président du Conseil tend la main au régime, à travers les continents

«Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir
Valse mélancolique et langoureux vertige. »
Baudelaire a chanté les correspondances, après Mme de Sévigné. Hariri reprend aujourd’hui ce flamboyant flambeau. En adressant au régime, du pays des cariocas qu’il visite pour cinq jours, une ardente missive d’ouverture, assortie d’une proposition implicite de nouveau gentleman’s agreement. Le président du Conseil étale en effet, en public, son souhait d’éviter toute mésentente avec le chef de l’État, et a fortiori toute sèche confrontation. Il affirme, en substance, que ses relations avec le président Émile Lahoud ne sont pas si mauvaises, à tout prendre. Il pronostique une « bonne détente dans la phase présente ». Et ajoute : « Nous sommes pour l’ouverture. Nous croyons comprendre, des propos tenus récemment par le président de la République, qu’il est également désireux de coopérer, pour le bien du pays. L’étape actuelle est fondamentalement différente des précédentes. Nous espérons que les choses iront en s’améliorant, qu’il y aura cette entente pour laquelle nous sommes prêts. »
Le président Hariri semble donc disposé à tourner rapidement la page. Plutôt explosive : bien que l’ordre du jour du dernier Conseil des ministres fût expurgé des sujets qui fâchent, la séance a tourné à l’empoignade. Ce qui a provoqué des réactions négatives non seulement d’une opinion lassée mais aussi d’une bonne partie des professionnels de la politique. Qui commencent à s’inquiéter sérieusement pour la stabilité du pays, tant dans leur propre domaine qu’au niveau de l’économique. Les tensions risquent en effet de blackbouler le gouvernement, sans qu’on voie comment le remplacer en évitant de retomber dans la même crise. Les conciliateurs se sont donc empressés de tenter de colmater les brèches, après le dernier Conseil des ministres. Ils se sont activés en premier lieu sur le contentieux opposant les deux ministres protagonistes, Karim Pakradouni, considéré comme l’attaquant, et Marwan Hamadé. Qui s’est étonné de l’estocade. À l’instar de Walid Joumblatt. Selon une source parlementaire, le leader a noté que Hamadé n’aurait pas dû se retirer de la séance. Ajoutant que l’enjeu (la représentation du Liban dans les institutions financières mondiales) n’en valait pas la chandelle. Le leader du PSP pense enfin que l’on aurait pu régler calmement le point soulevé, au besoin par un nouveau décret.
Quoi qu’il en soit, le Conseil des ministres est devenu un ring de catch. Ni les têtes ne sont en phase ni les ministres ne s’entendent entre eux au nom de la cohésion gouvernementale. Les dossiers importants sont gelés, la marche de l’État, ses projets et les services publics s’en ressentent fortement, alors que les Libanais sont dans la gêne. Ils ont l’impression, sinon la certitude, que les responsables ne pensent qu’à leur lutte d’influence et ne s’occupent plus d’administrer le pays. Ainsi, aux observations du ministre Cardahi concernant la dimension qualitative de l’ordre du jour, les haririens ripostent par une virulente contre-attaque. Ils affirment que ces remarques sont une atteinte directe aux prérogatives constitutionnelles de leur chef de file. Qu’en est-il au juste ? Il est évident que le constat de Cardahi est juste : l’ordre du jour exclut des questions importantes et se borne à expédier des affaires courantes. Mais il est aussi évident que cette négligence découle de l’accord tacite d’éviter les sujets conflictuels, ce qui est automatiquement le cas pour toute question d’importance. Cependant, cette précaution est poussée trop loin. Car, à bien comprendre Cardahi, avant de renoncer à soumettre un problème au Conseil des ministres, il faut au moins le travailler, tenter de trouver un compromis à son propos et cet effort n’est pas accompli. C’est le cas pour les nominations administratives, le conseil d’administration de la CNSS, le mouvement diplomatique, le cellulaire, la privatisation des eaux, la loi sur la fusion des banques, etc. Bref, le pouvoir se paralyse lui-même, et le pays avec lui, sans tenter de trouver des issues raisonnables. À en croire les opposants, le mal tient surtout, à l’heure actuelle, aux visées des uns et des autres concernant la prochaine présidentielle.
De leur côté, certains loyalistes reconnaissent que l’on a ouvert la bataille trop tôt. Ils affirment que cet élément a été notifié aux responsables par qui on sait. Et ils ajoutent que l’échappatoire recommandée, toujours par qui on sait, est d’établir un plan pour rassembler toutes les composantes du camp du pouvoir, tous les fidèles dans une même ligne générale, face à l’opposition. Ces sources répètent qu’il faut un consensus minimal entre les dirigeants. Sleiman Frangié proclame pour sa part que « nous allons nous battre pour faire arriver à Baabda un représentant de la ligne politique (dite nationale) et nous allons nous battre pour barrer la voie à tout candidat qui n’appartiendrait pas à cette ligne. » Du Brésil, Hariri semble faire écho au jeune leader du Nord. Il estime que la coopération avec Baabda s’impose à un moment aussi périlleux de l’histoire régionale. Il veut désamorcer les bombes à retardement. Mais le pourra-t-il ? Les opposants en doutent pour leur part. Ils pensent que le camp d’en face est trop disloqué pour pouvoir vraiment recoller ses morceaux. De plus, déclarent-ils, Kornet Chehwane est difficile à combattre. Parce que le groupe a l’oreille de l’opinion et qu’il a manifestement raison sur plusieurs points majeurs. Comme le dit l’adage, chacun prêche pour son église. Mais chacun a ses difficultés : en effet, les efforts déployés par certains contestataires pour la formation d’un large front d’opposition ne semblent pas jusqu’à présent porter leurs fruits. D’ailleurs, dans un pays mosaïque, les blocs monolithiques sont un peu un contresens. Des assemblages, peut-être, mais pas de rassemblement véritable, du moment que les intérêts ne sont pas les mêmes.
Philippe ABI-AKL Philippe
«Les sons et les parfums tournent dans l’air du soirValse mélancolique et langoureux vertige. »Baudelaire a chanté les correspondances, après Mme de Sévigné. Hariri reprend aujourd’hui ce flamboyant flambeau. En adressant au régime, du pays des cariocas qu’il visite pour cinq jours, une ardente missive d’ouverture, assortie d’une proposition implicite de nouveau...