Rechercher
Rechercher

Actualités

Communautés - Eddé : C’est le Liban qui est un « message », et non les maronites Le document du synode patriarcal sur la politique vivement critiqué

Au cinquième jour de ses travaux, le synode patriarcal maronite s’est attaqué à l’un des documents les plus attendus, compte tenu de l’actualité (et des mentalités), celui qui porte sur l’Église maronite et la politique.
Destiné à être une lecture critique de la contribution des maronites à l’histoire du Liban, et notamment de la période 1975-1990 avec les bouleversements qu’elle a produit (affaiblissement politique, appauvrissement économique, émigration ), le document s’est avéré être l’un de ceux qui ont suscité les plus vives critiques que le synode ait eu à examiner. Ces critiques se sont faites dans la liberté totale d’expression qui est celle de la démarche synodale.
Une vingtaine d’interventions ont porté sur ce texte, et la plupart des interventants ont choisi de rendre publiques leurs interventions. On en retiendra celles de MM. Michel Eddé, Camille Ziadé, Harès Chéhab, Farid el-Khazen, Carole Dagher et Farid Zoghbi.
Beaucoup d’interventions ont souligné que le document est inacceptable comme piste de réflexion, certains allant même, hors salle, jusqu’à protester qu’il ait pu servir de brouillon.
La rédaction du document, a-t-on constaté unanimement, remonte à 1997, comme l’attestent certaines des références historiques auxquelles il fait allusion.
Le texte, ont également constaté les intervenants, est semble-t-il hybride, puisque, d’une part, il axe son analyse, jusqu’à la manie, sur les tendances « séparatistes » des maronites qui auraient culminé en 1975 par leur « séparation de l’État », et que d’autre part, il propose aux maronites de faire alliance avec les États-Unis et de s’inspirer de leur système fédéral.

Le patrimoine
et l’Exhortation
L’une des critiques les plus véhémentes du « brouillon » proposé est venue de Michel Eddé, qui a rappelé que les vues de l’Église sur la politique doivent être recueillies aux deux sources du patrimoine et de l’Exhortation apostolique, et seulement d’elles.
« Le patrimoine, a affirmé Michel Eddé, nous apprend que les maronites n’ont jamais compté que sur eux-mêmes pour arracher la reconnaissance de leur présence et pour assurer leur pérennité tout au long des siècles et des bouleversements de l’histoire et des époques. Ils n’ont jamais demandé la protection de puissances étrangères qui, au demeurant, n’agissent que dans leurs propres intérêts et pour se protéger elles-mêmes d’abord et avant tout. Même ce qu’il est convenu d’appeller la “question d’Orient” était, en réalité, selon la remarque du président Charles Hélou, “la question d’Occident en Orient”. L’intervention française au XIXe siècle, dans le sillage des événements de 1860, fut une exception dictée, d’abord, par la logique des affrontements entre puissances étrangères. »
« Au demeurant, a poursuivi l’ancien ministre de la Culture, les maronites peuvent-ils oublier l’invitation qui a été adressée aux chrétiens et aux maronites en particulier, tout au début de la guerre discorde, et par la voix de certains envoyés occidentaux, à embarquer à bord de navires qui les attendaient au large de leurs côtes et à tourner définitivement le dos à leur patrie ? »
« Quant à l’Exhortation apostolique, a poursuivi M. Eddé, elle souligne avec force qu’il n’y a pas d’espérance pour les maronites sans espérance pour le Liban ».
Critiquant « le caractère sélectif et le manque d’objectivité » du document synodal, ainsi que sa volonté de « lire entre les lignes de l’Exhortation apostolique, au lieu d’en lire le texte », M. Eddé souligne que « l’esprit du document n’est pas celui de l’Exhortation apostolique ».

Le facteur israélien
Et d’enchaîner en soulignant que « le Liban message est présenté par le pape comme modèle au monde contemporain et comme orientation pour le règlement des tensions qui agitent nombre de pays et de sociétés (...) Mais Sa Sainteté n’a jamais dit aux maronites qu’ils sont “plus qu’un pays, un message”. Ces mots d’espérance ont été adressés au Liban de la convivialité islamo-chrétienne ».
Réfutant une autre partie du document soumis à la discussion, M. Eddé a enchaîné : « Que le Liban doive être en bon rapports avec les États-Unis, comme avec d’autres pays, est une chose, et inviter les maronites à “nouer des liens poliques” et à se rattacher à une grande puissance occidentale, indépendamment du Liban, en est une autre, a par ailleurs noté M. Eddé. C’est inviter les maronites à se séparer de leurs compatriotes, chrétiens et musulmans, à renier la convialité et, en dernière analyse, à renier le Liban. »
« La formule politique des États-Unis est parfaitement adaptée à ce pays, a poursuivi l’ancien ministre. Cette formule a prouvé son utilité à maintes reprises, pour ce pays. Mais le Liban possède une formule qui lui est propre qui assure la représentativité de toutes ses familles religieuses. C’est elle qui a porté le pape à le considérer comme un modèle à imiter ».
Après avoir indiqué que l’Église ne s’identifie à aucun régime politique, mais se fait la gardienne des droits et de la dignité de l’homme, M. Eddé a noté que le document proposé à la réflexion fait l’impasse sur un des facteurs fondamentaux du drame libanais, le facteur israélien, et se limite aux effets négatifs du facteur arabe sur les maronites et sur le Liban. Certes, on ne peut nier ce dernier facteur, mais cela ne justifie aucunement que l’on occulte totalement et arbitrairement le facteur israélien, ajoute-t-il, avant de dénoncer, dans le même esprit, l’absence de toute référence à la menace de l’implantation palestinienne dans le document proposé à la réflexion.

Chrétiens et musulmans
Plusieurs interventions ont été dans le sens de celles de l’ancien ministre de la Culture. Carole Dagher, pour sa part, tout en partageant cet avis, a invité les maronites à faire leur autocritique, mais à éviter de se morfondre dans un sens de la culpabilité dans lequel leurs adversaires politiques font leurs délices de les (re)plonger, chaque fois qu’ils tentent de se ressaisir.
« Autocritique, oui, mais autoflagellation, non. Ne devenons pas nos propres ennemis. Dépassons notre complexe de minoritaires et fixons-nous sur la qualité de nos différents potentiels, qui sont énormes », a-t-elle lancé, réussissant à se faire applaudir. Carole Dagher devait également rendre hommage aux maronites, seule communauté du Liban à avoir pris concrètement l’initiative de faire son autocritique après la guerre, selon elle.
Il se trouvera aussi certains comme M. Habib Zoghbi, président des anciens de Harvard au Liban, pour demander que le texte souligne sans ambages les ingérences de la Syrie au Liban et inviter les maronites à « lire attentivement » la signification des développement régionaux auxquels nous assistons.
Toutefois, de telles propositions, qui contredisent directement les orientations du siège patriarcal maronite, telles qu’elles se sont dessinées depuis la guerre contre l’Irak, ont peu de chances d’être retenues.
Dans son intervention, M. Harès Chéhab, président de la Ligue maronite , tout en jugeant « brumeux » le document proposé, en a profité pour mettre les points sur les « i » et lancer un appel aux musulmans du Liban.
« Hors de l’État, point de salut pour les maronites, a dit M. Chéhab (...) Mais nous invitons le Libanais musulman à réfléchir profondément et à réagir de façon éclairée à toutes les appréhensions et les sentiments d’inquiétude que nourrissent les chrétiens, afin que le flambeau du dialogue des civilisations soit porté par les deux communautés, car c’est ensemble qu’elles assument la responsabilité du message libanais, devant Dieu et devant l’histoire. »

Fady NOUN
Au cinquième jour de ses travaux, le synode patriarcal maronite s’est attaqué à l’un des documents les plus attendus, compte tenu de l’actualité (et des mentalités), celui qui porte sur l’Église maronite et la politique. Destiné à être une lecture critique de la contribution des maronites à l’histoire du Liban, et notamment de la période 1975-1990 avec les...