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Communautés - Eddé : Pas d’espérance pour les maronites sans espérance pour le Liban Synode patriarcal : débats animés sur l’identité maronite et les rapports avec l’islam

Le synode patriarcal maronite a achevé hier l’examen de son premier dossier protant sur l’identité de l’Église maronite, sa vocation et sa mission. Les remarques formulées sur ce dossier par les participants ont fait l’objet d’une trentaine d’interventions, dont le comité en charge de son examen devra tenir compte pour remanier son texte, après un vote d’approbation de l’assemblée générale.
Ce système de filtrage progressif des amendements est typique de la méthodologie du synode et doit déboucher sur un texte approuvé par tous, y compris par le comité central du synode. Mais même à ce stade, le texte demeurera provisoire, en attendant les remarques que pourraient formuler d’ici à juin 2004, date de la seconde session du synode, les différents groupes ecclésiaux désireux de le faire. Il fera donc l’objet d’une seconde lecture et d’un vote définitif l’année prochaine. Il en sera ainsi pour les cinq dossiers examinés.
Le dossier de l’identité de l’Église maronite comprend quatre documents portant sur l’identité stricto sensu, le caractère apostolique et missionnaire de l’Église maronite, sa vocation œcuménique et ses rapports avec l’islam. Sa présentation a été faite par Mgr Boulos Matar, archevêque de Beyrouth, qui a coordonné les travaux de la commission qui en a établi les textes. Dans son intervention, Mgr Matar a mis en évidence les racines antiochiennes de l’Église maronite et son appartenance à la grande famille syrienne, qui a essaimé jusqu’aux Indes, et qui peut être aussi fière de sa tradition que le sont l’Église latine ou l’Église byzantine. Son caractère apostolique, l’Église maronite le tient donc de ses racines, puisque c’est saint Pierre qui a fondé l’Église d’Antioche et saint Paul qui en a consolidé la foi, et puisque c’est là aussi que « les frères » ont, pour la première fois, reçu le nom de « chrétiens », a encore fait valoir Mgr Matar. L’archevêque de Beyrouth a brièvement indiqué ensuite que, de par sa double allégeance à ses racines orientales et au Saint-Siège, l’Église maronite a une vocation de « trait d’union » œcuménique. Il a conclu en affirmant qu’insérée dans le monde arabe et islamique, elle n’a jamais cherché à s’en dissocier, bien au contraire, malgré les vicissitudes et les périodes troubles.
Les interventions ont porté, pour la plupart, sur le premier et le quatrième document : l’identité et les rapports avec l’islam, qui sont au centre de controverses et soulèvent encore les passions. Le débat sur l’identité a été marqué par les interventions surprenantes des délégués maronites américains et australiens. Leur discours apaisé sur l’Église maronite a contrasté avec le discours tourmenté, défensif, apologétique des maronites du Liban. « Attendez les interventions des maronites des pays arabes », lance un membre du synode. Il y a là une réalité nouvelle qui mérite réflexion.
Certains, comme l’évêque maronite de New York, Stephen Hector Doueyhi, ont parlé d’une véritable mutation. Selon Doueyhi, qui ne se prive pas d’en parler à la presse, l’Église maronite est en passe de devenir une petite Église universelle dont le Liban serait « la patrie spirituelle », mais dont les membres seraient pleinement américains, australiens ou brésiliens ou... libanais. Ainsi, font valoir certains, l’identité peut être dissociée de l’appartenance.

Le document
sur l’islam critiqué
Au sujet de la vocation œcuménique de l’Église maronite, les interventions insistent sur le fait que le mouvement vers l’unité est bloqué aujourd’hui et que les Églises réalisent désormais que l’unité est « une unité avec l’autre en tant qu’autre » et non sa conversion à soi.
L’absence de tout « souffle spirituel » du document sur les rapports de l’Église maronite avec l’islam a été critiqué. La commission de rédaction du document a été priée de revoir le texte à la lumière de ce que dit l’Exhortation apostolique à ce sujet et son appréciation positive des valeurs spirituelles et morales de l’islam.
D’autres intervenants ont affirmé que le texte « n’est pas équilibré » et qu’il passe outre à la guerre et à ses causes, qu’il confond les musulmans et les druzes, qu’il évite les difficultés historiques et escamote les questions épineuses. Des intervenants ont parlé de la nécessité pour les Libanais de se parler plus franchement les uns aux autres.
Sur les rapports avec l’islam sont intervenus en particulier Carole Dagher, déléguée du diocèse d’Antélias et experte au synode, et Michel Eddé, ancien ministre de la Culture.

Enracinement et ouverture
Si les maronites ont résisté et duré, depuis 1 600 ans, c’est grâce à leur Église qui a compris que le secret de sa présence et de sa durée réside dans son enracinement. L’Église maronite a su durer historiquement parce qu’elle a su s’incarner dans un espace géographique. Enracinement et ouverture sont les deux principes sur lesquels reposent le moment fondateur de son existence et sa permanence, a affirmé en substance l’ancien ministre.
Invitant les chrétiens et les maronites en particulier à redécouvrir leur christianisme après les épreuves d’une guerre destructrice et à renouveler l’Église au seuil du troisième millénaire, le souverain pontife a donné à l’Exhortation apostolique le titre « Une espérance nouvelle pour le Liban » et non une espérance nouvelle pour les chrétiens ou pour les maronites, a poursuivi en substance M. Eddé. Car il n’y aura pas d’espérance pour les maronites s’il n’y a pas d’espérance pour le Liban, pour ses chrétiens comme pour ses musulmans.
Il n’y aura pas de salut pour les maronites sans salut pour un Liban dont le pape a assuré qu’il est partie intégrante du monde arabe, mettant en évidence sa vocation première, au seuil du troisième millénaire, par cette formule unique : « Le Liban est plus qu’un pays, c’est un message », sur la base des deux principes premiers évoqués : l’enracinement et l’ouverture. La conscience de leur spécificité a poussé les maronites à comparer leur présence au Liban à celle d’un « levain », car ils sont véritablement le levain de sa formule unique de coexistence, a poursuivi en substance M. Eddé. Toutefois, les bouleversements et les mutations qui ont radicalement modifié l’image du monde depuis la fin du XXe siècle engagent les maronites à réfléchir sur l’expérience libanaise d’une façon encore plus globale. Ces mutations ont modifié qualitativement le cours de l’histoire en ce qu’ils ont accentué les conflits identitaires, qui se sont substitués aux conflits idéologiques. Au cœur de ces mutations, « l’espérance nouvelle pour le Liban » subit, elle aussi, une mutation pour devenir « une espérance nouvelle pour le monde ». La vocation du Liban est d’approfondir dans cet Orient, et à partir de lui, le dialogue de vie entre le christianisme et l’islam, au service de la rencontre entre ces deux religions dans le monde entier, en Asie et en Afrique, en Europe et dans les deux Amériques.
C’est en ce sens, a conclu M. Eddé, que nous pouvons dire que ce Liban, dont nous nous félicitions qu’il soit « un trait d’union » entre l’Orient et l’Occident, il est désormais de notre devoir de le faire valoir comme « une nécessité pour l’Orient et l’Occident ». C’est à cette lumière et à cette lumière essentiellement que les maronites, et avec eux tous les Libanais, sont invités à relire la question de l’identité.
Par ailleurs, le synode patriarcal a entamé hier les débats sur le second dossier portant sur le renouveau des personnes et des structures, qui se conclura aujourd’hui.

Fady NOUN
Le synode patriarcal maronite a achevé hier l’examen de son premier dossier protant sur l’identité de l’Église maronite, sa vocation et sa mission. Les remarques formulées sur ce dossier par les participants ont fait l’objet d’une trentaine d’interventions, dont le comité en charge de son examen devra tenir compte pour remanier son texte, après un vote d’approbation...