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Cent jours décisifs, pour Beyrouth comme pour Damas

Napoléon a eu ses Cent jours d’illusion impériale, après son retour de l’île d’Elbe. Toutes proportions gardées, Beyrouth et Damas en auront autant, pour faire leurs choix en réponse aux injonctions US. C’est ce qu’indiquent des sources locales particulièrement bien placées pour savoir de quoi il en retourne au juste. Et qui réfutent, d’un haussement d’épaules, les analyses sommaires de loyalistes par trop optimistes. Pour qui, du moment que les États-Unis ne brandissent pas la menace d’une opération militaire, directe ou par Sharon interposé, on peut toujours biaiser, gagner du temps, diluer la tension. Maintenir en somme le statu quo, moyennant quelques menues concessions, comme des fermetures de bureaux. Ce n’est pas aussi simple, observent donc les initiés cités. Car les Américains sont pressés. Et ils plaisantent si peu que même leur Powell, qui a une solide réputation de colombe par rapport à un Rumsfeld ou à un Cheney, se fait comminatoire quand il s’adresse à la Syrie et au Liban. Il leur a laissé entendre qu’ils ont jusqu’à la mi-août au grand maximum, pour se conformer à la « feuille de route » exclusivement américaine concoctée à leur unique usage. Autrement dit, au bout de trois petits mois, ils devront répondre oui ou non aux exigences US, dossiers dits sécuritaires en tête. Sans discussion possible. Dans ce contexte, et toujours selon les mêmes sources, Powell n’a prêté qu’une oreille polie mais guère attentive aux points de vue respectifs, aux réserves des Syriens et des Libanais. Le tandem souhaite dialoguer, mais le vis-à-vis rejette toute négociation. C’est à prendre ou à laisser. Le prix à payer, en cas de refus ? Des sanctions économiques, sans doute. Mais peut-être aussi, en filigrane, des frictions, des heurts avec Israël. Cependant, indiquent encore les mêmes personnalités, Powell consent à laisser aux Syriens et aux Libanais le soin de mettre au point un scénario d’exécution qui leur permettrait de sauver la face. Ou plutôt de s’en sortir sans trop de contre-effets politiques ou populaires. En d’autres termes, sans se mettre à dos frontalement, si l’on peut dire, les radicaux palestiniens, l’Iran et le Hezbollah. Cette bonne manière powellienne exceptée, Washington assène son diktat à toutes les parties régionales : que nul, même Sharon, ne s’avise de faire le malin et de manœuvrer. Personne, ajoutent les Américains, ne doit miser sur le facteur temps en espérant en gagner assez pour que l’Administration Bush se trouve déconnectée du fait qu’elle entrerait en période électorale. Car l’actuelle direction US est persuadée que la réélection de Bush est d’ores et déjà dans la poche. Et qu’elle peut continuer à agir comme bon lui semble, en restant étanche aux pressions des lobbies, les prosionistes en tête. D’ailleurs, le forcing US est tel, en direction de la mise en application de la « feuille de route » du quartette, que le processus semble avoir de bonnes chances de devenir irréversible avant que ne s’ouvre la saison de chasse présidentielle aux States. Dans le même esprit, et la même foulée, Washington veut rentabiliser tout de suite sa guerre irakienne, en imposant à tous un remodelage dont le principe est définitif, bien que les contours en restent flous. Le message s’adresse en premier, suivez la flèche, aux États qui ont rué des quatre fers contre l’invasion US. Ils se voient notifier que l’ère du changement a déjà commencé, qu’ils le veuillent ou non. Et que le mieux pour eux ce serait encore de faire contre mauvaise fortune bon cœur, en baisant la main (bacio le mani, à la sauce Chicago) qu’ils ne peuvent mordre. En d’autres termes, c’est un langage de rapports de forces modifié en leur faveur que les Américains tiennent aux protagonistes de la région. En soulignant que la fréquente collusion tacite entre ennemis pour laisser l’Oncle Sam en dehors du jeu régional est définitivement balayée par le coup de force en Irak. Tête de pont pour le reste du Moyen-Orient. À court terme, les mêmes pôles libanais cités prévoient trois étapes qui auraient des incidences sur la situation de ce pays comme du reste de la région : – L’arrivée en Israël et dans les Territoires de Powell pour mettre en branle les trois phases de la « feuille de route ». Document qui pourrait être retouché, non pas dans le sens des amendements sharoniens, mais pour y inclure une clause relative aux réfugiés palestiniens, dossier qui préoccupe le Liban au plus haut point. Peut-être même aussi pour y évoquer le retrait israélien du Golan comme de Chebaa. – La visite au Liban, le 12 du mois en cours, du président iranien Khatami. Il doit rencontrer les autorités locales mais également diverses instances, dont le patriarche Sfeir. Et il sera l’invité d’honneur d’un grand meeting à la Cité sportive. Où son discours est très attendu car il devrait comprendre un message, dans un sens ou dans l’autre, au Hezbollah. – Les entretiens que Sharon doit avoir, le 18, avec Bush, aux États-Unis. Le Premier ministre israélien va sans doute effectuer une ultime tentative de faire adopter tout ou partie des 19 amendements qu’il propose à la « feuille de route » du quartette. Quoi qu’il en soit, des députés libanais, opposants mais modérés, soulignent que l’essentiel pour ce pays est de veiller à ce qu’il n’y ait pas de noyautage préjudiciable à ses intérêts bien compris. Qu’il faut donc éviter de tomber dans le piège de ceux qui tenteraient de semer la zizanie, notamment sur un plan confessionnel. Pour ces parlementaires, il faut consolider l’unité intérieure. Et il ne doit pas y avoir de divisions locales articulées autour de questions comme la présence militaire syrienne, ou encore au sujet du Sud, car cela servirait finalement les desseins des parties favorables à l’implantation. Et de plus, remarquent-ils, cela ne ferait que retarder un redéploiement syrien et encore plus un retrait définitif. Ces pôles de Kornet Chehwane regrettent, bien évidemment que Taëf n’ait pas été appliqué en 13 ans. Ce qui aurait permis d’assainir les relations libano-syriennes et de contenir la montée en puissance des extrémismes. Philippe ABI-AKL
Napoléon a eu ses Cent jours d’illusion impériale, après son retour de l’île d’Elbe. Toutes proportions gardées, Beyrouth et Damas en auront autant, pour faire leurs choix en réponse aux injonctions US. C’est ce qu’indiquent des sources locales particulièrement bien placées pour savoir de quoi il en retourne au juste. Et qui réfutent, d’un haussement d’épaules,...