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Rencontre - Un membre du commandement du parti Baas dénonce les méfaits du régime de Saddam Hussein Fadel Ansari : Les Américains sont en Irak pour y rester

En 1968, il s’était réfugié en Syrie et vivait, depuis, pratiquement dans la clandestinité, luttant avec les moyens dont il disposait contre le régime honni de Saddam Hussein. Le Dr Fadel Ansari, membre du commandement du parti Baas, s’exprime désormais librement sur ses années d’horreur, mais aussi sur l’avenir de son pays, dans lequel il espère, avec ses compagnons, jouer un rôle. « Nous sommes membres d’une vaste coalition. C’est à travers elle que nous espérons participer au nouveau pouvoir en Irak », dit cet ancien professeur d’université, qui préfère aujourd’hui se consacrer à l’écriture. S’il reste convaincu que les Américains ont tout planifié, même le désordre apparent, et qu’ils sont en Irak pour y rester, il souhaite que les Irakiens puissent quand même avoir une marge de choix. Originaire de Najaf, la ville irakienne qui monte, le Dr Fadel Ansari refuse de parler de confession ou de religion. Ce baassiste à l’ancienne, l’un des rares survivants de la vieille garde du parti, accuse Saddam Hussein de l’avoir totalement détruite ou chassée d’Irak, sauf Tarek Aziz, selon lui, le seul miraculé. Il se désole aujourd’hui de voir son pays, qu’il a d’ailleurs quitté en 1968, perçu comme une mosaïque de différentes confessions. Un régime fédéral, impossible en Irak Selon lui, la seule fédération possible en Irak peut se faire entre les Kurdes et les Arabes, mais elle est impossible entre les sunnites et les chiites. « Si les Américains pensent partager le pays en communautés, ils se heurteront à une forte résistance. Mais je crois qu’ils savent que leur intérêt est aujourd’hui dans un Irak uni. Un État, ou canton sunnite au centre du pays, isolé et sans ouverture sur la mer ne pourra que se tourner vers la Syrie et cela, les Américains ne le veulent à aucun prix. Un canton kurde au Nord remettra en question la situation des Kurdes de Turquie et d’Iran. Ce qui n’arrangerait pas non plus les Américains. Enfin, un État chiite au Sud permettrait l’accomplissement du fameux croissant chiite pétrolier de l’Azerbaïdjan, jusqu’à l’Iran. Tant de richesses aux mains d’une même communauté, qui plus est considérée, à travers l’histoire, comme un élément perturbateur, ce serait un danger non seulement pour les États-Unis mais aussi pour l’Occident. En 1920, les Anglais avaient misé sur les chiites d’Irak, persécutés par les Ottomans, or ce sont eux qui se sont révoltés contre ces mêmes Anglais ». Pour le Dr Ansari, les Américains ont en tête toutes ces considérations et ce sont celles-ci qui dictent leur politique en Irak. L’essentiel, pour eux, estime le Dr Ansari, est d’éviter de mettre une allumette près du puits de pétrole que constitue l’Irak. Ils pourraient ainsi songer à partager d’autres pays, comme l’Arabie saoudite, mais certainement pas l’Irak. Selon le membre du commandement du parti Baas, les Américains contrôlent bien la situation. Tout ce qui se passe serait donc voulu par eux : les pillages du début, l’arrivée de Mohammed Zubeiri, (aujourd’hui emprisonné, après s’être proclamé maire de Bagdad) connu pour s’être enrichi en faisant passer clandestinement des Irakiens vers la Syrie et le Liban, moyennant cent dollars par tête. Le but : détruire toutes les institutions irakiennes, provoquer une telle situation d’anarchie et de dégoût, pour pouvoir imposer leur vision du pouvoir et leurs propres institutions. « 1 200 experts dans tous les domaines travaillent depuis des mois sur la situation en Irak et le moyen de la contrôler. Tout ce qui se passe est donc parfaitement étudié. Je suis convaincu que les Américains connaissent le sort de Saddam Hussein et celui de ses proches. Mais ils préfèrent dévoiler leurs cartes une à une, d’abord pour que leurs adversaires découvrent les leurs et les croient faibles et ensuite, parce qu’ils souhaitent une évolution progressive. Ils ont encore besoin du fantôme de Saddam Hussein pour continuer à faire peur aux Irakiens. De plus, un peuple opprimé pendant 35 ans a besoin de temps pour retrouver l’usage de la liberté. Toutes les manifestations sont voulues par les Américains, pour que le réveil des Irakiens se fasse progressivement. Tout comme ils garderont pour la fin la “découverte” des armes chimiques, pour bien laisser les Européens s’enferrer dans leurs critiques... » « Un plan préparé bien avant le 11 septembre 2001 » Le Dr Ansari est convaincu que les Américains ont des projets à très long terme pour l’Irak, ce pays d’une très grande richesse. L’Euphrate y fournit 17 milliards de m3 d’eau alors que le Tigre en donne 52 milliards. Sans compter les affluents et les confluents. La surface cultivable en Irak égale 25 % de la superficie de la Syrie. Sur le plan des ressources pétrolières, les dernières statistiques montrent que le pays possède 48 % des réserves mondiales. On vient d’y découvrir du sulfure, du mercure rouge et du phosphate. Tout cela sans évoquer les ressources humaines. Depuis l’ère royaliste, l’Irak a suivi une politique d’envoi de délégations à l’étranger pour y suivre des formations professionnelles spécialisées. En un an, 60 000 étudiants sont ainsi allés à l’étranger. « L’Irak est un pays aux ressources inimaginables et sa position géostratégique le rend indispensable pour l’instauration d’un nouvel ordre régional, dont Israël ferait partie. » C’est pourquoi, selon le professeur, le plan américain a été préparé bien avant le 11 septembre et Ben Laden n’aurait été ainsi qu’un prétexte. Sur le régime de Saddam Hussein, le Dr Ansari est intarissable. « L’Occident croyait le blesser en le qualifiant de dictateur, ou de despote. Mais pour lui, c’était un compliment, la preuve qu’il se rapprochait de l’image de son idole, Staline. Tout son régime était fondé sur la terreur. C’était la principale arme du pouvoir et la garantie de sa survie. C’est pourquoi, les gens étaient exécutés devant leurs domiciles et en présence de leurs proches et les assassins venaient ensuite empocher 20 dinars, le prix des balles utilisées pour l’exécution... » Le Dr Ansari raconte une aventure qui lui est personnellement arrivée. Réfugié en Syrie, il n’avait pas vu son frère, Bassem, depuis 32 ans. Récemment, ce dernier est passé par Damas, en rentrant d’un voyage en Algérie. Profitant de l’occasion, ce dernier le contacte à partir de l’hôtel où il se trouve, mais lorsque le Dr Fadel suggère de venir lui rendre visite, son frère s’écrie : « S’il te plaît, je ne veux pas te voir. Un agent des SR irakiens dort avec moi dans la chambre, pour me surveiller. » Cela se passait il y a deux mois. C’est dire que jamais la terreur exercée par le régime n’a faibli. Un psychopathe, complexé par sa mère « On pourrait trouver des explications psychologiques au comportement de Saddam Hussein, précise le Dr Ansari. Il était orphelin et il a eu une enfance de nomade. Son oncle maternel qui l’a élevé était un sadique. Il l’avait même envoyé exécuter son premier assassinat, alors qu’il avait 17 ans. Sa mère s’est remariée à plusieurs reprises et il s’était juré de pousser les mères irakiennes à suivre son exemple, en tuant leurs maris... Mais cela n’excuse pas son sadisme ni son manque de courage. Car si la tentative d’assassinat de Abdel Karim Kassem en 1959 a échoué, c’est à cause de lui. Il s’était posté à la mauvaise place, face à une ruelle pour pouvoir s’enfuir. En fait, il a été arrêté et emprisonné. Il s’est d’ailleurs arrangé pour tuer ses compagnons de cellule et tous ceux qui ont accompagné ses premiers pas au Baas. Il ne voulait pas de témoins de son passé. Seul Tarek Aziz a survécu parmi les membres de la vieille garde. Tous ses autres compagnons sont des nouveaux venus et surtout des gens de basse extraction, sans culture ou éducation. Izzat Douri était un vendeur de glaces etc. Saddam Hussein a causé beaucoup de tort au parti Baas, en le vidant de ses idéaux et en modifiant toute sa structure. Ce sera difficile pour nous de travailler en Irak sous ce label. Mais nous ne comptons pas renoncer. Nous sommes membres d’une vaste coalition, qui compte des Kurdes, comme le PDK ou le parti de l’Union, le conseil islamique de cheikh Baker Hakim, le parti Dawa etc. Nous militons pour l’indépendance de l’Irak, l’établissement de bonnes relations avec nos voisins, y compris le Koweït. » Et avec la Syrie ? « Certainement. Ce pays nous a offert l’asile et un lieu pour mener notre action. Le parti de Jalal Talbani a d’ailleurs été fondé en Syrie. » Le Dr Ansari revient sur son thème favori, les horreurs du régime. « Chaque famille a une victime du sadisme de Saddam en Irak. Vous ne pouvez pas comprendre la phobie des sonnettes des portes qu’ont les Irakiens. Car c’est comme cela que les services se présentent chez eux. Saddam supervise toutes les tortures. Il entre dans chaque détail. Un prisonnier récemment libéré par les Américains croyait bénéficier d’une amnistie de... Ahmed Hassan Bakr. C’est dire qu’il est coupé du monde depuis 50 ans. Ce régime est incroyable. Mais cela ne signifie pas que les Américains doivent rester en Irak... » Scarlett HADDAD
En 1968, il s’était réfugié en Syrie et vivait, depuis, pratiquement dans la clandestinité, luttant avec les moyens dont il disposait contre le régime honni de Saddam Hussein. Le Dr Fadel Ansari, membre du commandement du parti Baas, s’exprime désormais librement sur ses années d’horreur, mais aussi sur l’avenir de son pays, dans lequel il espère, avec ses compagnons,...