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ENVIRONNEMENT - Les déchets sont collectés dans la ville, mais leur destination finale demeure inconnue Des palliatifs pour tenter d’éviter la catastrophe écologique de Saïda (photos)

Si les déchets de Saïda ont été collectés hier après plusieurs jours d’interruption, suite à la fermeture du dépotoir de la ville, il est clair que le problème demeure entier puisque la destination finale des ordures collectées reste pratiquement inconnue. Esmate Qawass, secrétaire général du comité civil pour la fermeture du dépotoir, a fait une déclaration inquiétante lors d’une réunion des associations écologiques dans la ville. « Des observateurs ont noté que les déchets étaient jetés dans des vallées proches de villages environnants, d’où le fait que la pollution ne fait que s’étendre », a-t-il dit. « Quelquefois, les déchets sont incinérés à l’air libre. Hier, Saïda a suffoqué. » Pour sa part, le président du conseil municipal de Saïda, Hilal Qobrosli, n’a pas nié le fait et a précisé à « L’Orient-Le Jour » que les déchets « sont acheminés vers des dépotoirs déjà existants dans les environs de la ville », assurant qu’« aucun nouveau site n’a été créé ». En raison de la crise née de l’effondrement d’une partie du dépotoir dans la mer le 21 avril dernier et de la fermeture qui s’est ensuivie sans qu’une alternative n’ait été adoptée, un sit-in a été organisé hier par le comité pour la fermeture du dépotoir de Saïda devant le siège de la municipalité, rassemblant quelques dizaines d’environnementalistes. Ce mouvement, qui était marqué par la présence de personnalités du courant du député défunt Moustapha Saad et par l’absence de proches de la députée Bahia Hariri et des membres du conseil municipal, ce qui conforte l’idée qu’une lutte politique locale s’inscrit en fond de toile à la crise, s’est fait l’écho du mécontentement général, même s’il n’a pas mobilisé les foules. Plusieurs associations écologiques, venues de diverses régions du Liban-Sud ou d’ailleurs, y ont participé. Les banderoles brandies par les manifestants portaient des slogans très sévères pour la municipalité, accusée d’avoir été incapable d’éviter la crise et de résoudre le problème des déchets, malgré ses multiples promesses. Au cours du sit-in, Greenpeace et le syndicat des plongeurs professionnels du Liban ont distribué un communiqué « annonçant la mort de la mer de Saïda après l’effondrement de tonnes de déchets qui empoisonnent le milieu aquatique ». Le communiqué appelle la municipalité à ôter les ordures de l’eau le plus vite possible, mais M. Qobrosli a déclaré à L’Orient-Le Jour que la réhabilitation du site est de la responsabilité du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR). Cette réhabilitation sera-t-elle entamée au plus vite ? « Qu’importe, a-t-il répondu. Nous avons arrêté le flux de déchets qui s’ajoutaient tous les jours à la montagne d’ordures. Cela signifie que les problèmes, comme les incendies qui se déclaraient parfois, ou l’effondrement dans la mer, ne sont plus imminents. » Il a précisé qu’un isolant en béton devrait être construit pour limiter la pollution vers la mer. Un dépotoir multiplié Le point de vue du président de la municipalité est loin d’être partagé par tous. Une réunion prolongée s’est tenue au siège de la Najda à Saïda, après la fin du sit-in, rassemblant les différents écologistes présents au rassemblement. Dans leurs recommandations, les environnementalistes ont insisté sur la responsabilité du ministère de l’Environnement dans l’élaboration d’une stratégie nationale pour le traitement des déchets. Ils se sont fermement opposés à l’utilisation de tout nouveau dépotoir sauvage dans les parages de Saïda et ont demandé à la municipalité de présenter un plan de gestion dans un délai d’un mois. Enfin, ils ont insisté sur la réhabilitation de l’ancien dépotoir, qui continue de déverser ses poisons dans la mer. La crise, rappelons-le, avait poussé les autorités à former un comité de suivi présidé par le mohafez du Liban-Sud, Fayçal Sayegh, et composé de plusieurs députés, dont Mme Hariri et M. Saad, ainsi que de M. Qobrosli. Ce comité avait décidé d’un plan en trois étapes, la première consistant à régler urgemment le problème dans la ville, la seconde à trouver un terrain qui servira de décharge sanitaire pour une période de deux ans environ et la troisième à construire l’usine de traitement dont la municipalité parle depuis des années. Interrogé sur ces points, M. Qobrosli a assuré que « la décharge sanitaire sera construite dès que le terrain adéquat sera trouvé », ajoutant que « les présidents Berry et Hariri nous ont promis leur soutien dès que le site sera retenu ». Pour ce qui est de l’usine, il a rappelé que le décret d’autorisation n’a été adopté que le 29 mai 2002. Le concepteur du projet avait proposé de l’installer « gratuitement » dans la ville. Commentant ce concept, que beaucoup ont critiqué, le considérant comme « louche », M. Qobrosli explique : « Le contrat initial stipulait que le propriétaire devait installer l’usine et faire payer aux municipalités les frais de traitement de leurs déchets. Toutefois, il a pu obtenir un financement d’ONG internationales basées à l’étranger, qui couvrait tout le coût de l’opération, d’où le concept de “gratuité”. Mais ce financement était prévu pour les années 2000 et 2001. Quand la promulgation du décret a tardé, le financement n’existait plus. Or, le contrat concernant cette usine en particulier expire fin mai. Au cas où le propriétaire serait incapable d’honorer ses engagements, nous ferons un appel d’offres suivant le cahier des charges que nous avons préparé. » Un clone de Bourj Hammoud La technologie qui sera utilisée dans cette usine sera celle du compostage anaérobique, c’est-à-dire que les déchets se transformeront en compost dans un milieu fermé sous vide. L’avantage de cette méthode, selon M. Qobrosli, est qu’elle permet de préserver les gaz qui se dégagent des détritus et qui, mélangés, donnent du méthane, une source d’énergie. L’usine devait être construite sur un terrain gagné sur la mer « parce qu’il n’y a pas d’autre possibilité à Saïda ». Pour sa part, M. Qawass rappelle que « le projet, surtout qu’il suppose un remblai de la mer, n’avait pas notre entière approbation, mais nous ne nous y étions pas franchement opposés parce que la fermeture du dépotoir était notre priorité ». Aujourd’hui, il critique la municipalité, « qui refuse de nous dire si le projet est tombé à l’eau et quels sont ses plans de gestion dans l’avenir ». Par ailleurs, il soulève la question des indemnités que l’État doit verser, selon lui, aux personnes qui ont souffert, et souffrent toujours, de la proximité du dépotoir. « Des médecins et des propriétaires d’hôpitaux imputent la multiplication des cas d’asthme, d’autres maladies, et même des décès, dans les environs du site, ces dernières années, aux nuisances de cette montagne d’ordures », dit-il. En effet, dans le voisinage du dépotoir, situé sur la plage à l’entrée sud de la ville, l’odeur est insoutenable. Il est facile de constater l’étendue de la pollution, puisque les déchets se retrouvent sur la plage à plusieurs centaines de mètres du dépotoir lui-même, autour duquel fleurissent certaines petites industries. On peut voir des individus juchés sur les détritus, les étalant pour en retirer les restes qui peuvent apparemment leur servir. Visible de la corniche de Saïda, la forme du dépotoir se profile sur l’horizon et semble être un clone de Bourj Hammoud. Comme si le premier ne nous avait rien appris... Le Comité libanais pour l’environnement et le développement, une ONG écologique, a appelé le ministère de l’Environnement à élaborer au plus vite une stratégie nationale pour le traitement des déchets, « parce que les solutions à un problème comme celui-là ne sont ni du ressort des municipalités ni de celui d’un mohafez ». Le comité a mis en garde contre des mesures provisoires et anarchiques dans le cadre de la crise du dépotoir de Saïda. Suzanne BAAKLINI
Si les déchets de Saïda ont été collectés hier après plusieurs jours d’interruption, suite à la fermeture du dépotoir de la ville, il est clair que le problème demeure entier puisque la destination finale des ordures collectées reste pratiquement inconnue. Esmate Qawass, secrétaire général du comité civil pour la fermeture du dépotoir, a fait une déclaration...