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Actualités

Un débat à l’emporte-pièce pour une confiance de pure forme

Quarante-cinq heures pour former le cabinet. La moitié pour lui délivrer son ticket de trajet. En effet, le débat de confiance qui suivra ce mardi la déclaration ministérielle ne devrait pas aller plus loin que demain mercredi. Une fois que l’on s’est entendu comme larrons en foire entre décideurs, présidents et chefs de grands blocs parlementaires (ce sont d’ailleurs à peu près les mêmes), la majorité est largement acquise. Et se fait bien volontiers silencieuse, ce qui devrait réduire le nombre des interventions. Au profit du reste, sur le plan qualitatif, des ténors de l’opposition, qui vont pouvoir faire entendre leur voix sans grand risque de dilution dans un concert (de louanges) loyaliste. Tout est donc placé sous le double signe de la précipitation et du verrouillage. La commission de rédaction de la déclaration ministérielle a ainsi englobé un bon tiers des membres du cabinet. Et elle a remis sa copie au gouvernement, qui l’a approuvée telle quelle, en un temps record. Pour accélérer les choses, des fuites autorisées ont permis de diffuser le document auprès des professionnels concernés comme des médias. Bien évidemment, le texte ne comporte aucune surprise. L’on s’est contenté en effet de reprendre à la lettre la phraséologie du précédent gouvernement, qui a eu la délicatesse de faciliter la tâche des présents rédacteurs en ne tenant aucun de ses engagements, ou presque. L’on a donc réitéré les mêmes promesses, ce qui laisse penser que l’on risque d’aboutir à un même résultat nul. Cependant, actualité oblige, l’alliance avec la Syrie se trouve particulièrement soignée, dans la déclaration ministérielle comme dans la pratique. Comme le précédent, le gouvernement juge bon de répéter que la présence militaire syrienne reste aussi indispensable que légale, bien que théoriquement provisoire. Son maintien est lié à la paix globale dans la région, aussi longue qu’elle puisse être à se concrétiser. Une fois de plus, Taëf est ignoré avec superbe. Et les Libanais récalcitrants se voient priés de ravaler leur impatience, le message s’adressant implicitement, mais manifestement, à l’opposition de l’Est dont l’un des porte-flambeaux reste Kornet Chehwane. Aussi, les députés membres de ce groupe comptent, selon leurs proches, intervenir pour exiger de la transparence. En soulignant qu’on ne peut passer un tel dossier, qui met en jeu l’essence même du pays, c’est-à-dire sa souveraineté, ni sous silence ni sous le coude sous prétexte d’impératifs stratégiques régionaux de l’heure. Les opposants ont de même l’intention de souligner combien il est absurde de traiter les indépendantistes d’agents des USA ou d’Israël comme le font volontiers certains ultras adeptes d’une ligne appelée nationale. Des surenchérisseurs zélés qui se montrent de la sorte bien plus royalistes que le roi, puisque les décideurs de leur côté manifestent beaucoup de respect pour Bkerké. En tout cas, les professionnels prévoient que Berry va défendre le nouveau gouvernement, dont il est le grand bénéficiaire en termes de portefeuilles, becs et ongles contre les attaques des opposants. Il interviendrait pendant leurs allocutions pour faire diversion ou pour abréger leur temps de parole. Il soulignerait du reste, d’entrée de jeu, qu’il ne faut pas beaucoup pérorer car le temps est aux actes et non au verbe. Bref, il mettrait les bouchées doubles pour que la confiance passe comme une lettre à la poste, comme une simple formalité de paravent. Mais les pouvoirs du président de la Chambre ne sont pas si discrétionnaires qu’il puisse vraiment empêcher les députés de s’exprimer. D’autant qu’il y a beaucoup de mécontents, même parmi les loyalistes ou les ministres. Nombre de parlementaires, dont ceux de Kornet Chehwane, ont dès lors l’intention de demander comment on peut accorder la confiance à un gouvernement dont les débuts ont été marqués par deux premières réunions de crêpage de chignon. Ils s’appuieront du reste sur les critiques virulentes lancées par le ministre de la Santé, Sleimane Frangié, qui a relevé que le cabinet est le fruit du sempiternel système de partage du gâteau entre dirigeants. Qu’il a accusés d’avoir provoqué par leurs querelles l’échec du précédent cabinet. Ce thème est appelé à être repris demain par l’opposition, place de l’Étoile. Un détail à préciser : le malentendu entre Frangié et le régime semble sur le point d’être dissipé. En effet, une fois que le chef de l’État eut rappelé qu’il n’avait nommé aucun ministre, le leader du Nord a fait savoir que dans sa tirade lors du Conseil des ministres, il n’avait pas voulu viser Baabda. Mais il a ajouté, à dire vrai, qu’il avait exercé son droit naturel de critique. Et qu’il n’a à en répondre que devant la Chambre. Les médiateurs ont obtenu de Frangié, selon des sources informées, qu’il ne publie pas cette contre-réponse aux loyalistes. Abstention qui a apaisé la tension, en attendant un rabibochage formel. Cependant, une évidence saute aux yeux, bien que monochrome : le nouveau gouvernement est loin d’être un exemple de cohésion. Et, dès lors, son espérance de vie ne paraît pas démesurée. Les colmatages en catastrophe qu’effectue Berry, qui s’est entremis aussi bien sur le front mettant en scène Frangié que sur le plan des rapports entre Hariri et Khalil Hraoui, dureront sans doute ce que dure une rustine: l’espace d’un tronçon criblé d’ornières comme la rue Monnot. Il reste à signaler que beaucoup de députés se sont vu conseiller de s’absenter lors du débat de confiance, pour ne pas être tentés d’y exprimer divers mécontentements. Mais beaucoup d’autres ont été priés d’assister, alors qu’ils avaient envie de s’abstenir, pour assurer au gouvernement une confortable majorité (85 à 95 voix). De la sorte, Hariri n’admettra pas que les représentants de Beyrouth, mécontents que la capitale ait été ignorée cette fois, déposent un bulletin blanc. Du côté du Hezbollah, les observateurs croient savoir qu’un seul membre de ce bloc va participer au vote, les autres s’absentant pour que le parti ne se voie pas reprocher de s’être prononcé contre une nouvelle équipe formée après tout des meilleurs amis des décideurs. De plus, une opposition du Hezb serait mal comprise, du moment que le pouvoir défend ce parti face aux pressions US. Philippe ABI-AKL
Quarante-cinq heures pour former le cabinet. La moitié pour lui délivrer son ticket de trajet. En effet, le débat de confiance qui suivra ce mardi la déclaration ministérielle ne devrait pas aller plus loin que demain mercredi. Une fois que l’on s’est entendu comme larrons en foire entre décideurs, présidents et chefs de grands blocs parlementaires (ce sont d’ailleurs à...