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Le contentieux syro-américain au centre des préoccupations libanaises

Le Liban officiel suit de près, avec autant d’espoir que d’appréhension, l’évolution des échanges entre les USA et la Syrie. Rapports qui se trouvent dans une phase intermédiaire de prédialogue, dans l’attente de la visite que le secrétaire d’État Colin Powell doit effectuer à Damas. L’intérêt libanais pour ce dossier va de soi. Car ce pays est l’une des lices traditionnelles, sinon l’un des enjeux, du graphique en dents de scie que tracent depuis des années les relations entre ces deux grands d’ordres régional et international. Quand le temps est mauvais entre eux, il grêle au Liban. Et il y fait beau quand leur humeur mutuelle est idyllique. Ces derniers jours, la Syrie a fait un premier geste de rapprochement en fermant ses frontières avec l’Irak pour empêcher l’afflux de fugitifs saddamites. Elle a précisé en outre que Powell serait le bienvenu. Cette ouverture peut servir à contrer les faucons qui, au Congrès US, tentent de remettre sur le tapis le Syria Accountability Act. Mais à Beyrouth, on craint que le secrétaire d’État n’insiste pas trop sur des revendications dont la Syrie récuse la plupart. Et qui s’énumèrent comme suit : – Non-immixtion syrienne, notamment via les Kurdes, dans l’Irak nouveau et reconnaissance du régime que les Irakiens se seront choisi. – Non-intervention syrienne, via les organisations que Damas soutient, héberge ou encourage, dans le dossier israélo-palestinien. Autrement dit, la cause palestinienne doit cesser d’être considérée comme une cause arabe et seuls les Palestiniens doivent en traiter. – Neutralisation de la Résistance libanaise, du Hezbollah en particulier, à la frontière libano-syrienne. De ces points, il ressort que les États-Unis veulent disloquer le puzzle, dissocier les différents éléments constitutifs de la question d’Orient et du conflit israélo-arabe. Pour traiter chaque cas à part. Dans cette logique, la Syrie est invitée à ne pas se préoccuper de son voisin irakien, pour limiter les risques de complications internes allant à l’encontre des intérêts stratégiques ou pétroliers américains. De même, Washington pense qu’en mettant la Syrie sur la touche, on pourrait plus facilement mener à bien le processus de règlement israélo-palestinien. La Syrie, comme les autres pays arabes d’ailleurs, est donc expressément invitée à mettre un terme à toute aide politique, informationnelle ou financière aux mouvements radicaux palestiniens partisans de la poursuite de l’intifada. Il s’agit, en premier lieu, de réduire la marge de manœuvre des groupes qui continuent à recourir à l’arme des attentats aux explosifs, à des raids de commandos ou des opérations-suicides. Une fois le cycle de la violence jugulé, grâce notamment à l’action du gouvernement d’Abou Mazen, on pourra facilement faire passer la « feuille de route » du quartette, estiment les Américains. Toujours selon le même plan, Washington incite la Syrie, mais aussi l’Iran, à contribuer efficacement à la fermeture du seul front arabo-israélien encore ouvert en dehors des Territoires, le Liban-Sud. Ce qui implique évidemment l’arrêt de toute opération militaire du Hezbollah du côté de Chebaa. Mais cette demande US est difficile, sinon impossible à satisfaire. La position de l’Iran en serait affaiblie. Et la Syrie perdrait une carte de pression majeure dans le cadre d’un arrangement régional global. Les rapports de force deviendraient trop déséquilibrés en faveur des Américains et surtout d’Israël. L’Iran et la Syrie, empêchés en outre de dire leur mot en Irak, se trouveraient marginalisés. Et le remodelage régional annoncé par le même Colin Powell se ferait facilement à leurs dépens. On a pu ainsi entendre le président Bachar el-Assad proclamer que son pays soutient les solutions qui garantissent l’intérêt du peuple arabe dans toutes ses contrées. Il a précisé que la Syrie est attachée aux résolutions de la légalité internationale, comme au rôle primordial qui doit être dévolu à l’Onu dans tous ces règlements. Il a insisté sur la nécessité de préserver l’intégrité territoriale de l’Irak et d’en laisser le peuple décider librement de son sort. En ce qui concerne la paix régionale, le président Assad a souligné que la Syrie souscrivait d’avance à tout ce que les Palestiniens accepteraient pour eux-mêmes, ajoutant que, pour sa propre part, son pays exige la récupération du Golan. De même, il estime que le Liban a le droit de reprendre la portion de son territoire qui se trouve encore sous occupation israélienne, c’est-à-dire les hameaux de Chebaa. Condition nécessaire pour que le Hezbollah mette fin à ses opérations. Les Américains, quant à eux, soutiennent le point de vue israélien qui prône « la sécurité avant la paix ». Ce qui signifie en l’occurrence que la résistance libanaise doit cesser avant que le territoire ne soit libéré. Et l’armée libanaise déployée sur la ligne bleue. Un raisonnement que le Liban et la Syrie jugent tout à fait illogique. Le Liban est naturellement concerné, directement, par toutes ces considérations. Maillon faible de la chaîne, il risque d’être le premier à subir des convulsions en cas d’évolution négative. Et de servir à nouveau de soupape, d’exutoire, aux conflits des autres. Émile KHOURY
Le Liban officiel suit de près, avec autant d’espoir que d’appréhension, l’évolution des échanges entre les USA et la Syrie. Rapports qui se trouvent dans une phase intermédiaire de prédialogue, dans l’attente de la visite que le secrétaire d’État Colin Powell doit effectuer à Damas. L’intérêt libanais pour ce dossier va de soi. Car ce pays est l’une des lices...