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Le ministre Abdallah Farhat à Bkerké, porteur d’un message du leader druze Joumblatt se démarque du pouvoir et tient à des « relations privilégiées » avec le patriarche maronite

Entre Joumblatt et Bkerké, c’est un pacte sans cesse renouvelé. Depuis la grande réconciliation de Moukhtara en août 2001, le leader druze s’applique avec une grande persévérance à se démarquer du « pouvoir » et à garder des relations « privilégiées » avec le patriarche maronite, en dépit de certains orages passagers. C’est en tout cas ce qui ressort de la visite, hier, du nouveau ministre des Déplacés, M. Abdallah Farhat, à Bkerké, en qualité d’émissaire du chef de la Rencontre démocratique. C’est donc le ministre maronite qu’il a lui-même choisi que Walid bey a dépêché chez le patriarche Sfeir afin de lui transmettre un message fort et, surtout, pour lui exprimer sa volonté de coopérer avec Bkerké sur les dossiers gouvernementaux. Selon un membre de la Rencontre démocratique (le groupe parlementaire de Walid Joumblatt), ce dernier souhaite depuis longtemps se doter d’une assise chrétienne. Ce serait même là une constante de sa stratégie politique. S’il avait donc commencé par appuyer le Rassemblement de Kornet Chehwane, au point qu’on le considérait à un moment donné comme un membre secret de ce Rassemblement, c’est parce qu’il y avait vu la plate-forme idéale pour la conquête des chrétiens. Mais lorsque ce Rassemblement s’est écarté de la ligne du patriarche, dans l’élection partielle du Metn, puis s’est pratiquement placé, selon lui, sous la coupe du général Aoun, Joumblatt s’est vu contraint de s’en éloigner. Il a toutefois tenu à rester en bons termes avec le patriarche. C’est donc pour bien montrer ses intentions qu’il s’est rendu avec les membres de sa famille à Bkerké pour Noël et qu’il a récemment récité le rosaire à l’intention de l’Irak à Harissa. Une opposition incapable de s’entendre sur un nom Joumblatt a d’ailleurs essayé de renouer avec le Rassemblement de Kornet Chehwane, dans l’espoir de le ramener vers plus de modération, mais selon le membre de la Rencontre démocratique précité, l’entreprise était quasiment impossible, le rassemblement n’ayant pas une véritable structure et regroupant des personnes aux opinions et aux ambitions diverses, qui ne sont d’accord que sur les grandes lignes. C’est pourquoi les membres de ce Rassemblement n’ont jamais pu s’entendre pour appuyer un candidat. Ce fut d’abord le cas avec l’élection partielle du Metn puis, plus récemment avec l’intention du pouvoir de donner à cheikh Boutros Harb un portefeuille ministériel. Les autres membres du Rassemblement se sont empressés de déclarer qu’il ne représentait pas Kornet Chehwane et le pouvoir n’a plus jugé utile de porter son choix sur cheikh Boutros. À ce sujet, la même source révèle qu’un autre membre du Rassemblement aurait contacté le ministre Élias Murr pour lui proposer sa candidature, après le retrait du nom de Boutros Harb, en promettant d’obtenir l’accord de Kornet Chehwane. Mais là aussi, il est apparu que le Rassemblement ne pouvait s’entendre sur un seul nom. Les autorités ayant renoncé à nommer un représentant de l’opposition au sein du gouvernement, Joumblatt a alors décidé de faire un geste en direction du patriarche Sfeir. En choisissant un maronite pour le ministère des Déplacés, ce qui est une première depuis que ce portefeuille est soumis à l’influence du leader druze, il a voulu adresser un message très clair au cardinal. Quant à la désignation de Abdallah Farhat, elle est dictée par plusieurs considérations. Pierre Hélou ayant été exclu du nouveau gouvernement, Fouad es-Saad ne pouvait plus en faire partie, les deux hommes symbolisant un fragile équilibre à Aley. Joumblatt ne pouvait pas non plus choisir Antoine Andraos (Hariri) ou Antoine Ghanem (Amine Gemayel), ni même Salah Honein (Kornet Chehwane). Ce fut donc Abdallah Farhat, député de Hammana, jeune professeur à l’USJ et issu d’une famille traditionnellement proche du Bloc national. En fait, selon les observateurs, Farhat serait le seul ministre de l’actuel gouvernement à cent pour cent joumblattiste, puisque nouveau venu dans l’arène. Pas de jugement hâtif Le gouvernement à peine formé, Joumblatt a dépêché le nouveau ministre des Déplacés chez le patriarche Sfeir pour lui expliquer la conjoncture et lui rappeler qu’il tient à conserver une étroite coopération avec Bkerké. Ce faisant, il cherche à se démarquer du pouvoir, considérant que ce dernier aurait pu témoigner plus de considération envers les dernières positions de Bkerké. Mais le leader druze aimerait sans aucun doute que le patriarche se fasse à son tour l’écho de cette « différence joumblatienne », devant l’opinion publique chrétienne. Tous ces thèmes ont probablement fait l’objet de l’entretien entre le cardinal Sfeir et le ministre des Déplacés. À sa sortie de Bkerké, M. Farhat a d’ailleurs confirmé que sa désignation à ce poste est le fruit « d’une attention particulière de Walid Joumblatt à l’adresse du patriarche. Surtout après les positions nationales de ce dernier, qui ont insuflé un climat positif rassembleur à l’ensemble du pays ». M. Farhat a aussi précisé avoir informé le patriarche des dossiers en suspens au ministère, dont le succès dépend en grande partie de la poursuite des opérations de réconciliation dans la montagne et des fonds qui lui sont accordés. Interrogé sur les fausses notes révélées lors du premier Conseil des ministres et reprises dans la presse, M. Farhat a précisé qu’il ne faut pas porter de jugement hâtif. « C’est après le vote de confiance, lorsque le gouvernement commencera à traiter les dossiers en suspens, qu’il faudra se prononcer. Même si les débuts sont un peu hésitants, je suis sûr que les problèmes seront réglés. » Un bel optimisme qui, pour l’instant, a du mal à gagner l’opinion publique. Scarlett HADDAD
Entre Joumblatt et Bkerké, c’est un pacte sans cesse renouvelé. Depuis la grande réconciliation de Moukhtara en août 2001, le leader druze s’applique avec une grande persévérance à se démarquer du « pouvoir » et à garder des relations « privilégiées » avec le patriarche maronite, en dépit de certains orages passagers. C’est en tout cas ce qui ressort de la visite,...