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DOSSIER RÉGIONAL - Le ministre français des AE a rappelé, comme à Damas, Le Caire ou Ryad, le nécessaire rôle central de l’Onu À Beyrouth, de Villepin a tenté de définir la stratégie française pour l’après-Saddam Douze travaux d’Hercule auxquels Paris est confronté pour se raccrocher au train US, e

« Il y a un honneur de la politique, il y a une politique de l’honneur. » Flamboyants – comme sa vision du monde en général et de son pays en particulier –, ces mots, dits quelque part au cours de sa carrière par le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, résonnent à chacune de ses chevauchées en terres étrangères. Lorsqu’il est temps pour lui – les « moments difficiles » se succédant à une cadence infernale depuis plus de trois mois – de prendre, comme il l’a souligné il y a deux jours dans la capitale syrienne, « sa canne et son chapeau », et de venir voir « ceux qui sont dans la difficulté, venir voir les pays de la région, leur parler, dialoguer ». Sauf qu’aujourd’hui, la France, sa France, fait indéniablement partie, qu’on le veuille ou non, de ces pays en difficulté. Dominique de Villepin a clôturé hier dans la soirée une première tournée post-Saddam au Proche-Orient, du Caire à Ryad, en passant par Damas et Beyrouth. Et ce sont un peu les douze travaux d’Hercule qu’est tenu de réaliser, en ces temps de tempêtes, le locataire du Quai d’Orsay, l’anti-Védrine par excellence. On le soupçonne d’ailleurs de se donner corps et âme dans ces travaux-là avec un plaisir qu’il ne cherchera nullement à cacher, tant il est pétri désormais de cette très chiraquienne idée de la France, lui que les défis impossibles n’ont jamais freiné – bien au contraire –, lui qui arrive à mêler, en un savant dosage et avec une surprenante maestria, intransigeance, élégance et lyrisme d’une part, opportunisme florentin et réalisme politique de l’autre. Le « condottiere », comme se plaisait à l’appeler Bernadette Chirac elle-même, est effectivement, au 26e jour de la guerre en Irak, confronté à douze défis majeurs, et c’est la scène régionale, c’est le P-O, c’est le cœur de l’événement, qu’il a choisi comme théâtre de son impatience. C’est à partir des capitales arabes, qu’il vient de visiter, qu’il a décidé de continuer à assurer le service après-vente de la politique française, chef de file des antiguerre. Et cela, en concomitance avec son mentor, son alter ego, le président français Jacques Chirac, qui, de Saint-Petersbourg et entouré de ses homologues Poutine et Schröder, continuait de marteler la nécessaire primauté du droit sur la force. Des travaux d’Hercule donc, pour la réalisation desquels Dominique de Villepin a besoin du soutien du monde arabe. Et c’est au cœur de ce monde arabe, au cours des conférences de presse données tant à Damas que, surtout, à Beyrouth, qu’il s’est employé à les donner à décrypter. Un : faire plier Condoleezza Rice, nouvelle dame de fer anglo-saxonne. C’est-à-dire que plutôt que « vital » – garantissant ainsi le « rôle principal » à la coalition anglo-US dans les premières étapes de la reconstruction de l’Irak –, le rôle de l’Onu (la France disposant du droit de veto) doit être « central », pas simplement humanitaire donc, mais tout entier consacré à « la reconstruction économique et politique ». C’était un de ses credos mis en avant hier à Beyrouth. Deux : mettre les États-Unis devant leurs « responsabilités ». Notamment celle des GI’s présents sur le terrain. Dominique de Villepin a cité, pêle-mêle, lors de sa conférence de presse commune avec Mahmoud Hammoud, la convention de Genève, la nécessité d’assurer la sécurité, répondre à l’urgence humanitaire, etc. Trois : opposer au triomphe militaire US, à partir de Beyrouth, « la victoire du peuple irakien ». Mettre celle-ci en exergue. Exiger, presque, et rapidement, un « gouvernement reconnu par la communauté internationale ». Le message est clair : Paris veut « l’unité de l’Irak » et refuserait tout pouvoir transitoire régi ou secondé par les Américains, et que ne reconnaîtrait pas la grosse majorité des membres de la Ligue arabe. Quatre : s’approprier, du moins continuer à faire bonifier, les effusions d’amour des populations et des régimes arabes à l’égard de la France. En jouant, à Beyrouth comme au Caire ou à Damas, la carte du tendre : « Le sentiment d’injustice qui secoue souvent les peuples arabes n’est pas divisible ». Sans oublier les multiples allusions à l’indispensable : que le peuple irakien soit maître de son destin. Et de ses ressources naturelles – i.e. son pétrole. Que Paris refuse surement de voir aller aux seuls États-Unis, même si TotalFinaElf commence à être dans de beaux draps. Cinq : ne pas laisser les États-Unis seuls maîtres du dossier israélo-arabe. Dominique de Villepin a ainsi insisté, à Beyrouth, sur le plan en cinq étapes qu’il a développé au Caire : la mise en œuvre immédiate de la « feuille de route », la trêve et le référendum pour la paix chez les Palestiniens comme chez les Israéliens, rétablissement des services publics palestiniens, organisation d’une conférence internationale, et pleine prise en compte de l’échéance de juin 2005 pour la reconnaissance de l’État palestinien. Six : casser la théorie Wolfowitz. Le n° 2 du Pentagone, légitimé par son chef Donald Rumsfeld, compare la chute de Bagdad avec celle du mur de Berlin, et table sur l’effet domino de la démocratisation de la région. Pour le lcoataire du Quai d’Orsay, « on ne dicte pas, on ne l’impose pas de l’extérieur, elle a besoin d’être accompagnée, portée par l’ambition des peuples. Il n’y a pas d’épidémie de contagion possible de la démocratie », a-t-il assuré à Beyrouth avant de s’envoler pour Ryad. Sept : donner tous les poids, braquer tous les projecteurs, sur le seul moyen – tant que les choses restent en l’état – dont dispose la France pour ne pas rester simplement spectatrice : le dialogue et la concertation. Parce qu’il « n’y aura pas de paix si la communauté internationale – l’Europe, les États-Unis, la France – n’est pas pleinement associée », a martelé à plusieurs reprises, dans le salon d’honneur de l’AIB, le chef de la diplomatie française. Huit : placer la France au-dessus des considérations bassement terre à terre – celles, notamment, des Américains, avec, à leur tête, encore une fois, l’âme damnée de George W. Bush, Paul Wolfowitz. « Il faut éviter les polémiques, les procès d’intention », se consacrer à la construction de la paix « sans engager d’autres chevaux de bataille », a dit, à Beyrouth, Dominique de Villepin. Neuf : convaincre les Arabes – notamment les Syriens, et donc les Libanais – du bien-fondé de la « feuille de route » du quartette russo-européano-américano-onusien. En conviant indirectement Ariel Sharon à ne pas y toucher. Il a ainsi appelé, devant le chef de l’État, Émile Lahoud, à la relance du processus de paix par la publication de cette « feuille de route ». Dix : expliquer à la Syrie comment elle devrait négocier l’après-Saddam. La convaincre de « contribuer à un règlement du dossier irakien et à la relance du processus de paix » régional. Pour Dominique de Villepin, et à l’heure des graves accusations quotidiennes des plus hautes autorités américaines contre Damas, la Syrie devrait jouer « un rôle de responsabilité, de modération ». Travail difficile, lorsque l’on a en face un Farouk el-Chareh si prompt à faire le parallèle entre George W. Bush et Adolf Hitler, et que son homologue français a dissuadé de continuer en ce sens : « Je ne pense pas que vous puissiez comparer les situations », a dit le chef de la diplomatie française. Onze : assurer, et rassurer, les Libanais, les principaux alliés des Français au Proche-Orient. Les convaincre que les constantes françaises à l’égard du Liban, de son indépendance, de sa nécessaire pleine souveraineté – refus des violations répétées de son espace aérien comme de sa satellisation par la Syrie – n’ont pas changé, conjoncture et pragmatisme obligent, d’un iota. Lors de sa conférence de presse à Beyrouth, Dominique de Villepin a savamment éludé, avec une jolie mais inhabituelle langue de bois, la question de la tutelle syrienne au Liban. Douze : éviter de continuer, maintenant que la guerre d’Irak est terminée, à dire systématiquement blanc quand les alliés naturels de la France, les Américains, proposent le noir. Ou l’inverse. À Beyrouth, le ministre français des AE a estimé que « le moment est mal choisi » de maintenir les pressions sur la Syrie en l’accusant de se porter au secours du régime déchu de Bagdad. Ou de posséder des armes de destruction massive. On le voit, la tâche de la France est loin d’être aisée. Pour survivre sur la scène internationale post-Saddam – ou du moins pour pouvoir continuer à faire partie, ou re-rentrer, dans le club, fermé, des grands décideurs de la planète. Les mots, les prises de position de la France sont plus que les bienvenues, mais ils restent bien dérisoires lorsqu’il s’agit, justement, d’agir après la guerre. Et c’est à partir du Proche-Orient que Dominique de Villepin, le porte-voix, la nouvelle Marianne de la République chiraquienne, a commencé à essayer d’accrocher la France au train mis en marche à la suite de la chute de Bagdad. Sauf qu’il serait bien dommage, pour ce faire, que les prises de position de Paris ne répondent plus qu’à un impératif : n’exister qu’en s’opposant à celles de Washington. Même si Dominique de Villepin a pris soin, au cours de sa conférence de presse beyrouthine, d’affirmer que « tous ensemble, il faut être capables d’unir nos efforts dans la confiance et non dans la division ». Certes. Ziyad MAKHOUL
« Il y a un honneur de la politique, il y a une politique de l’honneur. » Flamboyants – comme sa vision du monde en général et de son pays en particulier –, ces mots, dits quelque part au cours de sa carrière par le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, résonnent à chacune de ses chevauchées en terres étrangères. Lorsqu’il est temps pour...