Rechercher
Rechercher

Actualités

Décryptage pointu des multiples messages d’Assad Objectif immédiat : immuniser le Liban contre les retombées de la guerre

Dans les salons politiques de Beyrouth, comme dans les allées du pouvoir, on suit certes avidement la guerre à la télé. Mais l’on ne parle que des récentes déclarations d’Assad. Tant il est vrai que l’effet de force centripète (ou, si l’on préfère, du magnétisme de proximité) est démultiplié dans un humble petit pays qui n’a rien d’exponentiel. Par contre, la Syrie, puissance régionale établie, membre du Conseil de sécurité, voisine de l’Irak, ne manque pas d’exprimer des vues auxquelles l’intervention US donne forcément un caractère international. Aussi, le premier des messages lancés par le jeune chef de l’État syrien se rapporte à la gouvernance du monde. Il proclame en effet, à la face du nouvel empire, que les grandes puissances n’ont pas le droit d’ignorer avec superbe le rôle ou les positions d’États d’un moindre calibre, qui ne peuvent leur disputer la suprématie. Elles ne doivent pas s’autoriser non plus, ajoute-t-il, de traiter avec mépris la légalité internationale et de substituer leur autorité à la sienne. Assad appelle dès lors les pays de la contrée à s’opposer à la guerre, à lui résister. En dépassant les considérations de susceptibilités et les contentieux bilatéraux pour faire front aux côtés de l’Irak. Mais, bien entendu, à Beyrouth, l’attention a essentiellement porté sur le chapitre Liban du discours tutélaire. Le président syrien réitère le salut adressé à Bkerké, en réponse à l’hommage rendu par les évêques maronites à son intervention de Charm el-Cheikh. Il se félicite que cette attitude s’inscrive aussi bien dans la ligne de l’Église catholique, qu’exprime vigoureusement le Saint-Père, que dans les constantes du patriarcat. Plus précisément, car il ne s’agit évidemment pas en l’occurrence de la souveraineté, de sa conscience aiguë de l’appartenance des chrétiens d’Orient, du Liban en particulier, à leur environnement arabe. Cela, dit-il, dans le fidèle prolongement de l’Exhortation apostolique de Jean-Paul II. Qui déclare solennellement, à ce propos, que le Liban cristallise en soi un message, un modèle vivant, de coexistence entre les religions comme entre les cultures. Cependant, le président Assad tente manifestement de contrer les parties qui ont cherché à exploiter à des fins politiciennes ses échanges de civilités avec l’épiscopat. Autrement dit, en se cantonnant à la seule unité de vues concernant la question irakienne, il laisse entendre qu’il ne faut pas y voir matière à poser sur la table les revendications, elles aussi constantes, de Bkerké sur le retrait, par exemple, sur Taëf et sur le système proconsulaire, en général. Selon des connaisseurs des dédales de la pensée damascène, et Dieu sait s’ils sont nombreux dans ce pays, les Syriens font subtilement valoir que cela serait faire insulte à Bkerké que de lui proposer des concessions d’ordre politique pour le remercier. Car, de politique justement, Bkerké n’en fait pas, ne réclame aucune part du gâteau, ajoutent ces exégètes loyalistes. Sur un tout autre plan, mais là on tombe dans les redites, le président syrien invite encore une fois les autorités libanaises à édifier un État des institutions. Il aborde toutefois un sujet percutant, brûlant même quand on songe à certaines destinées politiciennes, celui de la corruption. Il en impute la responsabilité aux parties libanaises, même quand des Syriens seraient impliqués dans des magouilles. Il presse le pouvoir local de lutter contre ce fléau, en raison de l’obstacle majeur qu’il constitue, finalement, pour l’édification d’un État au plein sens du mot. Et il propose de les y aider, lui qui depuis son avènement s’efforce de faire le ménage dans l’Administration de son pays. Dans le même esprit, il redit qu’il est nécessaire de corriger les failles dans les relations bilatérales. Ce qu’il avait avancé d’entrée de jeu, dans son discours d’investiture. Les propos d’Assad ont donné lieu localement à des critiques dirigées contre certains responsables, accusés de ne pas tenir compte, ou de mal comprendre, la portée de ses messages. Un pôle relève ainsi que l’exemple donné par le chef de l’État syrien est clair : on peut rester bras croisés et bouche cousue sous prétexte qu’il y a la guerre en Irak. En d’autres termes, il est regrettable que la prétendue harmonie retrouvée entre les dirigeants, au nom de la situation régionale, se traduise en fait par une trêve qui est synonyme de paralysie totale de l’État. Pour ne pas se disputer, on gèle des dossiers ou des projets dont le pays a besoin. Et parce qu’un dirigeant voyage, le Conseil des ministres ne se réunit plus. Alors qu’au contraire, selon ce même pôle, l’organe de décision aurait dû en ces circonstances graves tenir session ouverte, former une cellule d’urgence ; travailler d’arrache-pied pour mieux immuniser le Liban contre les retombées ultérieures, économiques surtout, de la guerre. Cette personnalité descend en flèche, ensuite, l’empressement de certains loyalistes à courir en direction de Bkerké. Ce qui, à son avis, a fini par indisposer le patriarche lui-même. Car Mgr Sfeir ne souhaite pas qu’à l’occasion de la question irakienne, on vienne lui proposer tel ou tel arrangement, pour ne pas dire tel ou tel bazar, d’ordre politique, pour ne pas dire politicien. Abondant dans le même sens, certains ministres attaquent dans les salons le zèle, intempestif à leurs yeux, des médiateurs loyalistes autoproclamés. Sans craindre la contradiction, ils ajoutent qu’il faut de l’activité. Ce qui se traduit, du reste, pour d’autres dans la poursuite des campagnes menées en sous-main pour effriter l’opposition de l’Est. En affirmant qu’elle n’a plus de munitions, à cause de la situation régionale et qu’en tout cas le projet de dialogue est mort et enterré. Mais ce n’est sans doute pas l’avis de Nabih Berry. Selon des sources informées, il pense au contraire qu’il faut entamer un processus de consensus national. Notamment autour de la future loi électorale, moteur de toute vie politique. Philippe ABI-AKL
Dans les salons politiques de Beyrouth, comme dans les allées du pouvoir, on suit certes avidement la guerre à la télé. Mais l’on ne parle que des récentes déclarations d’Assad. Tant il est vrai que l’effet de force centripète (ou, si l’on préfère, du magnétisme de proximité) est démultiplié dans un humble petit pays qui n’a rien d’exponentiel. Par contre, la...