INTEMPÉRIES - La tempête reprendra demain, après quelques éclaircies aujourd’hui De nombreux villages isolés par les eaux, plusieurs familles évacuées dans la Békaa et le Akkar(photos)

Le Liban aura à peine le temps de souffler aujourd’hui et de profiter des quelques éclaircies annoncées hier soir par la météo. La pluie sera de nouveau au rendez-vous demain, dimanche, et des précipitations intermittentes sont mêmes prévues à partir de ce soir. C’est qu’une nouvelle tempête s’annonce, venant de Russie. Elle sera accompagnée d’une baisse des températures et de chutes de neige à partir de 900 mètres et devra accentuer les dégâts infligés par les intempéries au réseau routier et au secteur agricole, tout en aggravant les inondations qui ont isolé, hier aussi, plusieurs villages et habitations dans la Békaa et dans les montagnes, notamment dans la région du Akkar. En soirée, un pan de la montagne qui surplombe l’entrée de Jezzine s’est effondré, bouchant l’accès au village. Plus tard dans la nuit, la voie devait être dégagée. L’intensité et la persistance des précipitations ont amené la terre à un tel degré de saturation, qu’il s’est traduit, dans de nombreux villages de la Békaa notamment, par une sorte de jaillissement de sources à l’intérieur des habitations construites à même le sol. L’eau s’inflitre partout et les équipes des ministères des Travaux publics et de l’Énergie et de l’Eau tentent avec difficulté de déboucher les canalisations et de dévier les cours d’eau. Mais la priorité reste accordée au dégagement des routes coupées par les éboulements et au secours des populations des villages isolés par la tempête ou menacés par des glissements de terrain. C’est ce qu’a indiqué, hier, le ministre des Travaux publics, Négib Mikati, un des membres de la cellule de crise formée jeudi par le gouvernement, au terme d’une réunion qu’il a présidée au bureau du mohafez du Liban-Nord, Nassif Kalouche, pour évaluer la situation au Liban-Nord et décider des mesures à prendre pour réduire autant que possible les dégâts des pluies torrentielles. « Nous avons pris contact avec les ministres de la Défense et de l’Énergie pour leur communiquer les mesures prises afin de secourir les populations sinistrées du Akkar », a-t-il indiqué, soulignant que le directeur général des Ressources hydrauliques au ministère de l’Énergie, Fadi Comair, a annoncé le début des travaux d’élargissement et de nettoyage des cours d’eau. « Nous avons aussi pris les dispositions nécessaires pour évacuer des immeubles menacés d’effondrement à cause des glissements de terrain dans certains villages de Denniyé », a déclaré M. Mikati, qui se rendra aujourd’hui dans la Békaa. Dans le jurd de Denniyé, le ramassage scolaire a été perturbé, voire suspendu. Les secouristes de la Défense civile à Sir et à Bakhoune ont dû intervenir pour secourir les écolières d’un établissement secondaire, encerclé par la neige, et les ramener chez elles. Dans le village de Bakhoune, un éboulement a coupé la route conduisant au village et isolé trois habitations avec leurs occupants. Ce genre de situation s’est répété dans presque toutes les régions montagneuses, dans le Metn, au Kesrouan, dans le jurd de Jbeil et de Batroun, ainsi qu’au Liban-Sud, où des axes routiers ont été coupées à cause des éboulements ou des affaissements des routes. Ces dernières surtout ont mis en évidence le caractère défectueux des travaux d’infrastructure routière, menés en l’absence d’un contrôle du gouvernement sur le secteur des travaux publics. Ce point a été relevé hier par MM. Kabalan Issa el-Khoury et Gebrane Tok, députés de Bécharré, ainsi que par le patriarcat maronite, dont le siège d’été, à Dimane, risque d’être complètement isolé, en raison des glissements de terrain qui se poursuivent depuis trois jours sur la route qui y mène. Une partie de la route s’est affaissée et sur l’autre, d’immenses lézardes sont apparues hier. « Voilà des années que nous appelons les autorités à consolider le mur de soutènement de la voie qui mène au siège patriarcal, mettant en garde contre son effondrement. Nous n’avons obtenu que des promesses d’exécution qui se sont cependant limitées à l’établissement d’études et à quelques travaux secondaires dans des secteurs éloignés de celui qui devait être aménagé », a dénoncé, dans un communiqué, la direction patriarcale de Dimane. « Il n’est plus possible de se taire sur cette honteuse négligence. Il n’est plus permis non plus que les intérêts et la vie de la population restent victimes des transactions, des mauvais ouvrages et de l’absence de contrôle », ajoute le communiqué. En raison des effondrements sur l’axe routier, une importante surface des terres cultivées dans la vallée de Qannoubine a été ensevelie par les rochers et la terre qui ont par ailleurs bouché le cours de la rivière dont le niveau s’est élevé, menaçant d’effondrement le pont romain de la vallée sainte. Effondrement d’habitations Dans la Békaa et au Liban-Sud, transformés en cités lacustres, la situation est encore pire. Plus de quatre mille « dounoums » de terres cultivées sont toujours noyés par les eaux du Litani et de ses affluents, dont notamment al-Kasmiyé, selon l’Ani. Un immeuble de trois étages en voie de construction dans la localité de Lala (Békaa) et une bâtisse ancienne à Tripoli se sont effondrés. Des dizaines de familles, dans divers villages de la Békaa, ont dû être évacuées par l’armée et la Défense civile, soit parce que leurs demeures sont inondées, soit parce qu’elles sont menacées d’effondrement. Ce sont essentiellement les villages de Marj, où l’eau jaillit entre les dalles des maisons non inondées, et de Bar Élias qui ont été le plus affectés par les pluies torrentielles. À Marj, le niveau de l’eau a atteint les deux mètres à certains endroits et à Bar Élias, situé sur la route internationale Beyrouth-Damas, les conditions de circulation étaient particulièrement délicates sur une voie transformée en fleuve. Durant toute la journée, les hélicoptères de l’armée ont survolé les secteurs inondés, en dépit du mauvais temps, prêts à intervenir pour secourir la population, en cas de besoin, pendant que des patrouilles des FSI et de la Défense civile faisaient le tour des localités les plus affectées. Les FSI ont demandé aux populations des zones affectées par les pluies diluviennes de ne pas circuler la nuit. Selon le président de la Fédération des municipalités de la plaine de la Békaa, Ahmed Ahmad, parmi les personnes évacuées des foyers inondés, certaines ont dû être hospitalisées à Jeb Jannine. « Si le déluge se poursuit, la situation va empirer », a-t-il averti dans une déclaration à la presse. Témoignant du caractère exceptionnel des précipitations, la Békaa a reçu en 24 heures 45,2 mm de pluie, portant à 808, 4 mm le total des précipitations depuis septembre, contre une moyenne annuelle de 451 mm, calculée sur 30 ans. Mais même si la quantité de pluie tombée est exceptionnelle, les dégâts auraient été beaucoup moins importants si les autorités avaient fait preuve de prévoyance, en réagissant favorablement, par exemple, à la requête des conseils municipaux de la Békaa qui leur avaient demandé en été de nettoyer le cours du Litani ou en éliminant les nombreux empiètements illégaux sur le domaine public fluvial, à l’origine d’un étranglement du cours du fleuve. M. Comair, qui a effectué une tournée dans la région du Akkar pour inspecter les dégâts, a annoncé qu’un plan d’intervention rapide a été adopté « afin de préserver la sécurité de la population et empêcher que leurs foyers ne soient inondés », indiquant que des habitations doivent être évacuées d’urgence dans les régions de Smakiyé, Hekr el-Daher et Bkayaa. À long terme, a annoncé le directeur des Ressources hydrauliques, « un règlement radical (au Akkar) s’articule autour de trois axes prévus dans le plan décennal établi par le ministère de l’Énergie et de l’Eau ». Le premier concerne la construction d’un barrage sur le Nahr al-Kabir, le deuxième prévoit un élargissement du cours d’eau et le troisième se rapporte à l’installation, sur trois mille hectares, de canalisations pour recueillir les eaux de ruissellement et de pluie. De son côté, l’armée a annoncé dans un communiqué que ses unités déployées dans la Békaa et au Akkar ont évacué, avec l’aide des secouristes de la Défense civile, les familles qui avaient été cernées par les eaux de pluie dans les villages de Hoch el-Harimé, Bar Élias, Marj, Rawda, Mansoura dans la Békaa-Ouest, et dans plusieurs autres au Liban-Nord. Nouvelles mesures de sécurité sur les chantiers Dans une circulaire qu’il a adressée hier aux mohafez, le ministre de l’Intérieur, Élias Murr, leur a demandé de veiller à ce que les entrepreneurs appliquent les mesures de sécurité suivantes sur les chantiers : – S’assurer que les bâches et les échafaudages sont bien fixés lors des tempêtes. – Éviter de bloquer les grues. – Rassembler les matériaux de construction à l’intérieur des chantiers pour éviter leur écoulement dans les caniveaux. Il rappelle également les numéros d’urgence. Les FSI : 112. La Défense civile : 125. La Croix-Rouge : 140. Les pompiers de Beyrouth : 175. La chambre d’opérations des FSI : 1733. Légère amélioration de la distribution du courant électrique L’EDL a annoncé hier une amélioration progressive de la distribution de l’électricité. Dans un communiqué, l’office de l’électricité a affirmé que l’approvisionnement en électricité a commencé à s’améliorer à partir de jeudi soir, et a progressivement augmenté au cours de la journée d’hier, après la remise en fonction de deux groupes électrogènes à l’usine de Jiyeh ainsi que du groupe n° 2 de l’usine de Zouk. La ville de Beyrouth pourra ainsi bénéficier d’un approvisionnement continu durant 24 heures. Quant aux autres régions libanaises, elles auront le courant durant 4 heures seulement pour la tranche horaire entre 6 heures du matin et 22 heures, et de manière continue durant les 8 heures qui suivent. Le rationnement est dû à une panne survenue dans les groupes nos 1 et 3 à l’usine de Zouk à la suite de l’accumulation de déchets dans les filtres, ainsi qu’à l’arrêt du groupe n° 1 à l’usine de Deir Ammar. Les équipes techniques ont été mobilisées pour remédier au problème, a indiqué l’EDL.