Rechercher
Rechercher

Actualités

CONCERT - Abdel Rahman el-Bacha, Artos Noras et Régis Pasquier à l’amphithéâtre Aboukhater de l’USJ Quand, à l’ombre des livres, la musique prend les accents d’une sagesse universelle(photo)

Sous une pluie battante et par un temps de bourrasque, le public libanais a gracieusement répondu à un appel pressant ; celui de la culture, des livres et de la musique. Dans le cadre de la réhabilitation de la Bibliothèque nationale, le ministère de la Culture et la Fondation libanaise pour la Bibliothèque nationale ont invité un parterre trié sur le volet à un concert de musique de chambre à l’amphithéâtre Pierre Aboukhater (USJ). Sur scène, l’un de nos plus prestigieux pianistes Abdel Rahman el-Bacha accompagné par Artos Noras au violoncelle et Régis Pasquier au violon. Menu pour trio à la fois dense et sage avec des pages de Mozart, Ravel et Tchaïkovsky. Avec un public qui continuait d’affluer tranquillement, même lorsque les musiciens étaient déjà en scène et attendaient que le tohu-bohu cesse, ouverture toute en grâce et sérénité avec le Trio en mi majeur k542 du génie de Salzbourg. Partition aux trois mouvements (allegro, andante grazioso et allegro) déployant toute la spontanéité et le charme d’un Mozart emportant l’auditoire sur les ailes légères d’une mélodie chantante aux tristesses voilées. Premières phrases aériennes égrenées par un clavier délicieusement volubile, vite rejoint en un ton résolument concertant par le violon et le violoncelle non moins portés à un discours évoquant toutes les tendresses et espiègleries d’une enfance riante et rieuse. Changement d’atmosphère avec un autre Trio, en la mineur, celui de Maurice Ravel écrit en 1914. Images sonores somptueuses, empruntant une certaine magie aux horizons lointains. Quatre mouvements (modéré, pantoum, passacaille et final) pour dire, en dépit d’une certaine sévérité, la richesse foisonnante du monde ravelien. Après un thème d’allure populaire vient ce pantoum traduisant musicalement l’une des formes les plus prisées de la poésie malaise et qui porte justement ce nom ; poésie mise en honneur par Baudelaire et Verlaine et où les vers s’intercalent et se chevauchent dans les strophes comme mailles tressées. Ce qui aboutit à un scherzo opposant deux motifs, l’un rythmique, exposé par le piano en notes piquées, et l’autre, lyrique, chanté par le violon. Succession rapide des deux motifs pour conclure en une brillante coda. Majestueuse et jouée par la partie basse du piano du clavier, avec variations, la passacaille affleure en toute finesse en subtiles et délicates tonalités extrême-orientales. Final très animé où le piano prend les devants de la narration en arpentant avec vélocité et d’un air inspiré les touches d’un clavier aux emportements fermement soutenus par les deux archets. Bref entracte où était projeté sur un petit écran le film de Bahij Hojeij, Les moissons de la mémoire. « Livre, mon meilleur ami », disait George Sand. C’est dommage que la concentration du public (absorbé à bavarder et à gravir les escaliers pour prendre l’air et se dégourdir les jambes) ait été aussi manifestement absente lors de cette projection jetant une précieuse lumière sur nos amis les livres en si piètre condition et exigeant prompt secours. Retour à la musique avec le plus cosmopolite des musiciens russes : Trio en la mineur op 50 de Piotr Ilytch Tchaïkovsky. États d’âme d’un être tourmenté et sentiments agités pour celui qui se révèle instinctivement dans ses partitions comme un hyper-romantique. Tout en gardant aux sonorités toute leur audacieuse modernité. Sang vif et bouillonnant, sensibilité à fleur de peau, fougue et vivacité teintée d’une fiévreuse mélancolie, tels sont les atouts majeurs de cette œuvre vibrante et parfois d’un lyrisme déchirant. Échec et triomphe, élan et déception, abattement et exaltation sont ici la même face de Janus. Nul mieux que ce Russe, empêtré dans le carcan d’une société tsariste figée dans ses ordres (et désordres), au regard porté à l’étranger, sachant secrètement mais pertinemment que sa vraie vie est ailleurs, n’a mieux traduit et décliné toute la complexité humaine. Avec des envolées étourdissantes de brio, des accélérations à couper le souffle, ces pages débordantes d’une sève bouillonnante sont écrites « à la mémoire d’un grand artiste ». Bien perceptible cette marche funèbre de Chopin vite dominée par des thèmes flamboyants où la vie, irrépressible et indomptable, prend le dessus en un final mordant et en apothéose. Ovation debout pour trois musiciens rompus au métier et hors pair. Des gerbes de fleurs, une révérence et déjà le public était au haut des gradins, tournant le dos aux artistes… Un grand moment où, à l’ombre des livres, la musique avait des accents d’une sagesse universelle. Edgar DAVIDIAN
Sous une pluie battante et par un temps de bourrasque, le public libanais a gracieusement répondu à un appel pressant ; celui de la culture, des livres et de la musique. Dans le cadre de la réhabilitation de la Bibliothèque nationale, le ministère de la Culture et la Fondation libanaise pour la Bibliothèque nationale ont invité un parterre trié sur le volet à un concert de...