Rechercher
Rechercher

Actualités

SOCIÉTÉ - Les félins étaient jaloux des femmes... mais savaient bien se tenir Cinq guépards à domicile pendant 23 ans: la drôle de vie d’Assad el-Khoury(photos)

Rares, authentiques, majestueux, nobles et dignes. Tels sont les cinq adjectifs qu’emploie Assad el-Khoury, industriel et consul honoraire de Djibouti au Liban, pour définir les animaux sauvages-domestiques avec lesquels il a passé 23 ans de sa vie : des guépards. Ses cinq compagnons, qui ont vécu dans sa maison de Djibouti et dans sa villa de Araya, sont morts l’été dernier de vieillesse... et de pollution. Dans un mois, il devrait recevoir deux nouveaux bébés guépards, qui arriveront à Beyrouth à bord d’un avion privé. Assad el-Khoury n’a pas vécu avec ces félins pour en tirer fierté, pour les exposer aux badauds, pour se lancer des défis, ou encore pour exhiber son originalité… Original, il l’est certes. Mais c’est avant tout l’admiration qu’il voue à ses félins et l’affection qu’il leur porte qui l’ont encouragé à vivre avec cinq fauves, que le monde entier considère comme sauvages... Pas lui. « Ils ne peuvent pas être comparés à des chiens, des chats, des oiseaux ou d’autres animaux domestiques, mais ils ne sont certes pas sauvages », dit-il. « Avec moi, ils n’ont jamais sorti leurs griffes, ils n’ont jamais tué un animal, même pas un chien galeux qui partageait leur repas, ils n’ont jamais attaqué quelqu’un gratuitement », raconte M. el-Khoury, ajoutant que « beaucoup d’êtres humains peuvent être plus sauvages » que ses guépards. « De plus, dit-il, contrairement à beaucoup d’hommes, ils savent rester dignes dans toutes les situations, ils ne baissent pas la tête même quand ils ont faim. » N’ont-t-ils pas de défauts ? « Ils n’oublient jamais rien et rendent le mal qu’on leur fait », répond-t-il. Mais est-ce un défaut ? Ils étaient cinq donc à avoir fait le chemin avec lui, en avion, de Djibouti à Beyrouth : Fahda, Saddam, Najwal, Rouhan et Ghayas ont vécu jusqu’à l’été dernier à Araya, dans un jardin de 6500 mètres carrés fermé par une enceinte de deux mètres et demi de hauteur. Et pourtant un guépard a besoin de 40 millions de mètres (soit 4 kilomètres carrés) pour pouvoir vivre pleinement et se reproduire. « C’est pour cette raison que je voulais les placer à la réserve des cèdres du Chouf, je voulais qu’ils mettent bas. Mais comme ils ne savaient pas chasser et trouver seuls leur proie, ils ne pouvaient pas survivre seuls dans la réserve », raconte-t-il. Les guépards de M. el-Khoury n’ont jamais chassé, n’ont jamais déchiqueté un animal mort ou vivant. L’industriel les recevait tout-petits, âgés d’un ou de deux mois, leur donnait le biberon ou encore de la viande hachée à la moulinette. À cet âge, ils sont aussi grands qu’un gros chat. Pour chaque guépard, deux kilos de viande crue au quotidien À l’âge adulte, les guépards apprivoisés de M. el-Khoury mangeaient chacun quotidiennement deux kilos de viande crue et beaucoup de beurre. Ils aimaient aussi le fromage de chèvre, « probablement pour son odeur », indique le maître des félins. Parfois aussi, il leur donnait des abats de chèvre et de brebis. Et quand ils tombaient malades, ils reprenaient de la force en buvant du sang chaud et en mangeant du foie cru. Assad el-Khoury n’a pas suivi l’avis des vétérinaires qui lui conseillaient de couper les griffes de ses félins ou de leur donner des animaux vivants pour le repas. Il employait une personne qui était mobilisée 24 heures sur 24 pour veiller sur ses animaux. Mis à part les repas, il fallait par exemple brosser leurs poils trois fois par jour. « Ils se sont vite habitués au froid du Liban, leur robe quadruplait de volume en hiver », relève M. el-Khoury qui ne se contentait pas de vivre à la maison avec ses animaux : il les traitait comme de véritables animaux domestiques, les promenant en voiture ou au bout d’une laisse et les amenant (rarement) au bureau. La maison de Araya était la leur… sauf quand les amis débarquaient. « Beaucoup avaient peur… Et une fois l’un de mes amis a perdu connaissance au salon quand l’un d’eux s’est approché de lui », raconte-t-il. Ils étaient aussi jaloux des femmes: « Un jour, une amie a été griffée et s’est retrouvée à l’hôpital avec huit points de suture. » « De plus, poursuit-il, ils pouvaient reconnaître les gens que je n’aimais pas. » Quand ces derniers débarquaient chez lui, il enfermait au jardin ses félins qui s’agitaient comme des diables. Quand les femmes et amis peureux n’étaient pas là, la maison redevenait donc le domaine des félins. Et, durant 23 ans, Assad el-Khoury devait changer ou retaper sa salle de séjour tous les cinq mois. Imaginez cinq gigantesques chats sauvages qui vivent chez vous… « Il n’y a pas comme eux pour reconnaître les tapis de bonne qualité, relève-t-il. D’ailleurs, ils les choisissaient en premier lieu pour se reposer. » Ils aimaient aussi la télévision et les matchs de football les passionnaient. Ils restaient ainsi immobiles durant deux heures devant l’écran. Les vombrissements d’hélicoptères et de motocyclettes rendaient fous ces animaux. D’ailleurs, un employé de la villa a failli le payer bien cher. Le propriétaire l’avait pourtant prévenu : « N’entre jamais à moto dans les prémices de la villa », lui avait-il dit. Mais le jeune homme n’a pas suivi le conseil. Et un jour, les guépards ont décidé d’agir. Ils l’ont immobilisé à terre pour lui faire comprendre qu’il les dérangeait. Le maître des lieux était heureusement présent et a couru au secours de l’employé, qui avait décidé – on ne sait pas pour quelle raison – de se mesurer aux félins. Casser la salle à manger pour se venger M. el-Khoury se rappelle aussi le jour où l’un de ses fauves s’est vengé de lui non en l’agressant mais en ravageant la salle à manger. Ce jour-là, l’entrepreneur, qui avait décidé d’amener l’un de ses félins en promenade, avait été obligé d’assister à une réunion de travail, laissant le guépard en voiture. La rencontre s’est prolongée et le félin s’est ennuyé. Pour meubler son temps, il avait alors déchiqueté le siège et les portières arrière du véhicule. La réunion achevée, el-Khoury découvre le désastre, frappe l’animal pour le punir, ne l’amène plus en promenade, et rentre à la maison. Mais le félin refuse de regagner le jardin. Il suit son maître à la maison, entre dans la salle à manger, casse tous les meubles et déchire les rideaux. Assad el-Khoury l’a laissé faire. Il s’explique : « Le guépard devait sortir toute sa rage. Il savait, je pense, qu’il ne devait pas m’attaquer, il s’est vengé contre ma salle à manger. » Quelles sont les qualités requises pour adopter un félin ? Assad el-Khoury ne saurait pas répondre à la question. Durant 23 ans, il a réussi à les comprendre, à prévoir leurs réactions. Il a su les laisser tranquilles, ne pas les approcher, quand ils étaient agités. A-t-il assouvi un rêve d’enfant ? Pas spécialement. Son amour pour les guépards est venu par hasard, quand il était à Djibouti, alors qu’il était âgé de 26 ans. Beaucoup d’autochtones lui proposaient des peaux de fauve. Il a toujours refusé d’acheter les robes d’animaux morts, voulant avoir un félin bien en vie. Et un jour, un marchand est arrivé avec un petit guépard. « Personne ne peut capturer un bébé guépard à moins que l’animal ne se soit égaré ou n’ait perdu sa mère », indique el-Khoury soulignant que « dans les deux cas, le petit fauve, qui demeure dépendant durant deux ans de sa mère, ne peut pas survivre. » « Je n’ai jamais voulu les arracher à leur environnement, d’ailleurs le fait qu’ils ne puissent pas se reproduire en captivité m’avait tellement travaillé que j’ai pensé les lâcher dans la réserve du Chouf… », répète-t-il. Assad el-Khoury déplie des albums chargés de souvenirs, remplis de centaines et de centaines de photos de ses félins. Deux de ses animaux sont morts de vieillesse. Trois autres de la pollution au mazout dégagé par les bus qui empruntaient la route internationale de Damas. Les vétérinaires étaient impuissants. Les cinq fauves reposent au jardin de la maison de Araya, qui accueillira bientôt deux bébés guépard… Ils devraient pouvoir jouer avec la fille, âgée de quinze mois, du maître des lieux qui s’est choisi une épouse grâce aux félins… Mais cela est une autre histoire. Patricia KHODER
Rares, authentiques, majestueux, nobles et dignes. Tels sont les cinq adjectifs qu’emploie Assad el-Khoury, industriel et consul honoraire de Djibouti au Liban, pour définir les animaux sauvages-domestiques avec lesquels il a passé 23 ans de sa vie : des guépards. Ses cinq compagnons, qui ont vécu dans sa maison de Djibouti et dans sa villa de Araya, sont morts l’été dernier...