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SANTÉ - Nouveau centre de tabacologie à Jbeil Méthodes médicales pour un sevrage en douceur de la dépendance à la nicotine (photos)

«Si je n’arrête pas de fumer, c’est que je ne le veux pas. D’ailleurs, je peux abandonner la cigarette à tout moment. » Combien de fois a-t-on entendu des fumeurs prononcer ces paroles d’un ton sûr, et combien de fois n’a-t-on pas vu ces mêmes fumeurs se battre pour se défaire de leur habitude (quand des impératifs de santé les y obligent, par exemple) avec très peu de succès. C’est qu’ils oublient ou sous-estiment un facteur essentiel : la dépendance à la nicotine. Dans ce domaine, une aide médicale peut s’avérer efficace. Le Dr Béatrice Chami, une pneumologue fatiguée de conseiller en vain à ses patients d’arrêter de fumer, a lancé un centre spécialisé dans l’accompagnement des personnes désirant abandonner la cigarette à l’hôpital Notre-Dame Maritime de Jbeil, après avoir décroché un diplôme de tabacologie dans une université française. La tabacologie est une nouvelle spécialisation médicale qui permet de maîtriser les méthodes visant à aider le fumeur à abandonner la cigarette et à régler les problèmes qui accompagnent le processus de sevrage. Avec un objectif principal : empêcher les rechutes. Le diplôme de tabacologie est actuellement décerné par des universités françaises. Les études portent sur tout ce qui concerne le tabac : dépendance, effets secondaires du tabagisme, prévention auprès des adolescents dans les écoles, campagnes de sensibilisation dans les entreprises... Le centre de tabacologie lancé par le Dr Béatrice Chami est opérationnel depuis décembre et a déjà accueilli une quarantaine de personnes. Il se propose de fournir au patient les moyens de lutter contre la dépendance, avec un suivi des cas qui se présentent. L’étape préliminaire de préparation demeure primordiale: le médecin doit en effet apprendre à connaître son patient, examiner son cas et mesurer l’étendue de sa motivation avant de lui prescrire un traitement. Le Dr Chami précise que la première consultation est la plus longue: en moyenne trois quarts d’heure. Durant cette première séance, le médecin commence par examiner le patient, afin de s’assurer qu’il ne souffre pas de pathologies résultant du tabac et qui exigeraient d’être soignées séparément. La seconde étape consiste en un questionnaire sur l’histoire du tabagisme chez cette personne: combien de cigarettes elle fume par jour, si elle a déjà essayé d’arrêter de fumer, les raisons de sa rechute, etc. Un autre questionnaire, extrêmement important, permet de déterminer à quel point le patient est dépendant de la nicotine. Un troisième test, effectué avec une machine spéciale, mesure l’oxyde de carbone dans l’air expiré par le patient. Le résultat constitue, lui aussi, un indice significatif du niveau de dépendance physique à la nicotine. Le taux de CO2 dans l’air expiré est très important à déterminer, car il entre en compétition avec l’oxygène dans le sang. Suivent des questionnaires à caractère plus psychologique. L’un d’eux porte sur la motivation des patients, un point extrêmement essentiel pour les personnes désirant arrêter de fumer. Le Dr Chami précise que « se défaire de la dépendance au tabac est plus une question de motivation que de simple volonté ». « En effet, on a affaire à une drogue, rappelle-t-elle. Si la motivation n’est pas suffisante, il peut même arriver que le médecin juge inutile de traiter le patient. » Le visiteur du centre est ensuite soumis à un autre questionnaire appelé «anxiété et dépression». «Beaucoup de fumeurs présentent ce profil, explique le Dr Chami. Dans de tels cas, arrêter de fumer peut déclencher un syndrome dépressif. Il vaudrait mieux alors prescrire à ce type de patients un antidépresseur avant qu’il ne commence son traitement. » Quelle est la réaction des personnes concernées à ce diagnostic ? « Elles le prennent bien pour peu qu’on leur fournisse des explications convaincantes», répond-elle. La liste de questionnaires ne s’arrête pas là. Il est un sujet que le Dr Chami tient à aborder avec ses patients, sachant qu’il s’agit là d’un de leurs soucis principaux: le risque de prendre du poids une fois la cigarette abandonnée (c’est l’une des causes très fréquentes de rechute). D’où l’intérêt du questionnaire sur l’alimentation. «Les fumeurs n’ont généralement pas une alimentation équilibrée, en partie parce que leurs sens du goût et de l’odorat sont moins développés que chez les non-fumeurs, dit-elle. Il faut régler ce problème avant que le traitement ne soit entamé. Il faut savoir que fumer fait perdre à la personne 200 à 300 calories par jour. Cela signifie qu’en consommant un paquet de cigarettes par jour, le fumeur reste en deçà de son poids réel. Privé de tabac, il doit donc soit réduire son alimentation, soit multiplier ses activités physiques. Un antidépresseur peut régler cela.» Elle ajoute qu’elle travaille en collaboration avec une diététicienne. La motivation, un facteur primordial Tous ces questionnaires, qui abordent les différents aspects du tabagisme, durent en moyenne vingt minutes. « Après cela, nous discutons des résultats et du degré de motivation de la personne, dit-elle. À la lueur des résultats, nous décidons de la méthode de sevrage la plus convenable, suivant le caractère et les besoins de la personne. » Pour se défaire de la dépendance à la nicotine, le Dr Chami cite trois méthodes scientifiquement reconnues par la Société de tabacologie (en France), dont elle fait partie depuis qu’elle a décroché son diplôme (ce sont les seules qu’elle emploie): la première consiste à donner au patient une dose de nicotine par le moyen de patchs, de chewing-gum, de microtablettes (comprimés à mettre sous la langue), ou d’un inhalateur. La seconde méthode passe par la prescription d’un médicament, le bupropion (ce n’est pas son nom commercial). «Au départ, ce médicament a été conçu comme un antidépresseur, explique le Dr Chami. Mais il s’est avéré très efficace pour les personnes désirant abandonner la cigarette. Ce médicament doit être prescrit par un médecin parce qu’il peut avoir des effets secondaires et qu’il requiert un suivi médical. Le traitement dure trois mois et contribue à minimiser les syndromes de sevrage. De plus, il permet de contrôler et de réguler l’appétit. » La troisième méthode tient davantage de la psychothérapie, puisqu’elle consiste en une sorte de thérapie comportementale et cognitive. « En tabacologie, nous sommes formés pour cela, précise le Dr Chami. Nous tentons d’identifier les situations à risques. À titre d’exemple, certains fumeurs ont particulièrement envie d’une cigarette lorsqu’ils boivent un café. Il faut composer avec ce facteur. » Ces trois méthodes peuvent être menées en parallèle, selon les cas. «Nous trouvons ensemble, les patients et moi, les solutions et les stratégies à appliquer dans la vie quotidienne, souligne-t-elle. Le vrai problème demeure les rechutes. Voilà pourquoi le suivi est si important. Une seule consultation ne peut pas suffire. » Dans le cadre du suivi, le Dr Chami exige de revoir le patient chaque semaine, durant un mois après le premier rendez-vous, puis chaque mois durant six mois, puis un an plus tard. Toutefois, c’est le prix du traitement qui serait le plus susceptible de dissuader le fumeur de consulter un spécialiste. Le coût du traitement s’élève généralement à 100 ou 200 dollars le premier mois, puis oscille entre 100 et 200 dollars pour le reste de la période (tout dépend de la méthode adoptée). Ce sont les médicaments qui coûtent le plus cher. Le Dr Chami souligne cependant qu’«il ne faut pas redouter les dépenses occasionnées par de tels traitements». Selon elle, «si les fumeurs décident de procéder seuls, ils se rendront compte qu’ils débourseront davantage et sans aucune garantie». Elle fait également remarquer qu’ «à long terme, continuer à fumer finira par coûter plus cher». Il est peut-être encore tôt pour que le Dr Chami calcule les taux de réussite dans sa clinique, mais elle précise quand même que, dans de tels centres spécialisés, 30 à 40 % des cas aboutissent une réussite. Même si ce taux peut encore paraître insuffisant, il reste beaucoup plus substantiel que les chances de réussite d’un fumeur qui s’y prend seul (1 à 2 % de chances). Ce chiffre s’élève à 3 ou 4 % pour les patients motivés par la recommandation d’un médecin. Suzanne BAAKLINI
«Si je n’arrête pas de fumer, c’est que je ne le veux pas. D’ailleurs, je peux abandonner la cigarette à tout moment. » Combien de fois a-t-on entendu des fumeurs prononcer ces paroles d’un ton sûr, et combien de fois n’a-t-on pas vu ces mêmes fumeurs se battre pour se défaire de leur habitude (quand des impératifs de santé les y obligent, par exemple) avec très peu...