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Séminaire - Les comités de quartier de Tripoli établissent un bilan Se prendre en main, ou le développement de la culture municipale

Construire une culture municipale, c’est quoi ? La réhabilitation d’un jardin public à Kabr el-Zîna, l’aménagement d’une clôture et de murs de soutènement à Akbé-Souhaim, l’assainissement d’une mare à Kobbé et d’un terrain de football, voilà des initiatives qui, aussi modestes qu’elles soient, témoignent du développement, timide encore, d’une culture municipale dans certaines régions du Liban. Une culture qui manque encore à la population, laquelle n’a pas encore pris conscience de ses droits, qui est souvent démissionnaire ou trop plongée dans les soucis quotidiens de la subsistance pour songer à avoir prise sur le réel et à en obtenir le changement. Un séminaire a été consacré, vendredi dernier, à ces actions ponctuelles effectuées à l’initiative de comités de quartier, au siège du Mouvement culturel de Tripoli, dans le cadre du programme « Observatoire de la démocratie au Liban » organisé par la Fondation Moghaïzel en coopération avec l’Union européenne (1). Il s’agissait d’analyser des actions précises, pour mieux en diffuser la culture, de comprendre comment naissent les comités de quartier, les éventails de leur action, les obstacles qu’ils rencontrent et les perspectives de continuité. Ont aussi participé à l’organisation du séminaire la Fédération des municipalités de Faihâ, la Fédération des associations du Nord pour le développement, l’environnement et le patrimoine ; le programme « La gouvernance locale » à la Fondation libanaise pour la paix civile permanente ; le programme « Biyitlaa bi-îdnâ » (Nous le pouvons) à Offre-Joie, et les initiateurs des comités de quartier à Tripoli. Plus de cent présidents et membres de conseils municipaux et d’ONG et d’auteurs d’initiatives locales ont participé aux débats. Expériences de terrain vs discours politique Des allocutions introductives par MM. Rachid Jamali, président du Mouvement culturel de Tripoli, Mohammed Masri, coordonnateur du séminaire, Samir Chaarani, président de la Fédération des municipalités de Fayhâ, Melhem Khalaf, de l’association Offre-Joie, et Mazen Abboud, président de la Fédération nordiste pour le développement, l’environnement et le patrimoine, ont insisté sur « l’expérience pionnière et avancée » de certains comités de quartier à Tripoli en coopération avec les conseils municipaux. C’est la première fois, selon l’un des participants, « que des promoteurs d’initiatives individuelles sont conviés à une conférence, alors que les forces actives sont souvent marginalisées dans des rencontres où se déploie un discours déconnecté de la réalité vivante ». Dans cette perspective, des expériences de terrain ont été exposées. Ces initiatives s’inscrivent, selon Abdallah Khaled, dans le cadre du « rétablissement de la confiance entre la municipalité et les citoyens, qui ont le sentiment que le conseil municipal est un prolongement du pouvoir central et étatique ». Le président du Mouvement culturel de Tripoli, Rachid Jamali, relève : « Cette rencontre revêt une importance particulière, car elle porte sur l’élargissement du cadre de la participation, un des piliers de la pratique démocratique, et par le canal des comités de quartier. » Samir Chaarani souligne : « On ne peut imposer des projets par le haut. Nous manquons d’une culture municipale. » Mazen Abboud fait part de ses craintes « que des formations sociales deviennent un produit de consommation en période électorale, alors que les problèmes vitaux quotidiens ne doivent pas être un enjeu dans la compétition politique ». Sami Minkara, ancien président de la municipalité de Tripoli, expose des détails concrets sur la libération du citoyen municipal du clientélisme, surtout dans des problèmes vitaux, quotidiens et de droits élémentaires. Melhem Khalaf commente : « Les comités de quartier ne sont pas des organes de pouvoir, mais des agents de service. C’est la population de Baal Darawich qui nous a fourni la leçon. Les problèmes sociaux aigus ne peuvent être résolus par l’intervention des agents d’une sécurité armée. Plus vous faites intervenir la sécurité militaire pour régler des problèmes humains et sociaux, plus les conflits sont exacerbés. » Radwan Kari affirme : « Nous sommes devenus comme des fonctionnaires auprès du conseil municipal : chaque fois qu’on observe une crevasse ou une infraction, on avertit le conseil municipal. » Wafaa Chaarani qualifie certaines expériences d’« initiatives pionnières et d’un haut impact, parallèlement à des besoins sociaux énormes ». Fayez Farès donne l’exemple du scoutisme d’autrefois... Reconstruire le tissu social Les travaux du séminaire ont été centrés sur quatre points : la formation et les objectifs des comités de quartier, les expériences de terrain, les obstacles et les perspectives de continuité. Antoine Messarra expose, à la séance de clôture, les propositions suivantes : 1. Action pour la base : il faudra partir de la base dans la plupart des projets, en raison de la nécessité et de l’urgence de reconstitution du tissu social libanais. 2. Suivi des initiatives : on peut classifier les initiatives en trois catégories, « individuelles mais sans suivi, collectives et démocratiques mais sans extension, collectives et démocratiques mais sans continuité » (Melhem Khalaf). On peut assurer la continuité grâce à un soutien financier mais sans clientélisme et, surtout, par la sauvegarde de l’esprit, de l’éthique et de la gratuité de l’action. 3. Diffusion et information : la consignation des expériences pionnières devient impérative en vue du cumul du savoir et du savoir-faire et pour substituer au discours politique ambiant un autre discours où la politique retrouvera son essence de gestion de la chose publique. 4. La stratégie des réseaux : très souvent des propositions de coordination suscitent des craintes. Aussi faudra-t-il privilégier la stratégie des réseaux où chaque partenaire conserve sa spécificité et son autonomie, mais dans la perspective d’un bien commun qui émerge à travers un processus d’action partagée. Quant au concept de démocratie de proximité, il signifie des pratiques démocratiques quotidiennes à divers niveaux : famille, quartier, rue, école, université, association, syndicat, municipalité, administration... Ces pratiques ont un impact éducatif, culturel et de développement. Elles se répercutent ou influent sur les superstructures du pouvoir et la gestion de la chose publique. (1) Les travaux de la première phase du programme « Observatoire de la démocratie au Liban » (1997-2000) ont paru dans un ouvrage (Beyrouth, Fondation Moghaïzel, en coopération avec l’UE, Librairie orientale, 2001, 576 p.)
Construire une culture municipale, c’est quoi ? La réhabilitation d’un jardin public à Kabr el-Zîna, l’aménagement d’une clôture et de murs de soutènement à Akbé-Souhaim, l’assainissement d’une mare à Kobbé et d’un terrain de football, voilà des initiatives qui, aussi modestes qu’elles soient, témoignent du développement, timide encore, d’une culture...