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DÉBAT BUDGÉTAIRE - Le téléphone cellulaire au cœur des interventions Les députés haririens volent au secours du chef du gouvernement(photos)

Séance politique par excellence, place de l’Étoile, au deuxième jour du débat budgétaire. Des députés haririens attaquent. L’opposition aussi. Mais les deux groupes choisissent chacun une cible différente : le premier groupe descend pratiquement le ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi ; le deuxième se dresse contre le déséquilibre politique dans le pays. Quid donc de la trêve politique entre Baabda et Koraytem ? Est-il vrai qu’elle n’englobe pas « l’affaire Cardahi » ? Peut-être. Ce qui est sûr, c’est que le chapitre des prérogatives de la présidence du Conseil n’est toujours pas clos, si l’on tient compte de l’empressement des députés proches du chef du gouvernement à voler au secours de M. Rafic Hariri et à le défendre contre les campagnes qui le visent. « L’entente entre les pôles du pouvoir est un principe national consacré autant que possible par Taëf, mais elle n’a aucune valeur lorsqu’elle se place au-dessus de la Constitution et des lois », a dit M. Ahmed Fatfat, qui semblait de la sorte faire écho aux propos que M. Hariri avait tenus au moment où la crise était à son apogée entre Baabda et Koraytem, et selon lesquels ses rapports avec le chef de l’État seront dorénavant régis par la Constitution. « L’opinion publique refuse qu’on porte atteinte au président de la République. Elle n’accepte pas non plus qu’on puisse dénigrer le gouvernement ou le Parlement », a encore dit M. Fatfat qui a accusé le ministre des Télécommunications, sur un ton cinglant, de vouloir proclamer « l’indépendance de la principauté du téléphone », en lui reprochant de « faire cavalier seul » au niveau de la gestion du dossier du cellulaire, évoquée d’ailleurs par plusieurs parlementaires. Mohammed Kabbani n’y est pas allé par quatre chemins non plus pour fustiger « la minorité d’hommes politiques qui ne veulent pas sauver le pays parce que Rafic Hariri est à la tête de son gouvernement », tandis que MM. Mohammed Hajjar, Jamal Ismaël et Adnane Arakji s’étonnaient de ce qu’un ministre puisse s’engager dans une polémique avec le chef du gouvernement. Quid de la trêve ? La réponse a été donnée, hier, au Parlement, où, parallèlement aux diatribes haririennes, MM. Ghassan Moukheiber, Antoine Ghanem et Pierre Gemayel ont plaidé en faveur d’un rétablissement de l’équilibre politique. Mais en dépit de la véhémence de quelques interventions, le matin, le débat était loin d’être mouvementé. Il était, dans son ensemble, presque aussi morose que la première journée, surtout que les remarques parlementaires ont commencé à trop se ressembler. Les députés qui assistent à la séance matinale sont peu nombreux : une trentaine à peine. Leur nombre devra légèrement augmenter en cours de matinée. Premier à prendre la parole, M. Anwar el-Khalil axe son intervention sur l’impact négatif de « la croissance rapide de la dette publique », qui se pose en obstacle, selon lui, devant une réussite des mesures de redressement économique et financier adoptées par le gouvernement. Le parlementaire, qui constate « un succès relatif » de Paris II – parce que l’aide financière obtenue par le Liban reste, selon lui, en deçà des espérances du gouvernement – relève que la vitesse à laquelle la dette augmente entraînera, à l’avenir, une nouvelle crise financière et se posera en obstacle devant la capacité des banques à élargir le champ de leurs activités. Il s’étonne de la décision du gouvernement d’imposer une taxe de 5 % sur les intérêts des épargnes « au moment où les banques libanaises jouent un rôle essentiel pour répondre aux besoins du Trésor » et s’interroge sur les raisons pour lesquelles cette nouvelle mesure fiscale n’a pas été soumise pour examen à la commission des Finances. Mais le point le plus intéressant de l’intervention de M. el-Khalil concerne les remarques du FMI au sujet du programme de redressement du cabinet Hariri. Le député, qui cite des extraits du rapport sur le Liban, publié par le Fonds monétaire international le 6 décembre 2002, demande des éclaircissements au ministère des Finances. « Dans la page 15 du rapport, le FMI exprime de sérieuses appréhensions concernant la stratégie du gouvernement, qui recèle des risques et qui, même si elle réussit, n’induira pas, à moyen terme, une décroissance de la dette publique », déclare-t-il avant de demander au ministre des Finances d’informer la Chambre des « mesures supplémentaires qui ont été examinées avec les responsables du FMI pour réduire cette dette ». Citant toujours le rapport, M. el-Khalil explique que cet organisme propose un relèvement de la TVA « le plus tôt possible » ainsi qu’un recours à de nouvelles surtaxes. « Il semble, toujours selon le rapport, que le gouvernement n’a pas tenu compte, pour le moment, de l’augmentation de la TVA, mais il s’est dit disposé à examiner, au besoin, de nouvelles mesures fiscales pour favoriser une réduction de la dette publique à moyen terme », dit-il. L’article 28 du rapport, poursuit-il, « met en garde contre l’opération de titrisation et cite des raisons que nous jugeons judicieuses », mais qu’il ne précise pas. « Le gouvernement compte-il les prendre en considération ? » s’interroge-t-il, avant d’indiquer que l’article 32 porte sur la politique monétaire du gouvernement « qui confirme sa volonté de maintenir le taux de change de la livre ». « Mais nous constatons, pour la première fois, renchérit M. el-Khalil, que l’Exécutif adopte une position plus souple à ce sujet ». « Selon le rapport, le gouvernement a expliqué qu’il n’est pas, sur le plan du principe, opposé à l’adoption de mesures relatives au taux de change, mais il sent qu’une telle politique, à l’heure actuelle, provoquerait à l’heure actuelle une instabilité politique et économique », déclare le député, affirmant que le FMI a en outre mis en garde contre la dollarisation de la dette. Il regrette que « le gouvernement confie au FMI ce qu’il ne révèle pas devant le Conseil des ministres et le Parlement ». Des prévisions budgétaires non réalisables Opposé de manière générale à la politique financière et économique de l’Exécutif, M. el-Khalil conteste les chiffres du projet de loi de finances, estimant que les prévisions budgétaires ne sont pas réalisables. « Comment est-il possible de parvenir à une croissance de 3 % lorsque les dépenses d’investissement chutent de 51,81 % », s’étonne-t-il. Comme il se tient pour la première fois à la tribune parlementaire, M. Ghassan Moukheiber annonce d’emblée qu’il souhaite rendre hommage à celui qu’il remplace au siège grec-orthodoxe du Metn : Albert Moukheiber. Il salue la mémoire du parlementaire défunt, rappelant ses principales prises de position politiques qu’il reprend à son compte, notamment le rééquilibrage des relations libano-syriennes. Son discours est davantage politique qu’économique, même s’il formule de nombreuses remarques au sujet des mesures de redressement financier. Selon lui, il est pratiquement « illusoire d’espérer une réforme économique et financière si celle-ci n’est pas assortie d’une volonté politique sérieuse – qui manque aujourd’hui – d’opérer en premier une réforme politique, judiciaire et administrative ». M. Moukheiber plaide en faveur d’un dialogue national qu’il présente comme une condition sine qua non à une réforme réussie sur le double plan politique et économique. Pour lui, le débat budgétaire n’est pas suffisant pour examiner la politique économique du gouvernement. Il exprime le souhait d’un débat général qui s’articulera autour du document de travail que le gouvernement a soumis à la conférence dite Paris II, d’autant, dit-il, qu’une promesse en ce sens a été formulée. « Un plan de sauvetage économique et financier et une réforme fiscale radicale représentent aujourd’hui un besoin pressant », fait-il valoir, avant de mettre l’accent sur la nécessité d’une bonne application du processus de privatisation et de poser une série de questions liées au dossier de la téléphonie mobile. M. Moukheiber va dans le sens du ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi, en soulignant, citant des rapports d’audit, que la part de l’État des recettes de la téléphonie mobile est passée à 45 millions de dollars par mois, à partir du moment où les autorités ont repris la gestion de ce secteur alors qu’elles étaient seulement de 26 millions de dollars par mois. Selon ses explications, le Trésor a perdu 160 millions de livres parce que l’État a tardé huit mois à gérer ce secteur. M. Moukheiber invite en outre la Chambre à se saisir sérieusement du dossier de la privatisation et à former une commission ad hoc qui surveillera toutes les opérations de privatisation et de titrisation. Comme lui, M. Mohammed Hajjar réclame une enquête pour déterminer les recettes précises du secteur de la téléphonie mobile. M. Hajjar, qui se félicite de la politique économique et financière du gouvernement, critique sans le nommer le ministre des Télécommunications. « Il n’est pas permis, dit-il, de garder le silence lorsqu’un ministre s’en prend au chef du gouvernement, bafouant toutes les règles de bienséance et de courtoisie politique ». Il estime que cette affaire doit être examinée en Conseil des ministres « pour que les dispositions nécessaires soient prises ». L’intervention de M. Mohammed Kabbani, membre du bloc parlementaire du chef du gouvernement, semble être un démenti presque officiel de la trêve politique qui aurait été conclue à la faveur de l’intervention syrienne de la veille. Les propos du député sont on ne peut plus éloquents. Il fustige sans les nommer ceux qui, dans le pays, tentent de « discréditer les réalisations » de M. Hariri. « À l’Élysée, les chefs d’État et les responsables d’institutions financières internationales se retrouvent pour affirmer leur confiance dans le pays, et au Liban, des voix s’élèvent pour saper cette confiance », tonne-t-il. « Ces gens, ajoute-t-il, ne lisent pas les chiffres. Ils les falsifient et ne les admettent que s’ils correspondent à leurs intérêts politiques sectaires (...). Ils ne voient pas dans les résultats de Paris II une victoire pour le Liban, mais une victoire pour le chef du gouvernement. Ils n’ont vu, à Paris II, que l’image du Premier ministre parmi les dirigeants du monde et ils ont voulu lui porter un coup pour le marginaliser, quitte à nuire au pays ». Et d’ajouter : « Un programme télévisé a failli porter atteinte aux relations du Liban avec un pays arabe. Lorsque le chef du gouvernement a tenté de protéger ces relations, on s’est élevé contre lui, en dépassant même les limites de la courtoisie. Et lorsqu’il a réagi favorablement, avec son bloc parlementaire, aux revendications sociales, on l’a accusé de vouloir court-circuiter le mouvement syndical. » Selon lui, « il existe dans le pays une minorité d’hommes politiques qui connaissent la vérité mais qui ne veulent pas sauver le pays tant que Rafic Hariri sera à la tête du gouvernement. » M. Ahmed Fatfat, également proche du chef du gouvernement, poursuit sur la même lancée. « Pourquoi faut-il redouter, après chaque réalisation politique ou économique (Paris II ou autre) l’émergence d’un problème politique, comme si certains cherchaient à saper le processus de reconstruction du pays, de réédification de l’État et de redressement de l’économie ? », s’interroge-t-il. Selon lui la gestion des affaires publiques est « par moments arbitraire ». « On se bat contre des moulins à vent et des ennemis fictifs rien que pour marquer des victoires. » La bataille du cellulaire M. Fatfat évoque ensuite la polémique autour de la téléphonie mobile, s’en prenant au ministre des Télécommunications qui ne réagit pas, et, de manière plus générale, aux ministères qui se plaignent de la paralysie du Conseil des ministres. « Quels ont été les résultats de la « bataille du cellulaire », à part l’atteinte portée à la réputation du pays et l’émergence d’une hérésie selon laquelle le chef du gouvernement ne doit pas intervenir dans les affaires du ministère (des Télécommunications). Qui sait ? Peut-être que le ministre (Cardahi) demandera au chef de l’État et au Parlement aussi de ne plus intervenir et proclamera l’indépendance de la principauté du téléphone ? » ironise-t-il, avant de reprocher à M. Cardahi, toujours imperturbable, de « répondre par des insultes aux députés qui critiquent ses abus. » Il reproche aussi aux « ministres opposants et frondeurs » leur « irresponsabilité » et s’étonne du fait qu’ils peuvent « faire part du décès du gouvernement, approuver le budget en Conseil des ministres et le contester plus tard. » « L’opinion publique, ajoute M. Fatfat, refuse qu’on porte atteinte à la présidence de la République. Elle n’accepte pas non plus qu’on s’en prenne au gouvernement, à la Chambre ou à tout autre département étatique. » Son intervention politique est longue et ne laisse que peu de place à une analyse du budget et de la politique économique, financière et fiscale du gouvernement. M. Fatfat fait seulement remarquer, à juste titre, qu’il sera difficile au gouvernement de stimuler l’économie et de convaincre la communauté internationale de venir en aide au Liban, lorsque la majeure partie du budget est consacrée aux salaires et aux indemnités des fonctionnaires. Après M. Georges Najm, qui fait partie du bloc du Hezbollah, et qui conteste évidemment la politique économique du cabinet Hariri, MM. Antoine Ghanem et Pierre Gemayel, représentant l’opposition Kataëb et membres de Kornet Chehwane, prononcent chacun un discours politique par excellence, s’articulant autour des priorités suivantes : renforcer l’unité intérieure, engager un dialogue national autour des dossiers conflictuels et favoriser l’édification d’un État de droit. M. Ghanem relève l’impact de l’application « sélective et tronquée » de l’accord de Taëf sur le dysfonctionnement des institutions et l’absence de tout équilibre politique. Le parlementaire presse le président de la Chambre de former une commission parlementaire qui « aidera le gouvernement à dynamiser la vie politique, économique et sociale. » Selon lui, cette commission devra être présidée par M. Berry et comprendre des délégués de courants politiques et non politiques qui ne sont pas représentés à la Chambre. Elle aura pour mission principale, explique-t-il, de gérer le processus de dialogue national et de proposer un document de travail qui sera examiné en réunion parlementaire. Sur base de ce document, ajoute M. Ghanem, la Chambre adoptera une série de principes consensuels et de recommandations s’étendant à tous les domaines, qui seront à leur tour soumis au président de la République et au gouvernement pour qu’ils soient mis en application. M. Pierre Gemayel axe davantage son intervention sur l’accord de Taëf et sur le déséquilibre politique dans le pays qui « aggrave la crise socio-économique. » Il s’étend longuement sur la guerre menée par le pouvoir contre l’opposition et s’arrête en particulier sur la fermeture de la MTV et sur les circonstances dans lesquelles elle a eu lieu. Pour lui, il ne fait pas de doute que « l’absence d’un règlement radical de la crise économique est due à l’absence d’une participation authentique de tous les Libanais à l’adoption des décisions nationales. » « Toute solution, renchérit-il, se fonde sur les éléments suivants : des élections législatives justes, qui assureront une représentation authentique des Libanais à la Chambre ; la formation d’un gouvernement d’entente nationale et le rejet de la logique du vainqueur et du vaincu. » Sur le plan purement économique, il propose « un retour à l’esprit du discours du président de la Banque mondiale, qui avait appelé à l’arrêt du gaspillage, à la réédification des institutions, à la préservation de la liberté d’expression et des droits de l’homme, en vue d’un rétablissement de la confiance politique qui favorise l’essor économique. » À l’instar de MM. Kabbani et Fatfat, M. Adnane Arakji, membre lui aussi du bloc Hariri, s’insurge contre les campagnes de dénigrement menées, selon lui, contre le gouvernement et dont l’objectif, estime-t-il, est de saper les réalisations de son chef, sur les plans économiques et financiers. Ce volet n’occupe cependant qu’une partie minime de son intervention, axée principalement sur un thème indirectement lié au budget, puisqu’il se rapporte au chapitre relatif à l’amélioration du rendement administratif que le gouvernement a inclus dans son programme de redressement. Il s’agit de la corruption administrative sur laquelle M. Arakji donne de nombreux exemples. Selon lui, cette corruption est devenue un trait caractéristique de tous les départements concernés par les affaires courantes de la population : les services fonciers et judiciaires, le département de la mécanique, l’EDL, la CNSS, la Mutuelle des fonctionnaires, le Service de protection du consommateur, la Direction de l’urbanisme, les municipalités, les ministères de l’Agriculture, des Travaux et de la Santé, « où la population est soumise aux pires formes de chantage. » M. Arakji s’étend longuement sur la question, avant d’appeler les organes de contrôle – dont il critique le laisser-aller – à réagir, pendant que M. Abdallah Cassir estimait qu’il serait « inutile d’espérer un assainissement des finances publiques si l’on ne s’attaque pas à la cause de l’exacerbation de la dette : le gaspillage des deniers publics. » Il donne un exemple : selon lui, le directeur général d’un ministère a meublé son bureau pour 348 950 dollars. L’ameublement du bureau, précise-t-il, a été adjugé par le CDR. Hostile à une dollarisation de la dette, M. Cassir dénonce les atermoiements qui caractérisent, selon lui, le dossier des empiètements sur le domaine public maritime « susceptible de drainer des millions de dollars au Trésor. » Il déplore aussi « la marginalisation » des organes de contrôle et la poursuite du clientélisme. La séance nocturne À 19h, la séance reprend avec toujours un nombre limité de députés. Opposé à la politique fiscale du gouvernement « parce qu’elle se fonde sur les taxes qui accablent surtout les personnes à revenus limités », M. Antoine Haddad propose au gouvernement de revoir l’ensemble de sa politique afin de trouver d’autres sources de recettes. Il lui conseille surtout de développer le tourisme, notamment le tourisme archéologique, de mieux gérer ses ressources hydrauliques ainsi que ses services, de s’attaquer au dossier des empiètements sur le domaine public maritime, de rentabiliser le capital humain, ce qui permettra à l’État, selon lui, de rembourser en quelques années une partie de la dette. Car, pour lui, les fonds obtenus à Paris II et ceux que les banques accorderont à l’État permettront d’économiser un milliard de dollars seulement. Fidèle à la ligne politique de son frère, Moustapha, décédé il y a quelques mois, Oussama Saad s’en prend vivement au gouvernement, le jugeant incapable de gérer les affaires du pays et réclamant son départ. Selon le député de Saïda, Paris II « n’a fait qu’ajourner une sérieuse crise financière ». À l’instar de M. Moukheiber, il se demande comment il sera possible d’obtenir une croissance en réduisant les dépenses d’investissement. M. Saad s’oppose à la privatisation et fait état de « tentatives mafieuses de mettre la main sur le secteur de la téléphonie mobile, au détriment des intérêts de l’État ». Il reproche au gouvernement d’avoir voulu contrôler les fonds de la CNSS et accuse M. Siniora de vouloir utiliser les réserves en or du Liban. Après MM. Jamal Ismaël et Mohammed Yéhia, c’est Sélim Saadé qui prend la parole au nom du bloc parlementaire du PSNS. Le député, qui approuve le budget, met en garde contre la dollarisation et M. Berry s’empresse de rappeler que le gouvernement a solennellement promis que la dette libellée en dollars ne dépassera pas les engagements financiers du Liban en livres, avant de laisser entendre qu’il a des remarques à formuler au sujet de la taxe de 5 % sur les épargnes. « Je tiens aussi à préciser qu’il nous faut savoir si les 4 milliards de dollars que les banques vont accorder au gouvernement avec 0 % d’intérêt sont d’anciennes ou de nouvelles souscriptions », a déclaré M. Berry avant qu’il ne lève la séance. Le débat budgétaire reprendra lundi matin. Tilda ABOU RIZK Une misère qui fait rire ! Il y avait quelque chose de choquant dans l’hilarité parlementaire qui a ponctué les propos du député Adnane Arakaji : ce n’était pas le rire en lui-même, justifié peut-être par la gestuelle et les propos exaltés du député, mais la possibilité que des personnes, qui représentent le peuple en principe, puissent s’esclaffer au moment où un de leurs collègues raconte « l’humiliation des gens rongés par la maladie qui supplient presque les fonctionnaires du ministère de la Santé pour qu’ils leur trouvent un lit vide dans un hôpital gouvernemental et qui se trouvent contraints de brandir deux billets verts, en dépit de la maigreur de leurs moyens, afin de pouvoir se faire opérer ». Ce que M. Arakji dénonçait, c’était la corruption administrative, « le chantage auquel les Libanais sont soumis dans les administrations publiques où les services se monnaient ». Rien de drôle donc dans son discours. Mais parmi la cinquantaine de ministres et de députés qui se trouvaient dans l’hémicycle, il ne s’est pas trouvé un seul homme, même pas le chef du gouvernement, trop occupé à rire lui aussi, pour juger ces propos dignes d’intérêt. Pas un seul, sauf le président de la Chambre qui a fini par rappeler les présents à l’ordre. « Il n’y a aucune raison de rire. Ce qu’il dit doit vous faire au contraire pleurer », a-t-il dit, mettant ainsi un terme à l’amusement général. Peut-on dès lors s’étonner qu’aucune suite ne soit donnée aux problèmes de la population ? T.A. Siniora, un « Hood Robin » libanais – Au deuxième jour du débat budgétaire, une quarantaine de députés assistent à la réunion, et parmi eux, une dizaine seulement restent dans l’hémicycle pour suivre le débat. Vers midi, les rangs des ministres se vident. Il ne reste plus que MM. Fouad Siniora, Michel Pharaon, Assaad Diab et Mahmoud Hammoud. Le député Anouar el-Khalil proteste et M. Berry lui donne raison. – En commentant la politique économique du gouvernement, M. Ghassan Moukheiber raconte qu’un plaisantin a surnommé le ministre des Finances « Hood Robin », ou « Robin Hood à l’envers, parce qu’il prend des pauvres pour donner aux riches ». La remarque amuse le chef du Parlement qui rétorque : « Il ne lui manque plus que l’arc et les flèches ». Mais M. Siniora le prend mal et se renfrogne. – Installé sur le banc des ministres, sous le perchoir, M. Hariri bavarde avec le chef de la diplomatie, Mahmoud Hammoud. La conversation est interrompue par un coup de maillet sec donné par le président de la Chambre. M. Hariri sursaute. « Le bruit que vous faites est incroyable », lance M. Berry au chef du gouvernement qui rétorque : « Vous m’avez fait peur. Je sursaute facilement et vous êtes en train de donner des coups juste au-dessus de ma tête ». – M. Mohammed Kabbani parle de l’exploitation de la gestion des eaux et M. Berry fait remarquer : « C’est le pétrole du XXIe siècle ». « C’est comme le cellulaire alors », lance M. Boutros Harb sur un ton malicieux. – M. Hariri se promène entre les bancs des députés, saluant l’un, bavardant avec l’autre, jusqu’à ce que M. Berry, importuné par ces va-et-vient incessants, le prie de regagner sa place. « Mais je grimpe une à une les marches du Parlement », dit-il sur un ton plein de sous-entendus.
Séance politique par excellence, place de l’Étoile, au deuxième jour du débat budgétaire. Des députés haririens attaquent. L’opposition aussi. Mais les deux groupes choisissent chacun une cible différente : le premier groupe descend pratiquement le ministre des Télécommunications, Jean-Louis Cardahi ; le deuxième se dresse contre le déséquilibre politique dans le pays....