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Environnement - Défenseurs et détracteurs de la création d’une décharge dans la même vallée s’affrontent À Jbeil, la bombe du dépotoir de Hbéline près d’exploser

La conférence, organisée dans la vieille ville de Jbeil par l’association Byblos Ecologia, sur le projet actuel de réhabilitation du dépotoir de Hbéline (Jbeil) et de création d’une décharge contrôlée au même endroit, illustre bien à quel point la question du traitement des déchets est sensible, et à quel point elle peut soulever les passions. En effet, cette réunion, destinée à rassembler les autorités concernées (notamment le Conseil du développement et de la reconstruction et le ministère de l’Environnement) et la population afin de clarifier les détails de la future réalisation de ce projet de cinq millions de dollars (un prêt de la Banque mondiale), a, à plusieurs reprises, été marquée par de vives discussions, portant autant sur des questions techniques que sur des remarques d’ordre plus général, comme la confiance inexistante dans la capacité de l’État à gérer ce dossier explosif. Le dépotoir de Hbéline, comme tous les grands dépotoirs du pays, constitue une catastrophe d’ordre écologique et social pour les habitants de la région depuis 1982, date de son « ouverture ». Quelque treize municipalités sont concernées par le problème, et un grand nombre de villages, dont celui de Hbéline, souffrent d’odeurs, de prolifération d’insectes, de pollution. Le dépotoir sauvage est situé dans une vallée, au niveau d’un cours d’eau (l’eau se fraie aujourd’hui un chemin parmi les déchets, charriant sa pollution vers la mer). Plusieurs incendies y ont éclaté dont le plus terrible, en 1999, a poussé les responsables politiques à envisager sa fermeture définitive, une promesse qui n’a jamais été tenue. L’objectif premier de la conférence était de permettre aux responsables d’expliquer la teneur du projet actuel de réhabilitation, dont l’adjudication est prévue pour bientôt. Il faut préciser que l’association Byblos Ecologia reproche aux autorités d’avoir conçu le projet et de s’être apprêtées à le mettre en application avant d’ouvrir le débat avec la population. En gros, comme l’ont expliqué Sami Féghaly, représentant du CDR, et Nagi Abou Asli, un expert qui a travaillé sur le projet, celui-ci consiste premièrement en la réhabilitation du dépotoir actuel. Pour cela, une couche isolante (en béton renforcé de basalte pour en augmenter la durée de vie) devrait être disposée sous les déchets accumulés au fil des ans, afin de protéger les nappes phréatiques. La décharge qui sera ensuite installée (pour accueillir des déchets supplémentaires) devra comporter une usine de tri, des bureaux, un hangar pour les équipements, ainsi que des installations pour le traitement du lixiviat (liquide provenant des déchets) et des gaz produits. Afin de protéger l’eau superficielle, les concepteurs de la décharge ont prévu la construction d’une sorte de pont qui recouvrirait la rivière, et où seraient placés les déchets (qui seront disposés en cellules). M. Abou Asli a assuré que « le contrôle sera continu sur le site ». Quant à M. Féghaly, il a précisé que ces travaux constitueront « une première étape, la seconde, qui étudiera la possibilité d’amélioration de la décharge, étant sous étude dès aujourd’hui ». Loin d’apaiser les doutes des détracteurs du projet, ces explications ont attisé leurs critiques. L’intervention de Fifi Kallab, experte environnementale et présidente de Byblos Ecologia, a consisté en une série d’interrogations fondées sur le refus de voir une décharge s’installer au même endroit que l’ancien dépotoir. C’est sur le choix du site qu’elle choisit de s’attarder en premier lieu, considérant qu’il est trop proche de la mer, situé dans un cours d’eau, présentant des risques d’érosion, surtout avec les perturbations climatiques, et des risques d’incendies qui persistent, se trouvant à la frontière d’une réserve agricole, entouré de villages habités. La nature du sol, selon elle, n’est en aucun cas imperméable, alors que « la couche isolante a une durée de vie limitée et sera fragilisée par le liquide résultant des déchets qui la recouvreront ». « N’y a-t-il plus d’autre possibilité pour la construction d’une décharge que le recouvrement d’un cours d’eau ? », poursuit-elle. Sur le choix du site, même le représentant du ministère, Bassam Sabbagh, fait remarquer que « l’étude d’impact qui nous est parvenue ne comportait pas d’autres propositions de sites ». Parmi les questions du ministère auxquelles, selon lui, il n’a pas été répondu de manière suffisante, figurent la conception du pont, la méthode de traitement du lixiviat et les dispositions prévues pour protéger la réserve agricole. Répondant aux interrogations concernant le choix du site, M. Féghaly a précisé que les recherches pour un autre endroit ont duré un an et demi, mais sont restées vaines. À l’exemple de Naamé ? Autre point épineux également soulevé par Mme Kallab : la diversité des déchets qui risquent de se retrouver dans la nouvelle décharge, vu que des solutions satisfaisantes pour le traitement des résidus industriels, agricoles ou hospitaliers n’ont pas encore été trouvées à un niveau national. « 80 à 120 mille tonnes seront triées chaque jour par 14 ouvriers sur un tapis roulant, selon le plan officiel », dit-elle. Elle a également exprimé ses craintes concernant le coût de la réhabilitation du dépotoir (dégazification et décontamination), dont le montant exact reste inconnu selon elle. « Les cinq millions de dollars sont un prêt et non une donation », fait remarquer Mme Kallab. « Aucune vision future d’une éventuelle rentabilité de la gestion de la décharge n’a été proposée. » Sur ce point, autant Mme Kallab que des intervenants comme le modérateur du débat, notre confrère du as-Safir Habib Maalouf, ont insisté sur la nécessité de la définition d’un plan national fondé sur des principes durables comme la réduction des déchets, le tri à la base, le compostage, le recyclage, etc. Ce à quoi M. Abou Asli, appuyé par le président de la Fédération des municipalités de Jbeil, Charles Bassil, a répondu en invoquant la nécessité de la présence d’une décharge quelle que soit la solution adoptée, même si les déchets devaient être réduits progressivement. M. Bassil, justement, s’est déclaré favorable à la réalisation du projet parce qu’il s’agit, selon lui, de la seule solution envisageable actuellement. « Nous allons nous occuper nous-mêmes de la gestion de la décharge », a-t-il assuré. « Il y a deux mois, nous avons refusé l’entrée de Sukleen et de Sukomi dans la région. Je tiens à affirmer qu’aucun déchet provenant de l’extérieur de Jbeil ne finira dans la décharge. » L’intervention de M. Bassil suivait notamment le passage très remarqué d’un membre du Rassemblement pour la fermeture de la décharge de Naamé, Bassam al-Qantar, qui a expliqué dans les menus détails et photos à l’appui la « décrépitude de la décharge qui devait durer 15 ans, et qui est déjà saturée après 5 ans à peine ». Il a mis l’accent (d’après ses observations) sur le manque de contrôle et de respect des normes, sur les émanations importantes de méthane dans l’air, sur le lixiviat jeté dans la mer, sur les déchets qui ne sont pas supposés se trouver dans une décharge comme ceux des abattoirs ou des hôpitaux, etc. « Il y a beaucoup de similitudes entre les cas de Hbéline et de Naamé », a-t-il prévenu, proposant la tenue d’un congrès national sur la question. Les crises déclenchées par la proximité de dépotoirs se suivent et se ressemblent au Liban, montrant combien il est légitime que ce dossier prenne le devant de la scène, et combien l’État est coupable de négligence à ce propos, treize ans après la fin de la guerre. La polémique qui a accompagné la fermeture du dépotoir de Bourj Hammoud, la colère suscitée actuellement par la décharge de Naamé et le dépotoir de Saïda... la liste est longue. Quoi qu’il en soit, à en croire certains habitants excédés de Hbéline présents à la conférence, ainsi que les écologistes, les demi-solutions ne satisfont plus personne, et la population pourrait avoir recours aux manifestations de rues pour se faire entendre... Suzanne BAAKLINI
La conférence, organisée dans la vieille ville de Jbeil par l’association Byblos Ecologia, sur le projet actuel de réhabilitation du dépotoir de Hbéline (Jbeil) et de création d’une décharge contrôlée au même endroit, illustre bien à quel point la question du traitement des déchets est sensible, et à quel point elle peut soulever les passions. En effet, cette réunion,...