Les alliances, les blocs, les regroupements ne sont plus du tout, pour l’instant, à la mode

L’heure n’est décidément pas (plus ?) aux alliances ou à la constitution de blocs, qu’ils soient parlementaires ou qu’ils ne le soient pas. Justement, une bonne partie des députés ayant participé à la réunion élargie, qui s’est tenue la semaine dernière dans le cadre du colloque initié par le Forum d’action nationale de Sélim Hoss, écartent toute éventuelle suite à ce genre de regroupements. Parce qu’il n’y a aucune raison pour, disent-ils. Assurant que cette rencontre-là a été la première et sera la dernière, quels que soient (et continuent d’être) les desiderata d’autres participants. Ce que l’on sait, c’est que cette rencontre élargie a été tenue pour faire plaisir à un responsable syrien (et néanmoins ami de Hussein Husseini), qui souhaitait que soient réunis des forces et des leaders politiques toutes communautés et régions confondues. Ainsi, cette rencontre-là pourrait prendre la place du Rassemblement parlementaire de concertation (que préside Kabalan Issa el-Khoury), court-circuiter Kornet Chehwane et en finir avec la cellule Hamad. Sauf que le « vœu syrien » n’a créé aucune dynamique, et malgré les tentatives d’Omar Karamé de l’élargir encore plus, de le rendre encore plus prestigieux, d’en faire un front politique, avec un poids et une présence significatifs, et qui serait entièrement consacré à s’opposer au gouvernement. C’était d’ailleurs grâce à lui que ses deux amis de KC, Nayla Moawad et Boutros Harb, avaient participé à la rencontre, à condition que soit évoquée, tout autant que la critique du budget 2003, la question des libertés. Sauf que Sélim Hoss a dit non à Omar Karamé. Qu’il ne veut pas faire partie d’un front politique, mais continuer à travailler au sein de son forum. Il a néanmoins indiqué qu’il était prêt à accueillir, au sein de ce dernier, n’importe quel partie ou parti, pour débattre de tous les sujets possibles. Dans tous les cas, depuis sa défaite aux législatives 2000, l’ancien Premier ministre refuse de faire partie d’un quelconque mouvement autre que celui qu’il préside. Idem pour Nassib Lahoud. Qui n’a pas participé, contrairement à ce qu’il avait promis, à ladite rencontre élargie. Il y avait délégué l’un des membres du mouvement qu’il préside, le Renouveau démocratique (RD) – le député nordiste (et rival d’Omar Karamé), Misbah Ahdab. On dit d’ailleurs en coulisses que Nassib Lahoud souhaite se consacrer pleinement au RD, dont il souhaite renforcer la présence sur l’échiquier local. Sans risquer de le court-circuiter par son implication personnelle dans tel ou tel rassemblement politique. D’autant plus que sa participation à Kornet Chehwane est une participation exceptionnelle (il en est toujours membre, à part entière, sans assister aux différentes réunions), surtout via Camille Ziadé et Nadim Salem. En fait, le président Karamé, en annonçant la participation de Nassib Lahoud, pensait que cela allait faire boule de neige et entraîner les autres à s’activer pour la création d ‘un large front politique. Sauf que son absence a ruiné tous les espoirs. D’autant plus, affirment bon nombre d’observateurs politiques, que le député du Metn, visiblement peu attaché à s’impliquer dans quelque front que ce soit, semble assez soucieux d’approfondire le lien qui l’unit au leader du PSP, Walid Joumblatt – cette sorte de crypto-alliance, renforcée par l’arrivée, à leur côté, du Amid du BN, Carlos Eddé. Et les trois hommes, dit-on, officialiseront ce trio politique en temps adéquat. Omar Karamé, dans sa réelle volonté de créer son front politique, ne s’est pas contenté de s’arrêter là. Draguant le centre chrétien, il est entré en contact avec le député Farès Boueiz (mais aussi avec son collègue, chiite, de Jbeil, Abbas Hachem). Sauf que l’ancien locataire du palais Bustros ne semble pas très pressé, en ce moment, d’adhérer à ce genre de front. Mais qu’il préfère patienter en attendant que la situation se clarifie davantage sur la scène locale – notamment en ce qui concerne l’avenir du gouvernement, et un éventuel changement... Pour sa part, le député du Liban-Nord Mohammed Safadi, qui avait commencé depuis plusieurs mois à œuvrer pour la création d’encore un autre front politique en multipliant ses contacts avec moult personnalités, venues de tous les horizons, a décidé, lui aussi, de patienter. Et d’observer. En attendant que le brouillard, tous les brouillards se dissipent... Idem pour un des membres de Kornet Chehwane. Qui avoue observer, également, le ballet de concertations et autres contacts en cours, visant à constituer des blocs parlementaires. Évoquant des velléités par-ci par-là de vider KC de sa substance en draguant certains de ses membres dans de nouveaux regroupements politiques. « C’est une tentative pas très facile, et qui ne risque pas d’aboutir », fait-il remarquer, en rappelant que ce genre de débauchage a déjà eu lieu dans le passé, et sans succès. En fait, l’équation est simple : il est presque impossible d’intégrer KC, il est presque impossible d’en sortir. « Voilà pourquoi KC ne craint pas les contacts politiques tous azimuts de ce début d’année, ni les rencontres auxquelles participent tel ou tel de ses membres », ajoute-t-il. Quoi qu’il en soit, si ces contacts-là sont sous les pleins feux, et ultramédiatisés, c’est parce que ce sont de vrais messages et qu’ils témoignent clairement d’un désir syrien qui télécommande tout cela. Comme d’un sillon que semble vouloir creuser le pouvoir : la création de fronts tout à fait déconfessionnalisés. Sauf que la concrétisation de ces desiderata ne semble pas prévue pour sitôt, estime-t-on dans les milieux politiques concernés. Le mot d’ordre, on l’aura compris, c’est le wait and see. Philippe ABI-AKL