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Actualités - CHRONOLOGIE

Coopération Arrivée d'une délégation du ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec

Valerius Maximus assure que «l’astuce punique est tristement fameuse dans tout le globe». À Rome, on parlera longtemps dans un sens ironique de la «loyauté punique», et à l’occasion, un personnage de Plaute s’écrie: «Malheur, celui-ci est Phénicien, je suis frit». Et Livius tonne : «Perfide plus qu’une Punique». Il est curieux que Virgile mette dans la bouche de Didon, quand Énée est sur le point de l’abandonner, l’épithète perfide qu’elle répète trois fois, l’appliquant au Troyen parjure. Il se peut aussi que ces vues aient contribué, non moins que leurs vertus, à créer la richesse autrement renommée des Phéniciens dans le commerce et l’industrie. Il sont connus pour être les inventeurs de l’alphabet et de l’arithmétique, des ingénieurs insignes, des parfumeurs et des vendeurs de vin excellents, de boulangers avérés (ateneo écrit dans une liste de spécialités : «Prends les couvertures de Corinthe, le rognon de Thessalie, les fromages de Syracuse, la moutarde de Chypre, les figues sèches de Rhodes – elles procurent des rêves agréables – et, de la Phénicie, les dattes et la fleur de farine».). Les Phéniciens excellèrent dans le travail du verre et surtout dans la création de tissus de luxe ; ils furent les producteurs exclusifs de la pourpre dans le monde. La pourpre, à l’époque impériale, est un rouge tout à fait spécial : ce n’est pas le russus, ni le ruber, ni le rubidus, ni le rutilus. Le rouge est ordinairement vif, éclatant. La pourpre, non : elle tire sur le noir, elle est profonde, magnifique, mystérieuse, chaude, sublime. Vitruve explique : «Elle n’est pas, et ne peut être unie et toujours égale ; tantôt plus sombre, tantôt plus pale, tantôt plus violacée, tantôt plus brillante. C’est le violet nuancé d’une aurore de Virgile au milieu des nues, ou de certaines roses veloutées et épaisses». Cassiodore joue sur les contrastes : «Une obscurité rougeoyante et un noir sanguin». Tout dépend du mollusque d’où était tirée la pourpre et de la mixture imaginée par le teinturier. Il faut lire dans Pline avec quelle adresse les Phéniciens arrachaient à la mer le précieux crustacé encore vivant, exprimaient le suc d’une petite veine de sa bouche, le faisaient cuire dans des récipients en plomb, et y plongeaient enfin la laine à plusieurs reprises, corrigeant avec d’autres sucs le noir excessif de la teinture. Jusqu’à ce qu’il arrive à un «sang en grumeaux, tirant sur le noir à le voir de face, reluisant vu obliquement ; tel est le sommet du raffinement». À Tyr, où pourtant s’entassaient ces laboratoires malodorants, ou à Sidon, plus sophistiquée, patrie des philosophes, la vie phénicienne se passait dans une mollesse proverbiale, que Martial oppose à l’austérité de Sparte, comme la mousseline du péphum de ce pays différait du feutre des pèlerines dans la froide capitale du Péloponnèse. Les banquets phéniciens se passent au milieu de cascades de parfums qui se perdent sur les fleurs des mosaïques du parquet. Ils sont accompagnés par le tintement prolongé des harpes typiques triangulaires (les kinnors), et des flûtes au son aigu et plaintif, et des mélodies quasi funèbres, comme il convient à l’état d’ébriété. Ateneo nous a conservé le texte d’une de ces «chansons-cochons» comme on les appelait pour leur contenu lascif. Est-ce possible ? «Oh, qu’est-ce qui t’afflige ? Deh, ne me trahis pas/ lève-toi avant qu’il ne revienne,/ ou ce sera ton malheur, et ceci me rend malheureux. Le jour est arrivé,/ ne vois-tu pas la lumière filtrer à travers la porte ?». Un peu plus persuasif, cet épigramme de l’Antologia Palatina : «Par le dieu amour ! Tyr est le pays des garçons nonchalants. Mais mon Topino/ est un soleil qui éteint les étoiles de ses rayons». Au dire de Théopompe, l’homme qui jouit le plus dans le monde fut un prince de Sidon, Straton. Sa vie fut occupée sans interruption à ces festins qu’Homère attribue aux Phéaciens, et que les Phéaciens célébraient en présence des femmes et des filles, tandis que Straton les organisait seulement avec quelques hôtes et en compagnie de flûtistes, chanteurs, danseuses, courtisanes étrangères, les excitant à l’émulation. L’ambition de Straton était de se rendre enviable à toutes les autres personnes : et probablement il y réussit, jusqu’au jour où ce Sardanpale dut lui aussi se donner la mort pour ne pas tomber aux mains d’ennemis qu’il avait trahis ; il fut assisté à la mort par sa femme qui lui était restée étrangement fidèle et qui le suivit dans la tombe. (Cette dernière information, très morale, est de saint Jérôme). Ainsi, vivre bien et vivre mal semblaient s’interférer sur ce bandeau de terre où les Phéniciens dressèrent leurs belles cités, pour les abandonner assez souvent et en chercher d’autres ailleurs, dans un mouvement incessant qui en fit la grandeur. Personne n’a jamais compris la passion de la mer de ces Libanais à l’étroit entre les montagnes et le désert, sur une mince bande de terre, au point que l’étranger Euripide fait chanter au chœur des filles phéniciennes en exil, dans la tragédie qu’il leur consacre : «Ayant quitté l’onde de la mer Tyrienne,…/ pour l’Ionienne, de force/ je dépassai l’étendue des eaux infécondes/ autour de la Sicile :/ et entre-temps, dans le ciel, Zéphyr chevauchait avec ses bouffées:/ c’est la plus belle de toutes les mélodies».
Valerius Maximus assure que «l’astuce punique est tristement fameuse dans tout le globe». À Rome, on parlera longtemps dans un sens ironique de la «loyauté punique», et à l’occasion, un personnage de Plaute s’écrie: «Malheur, celui-ci est Phénicien, je suis frit». Et Livius tonne : «Perfide plus qu’une Punique». Il est curieux que Virgile mette dans la bouche de...