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Actualités - REPORTAGES

Législatives - Deux courants s'affrontent dimanche Dans le Metn, bataille politique et tactique électorale

«Si seulement je votais au Metn». Que de Beyrouthins expriment ce souhait depuis que la fièvre électorale a atteint un point culminant dans ce caza du Mont-Liban, à partir du moment où la campagne anti-Nassib Lahoud a été ouvertement lancée dans cette circonscription de 152 621 électeurs, où accusations et critiques échangées entre les pôles des deux listes qui s’affronteront dimanche se sont exacerbées. Non pas que la tension générée par ce climat stimule les électeurs mais parce que ces derniers ont conscience de l’importance de l’enjeu du bras de fer engagé entre Michel Murr et ses colistiers, d’une part, et Nassib Lahoud et ses alliés, d’autre part. Ce que la bataille du Metn illustre surtout, c’est la lutte sans merci qui oppose depuis des années, et plus précisément depuis la conclusion de l’accord de Taëf, deux courants de pensée politique. Le premier prône le changement, un vrai, en vue de l’édification de l’État sur des bases saines et d’un rééquilibrage au niveau de l’exercice du pouvoir. Le deuxième défend le système mis en place par Taëf, avec toutes ses aberrations. Le premier courant est représenté par la liste Nassib Lahoud, laquelle compte parmi ses membres, Auguste Bakhos, Walid Khoury (maronites), Michel Samaha (grec-catholique), Riad Abou Fadel (grec-orthodoxe) et Rafi Madayan (arménien-orthodoxe). Le deuxième courant est incarné par la liste Murr, formée, outre le ministre de l’Intérieur, d’Émile Émile Lahoud, Ghassan Achkar, Chaker Abou Sleiman, Mounir Hajj (maronites), Antoine Haddad (grec-catholique) et Sebouh Hovnanian (arménien-orthodoxe). Dans le Metn, cette année, le paysage politique semble donc, a priori, identique à celui qui prévalait en 1996 : deux courants de pensée, deux adversaires acharnés s’affrontant en une lutte toujours inégale. Force est de constater que la liste Lahoud ne dispose pas, cette année encore, des moyens extraordinaires que possède Murr et qu’il doit, entre autres, à sa présence à la tête du ministère qui organise et qui gère l’opération électorale. Pour les proches de Lahoud, l’important est de rester attentifs aux détails qui permettront à la liste du député sortant de remporter la bataille électorale. Et ils sont nombreux. À commencer par la constitution même des listes électorales qui s’inscrit dans le cadre d’une tactique bien étudiée. Cette année, la liste Murr dispose d’un atout supplémentaire : la présence en son sein du fils du chef de l’État et l’alliance tacite conclue avec un des ténors de l’opposition chrétienne, Albert Moukheiber, qui jouit d’une extraordinaire popularité dans le Metn, et à qui Murr a laissé une place vacante sur sa liste. Grignotage des voix Grâce à cette double alliance, le ministre de l’Intérieur est sûr de grignoter un certain nombre de voix, acquises au départ à son adversaire. Il conforte donc sa position en prenant sur sa liste le fils du chef du l’État, ressuscitant ainsi en quelque sorte la vieille rivalité politique au sein du clan Lahoud. L’alliance tacite entre les ennemis d’hier qu’étaient Michel Murr et Albert Moukheiber devrait permettre au ministre de l’Intérieur de gagner les voix qui lui étaient refusées en 1996 et auparavant, en 1992. Mais rien n’est sûr sur ce plan. M. Moukheiber est après tout un des ténors de l’opposition chrétienne, farouchement hostile au discours politique du ministre de l’Intérieur et plus proche de celui de Nassib Lahoud. Celui-ci peut d’ailleurs bénéficier de la confusion dans laquelle l’alliance Murr-Moukheiber a plongé les partisans du «hakim» et recueillir une partie de leurs voix. Pour compenser le handicap provoqué par la défection de Moukheiber, avec qui Lahoud avait tenté de former une alliance électorale, le député sortant a pris sur sa liste Riad Abou Fadel, originaire, comme le ténor de l’opposition, de Beit-Méry, et bénéficiant d’une importante assise populaire. À l’instar de son adversaire, Lahoud a formé une liste incomplète. S’il s’est abstenu de nommer un deuxième candidat grec-orthodoxe, c’est pour donner à Abou Fadel toutes les chances de remporter le deuxième siège grec-orthodoxe du Metn et de percer ainsi la liste Murr. Parallèlement, Lahoud n’a pas voulu nommer un quatrième candidat maronite, dans la perspective d’une alliance non déclarée avec l’héritier politique pressenti des Kataëb (tendance Gemayel), Pierre Amine Gemayel, qui se présente seul aux élections, face à Mounir Hajj, chef en titre du parti phalangiste. Gemayel aurait pu adhérer à la liste Lahoud mais s’il a, en définitive, décidé de faire cavalier seul, c’est pour diverses considérations familiales, politiques et partisanes. Selon des sources proches des Gemayel, le jeune candidat souhaite affermir le leadership de la famille (que lui dispute Paul Gemayel), qui se présente lui aussi seul, et à partir de là, œuvrer à la réunification du parti sous l’aile de ce clan. De mêmes sources, on se dit persuadés que Pierre Gemayel remportera la bataille qui le propulsera place de l’Étoile. D’abord, en raison des assises populaires qu’il a réussie à s’aménager depuis son retour au Liban en 1992 et qui lui ont permis de regrouper autour de lui la majorité des voix kataëb du Metn. Ensuite, parce qu’il reste populaire dans le camp de l’opposition – même s’il a brisé le mot d’ordre de boycottage, lancé par le courant aouniste et le PNL – et que l’échange de voix sur lequel il s’est entendu avec la liste Lahoud constitue un atout aussi bien pour lui que pour ses alliés. Le fait qu’il tienne le même discours politique que Nassib Lahoud et Albert Moukheiber lui permet de miser sur l’appui des partisans de ces derniers. Panachage et participation Dans ce paysage électoral, deux éléments fondamentaux détermineront aussi l’issue de la bataille qui se prépare : le panachage et le taux de participation au scrutin, qui avaient permis à Nassib Lahoud, en 1996, de percer la liste Murr. Les électeurs du Metn sont réputés pour leur tendance à pratiquer le panachage à grande échelle, comme l’ont d’ailleurs démontré les résultats des élections de 1996. L’écart de voix entre les candidats des listes rivales n’était pas énorme, bien que le ministre de l’Intérieur et ses colistiers bénéficiaient d’un atout de taille contre lequel leurs adversaires ne pouvaient rien : les voix des étrangers naturalisés et des Arméniens, acquises presque toutes à Murr. Du moins celles des naturalisés, parce que les Arméniens ont démontré qu’ils peuvent ne pas voter en bloc pour une liste déterminée. Rafi Madayan, le jeune arménien-orthodoxe qui se présente aujourd’hui sur la liste Lahoud, avait fait cavalier seul en 1996 et avait quand même pu obtenir 4 775 voix. Autant de voix, sinon plus, qui seraient aujourd’hui acquises à Lahoud et à ses colistiers, puisque les dissensions au sein du camp arménien, qui se manifestent dans la circonscription de Beyrouth, risquent de se répercuter sur les élections du Metn et diviser les voix arméniennes dans cette circonscription. Presque autant que le panachage, le taux de participation pourra influer sur le résultat du scrutin. «Avec 5 % de taux de participation de plus, Michel Samaha aurait pu être élu», avait déclaré il y a quatre ans Nassib Lahoud au lendemain des législatives. À l’époque 45, 9 % des électeurs inscrits (141 306) s’étaient rendus aux urnes, soit 64 805 électeurs. Le taux de participation aurait pu être supérieur s’il n’y avait eu le mot d’ordre de boycottage. Dans les milieux proches de la liste de l’opposition, on estime que le nombre des électeurs qui se rendront aux urnes sera supérieur à celui de 1996, grâce à la candidature de Pierre Gemayel et au ralliement populaire autour de Nassib Lahoud depuis que ses portraits ont été déchirés dans le Metn. Pour finir, il y a lieu de préciser qu’en plus des deux principales listes qui s’affronteront dimanche, deux autres listes, également incomplètes sont engagées dans la bataille : celle qui est formée d’Albert Moukheiber et de Hanna Abdo Chidiac (maronite) et celle composée de Nabil Lahoud, Paul Gemayel (maronites) et Mitri Bitar (grec-orthodoxe).
«Si seulement je votais au Metn». Que de Beyrouthins expriment ce souhait depuis que la fièvre électorale a atteint un point culminant dans ce caza du Mont-Liban, à partir du moment où la campagne anti-Nassib Lahoud a été ouvertement lancée dans cette circonscription de 152 621 électeurs, où accusations et critiques échangées entre les pôles des deux listes qui...