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Actualités - REPORTAGES

Otages - "Ma force? Je la tiens du cèdre Marie Moarbès : j'ai besoin de repos (photos)

Entre Marie et la liberté totale, il n’y a plus que le trajet Tripoli-Paris. Mais la jeune fille amaigrie et pâle, aux yeux si lumineux, ne le réalise pas encore tout à fait, émergeant à peine de la terrible épreuve de 128 jours qu’elle vient de subir. «Je ne sais pas ce qu’on vous a dit de nos conditions de détention, mais c’était terrible. Je suis encore sous le choc. J’ai besoin de repos». Les grands yeux quêtent la compréhension et Marie Moarbès, la plus médiatique des six otages relâchés entre dimanche et lundi par le groupe Abu Sayyaf, secoue de sa présence à la fois discrète et déterminée une assistance avachie par une longue attente sous le soleil. Son père, Michel, prisonnier lui aussi entre les quatre murs de sa chambre d’hôtel à Manille pendant toute la durée du calvaire de sa fille, ne la perd pas des yeux, ne croyant pas au bonheur de l’avoir retrouvée. Celui qui est apparu pendant quatre mois comme un homme brisé a retrouvé sa vigueur. Il est tout fier de parler de sa fille. «Je la savais forte, mais elle m’a surpris», lance-t-il. Alors qu’elle, de son côté, en évoquant ses moments de faiblesse, lorsque «les voyous», comme elle les appelle, tiraient sur eux, déclare : «Quand je pensais à tout ce que mon père endurait, dans son hôtel, malgré ses problèmes de santé, je me disais : Marie, tu n’as pas le droit de faiblir». Et elle poursuivait la lutte, à sa manière calme et décidée, pour ne pas laisser à ses ravisseurs le plaisir de la voir brisée. « Vivre mieux qu’avant » «Je veux vivre mieux qu’avant, dit-elle. Même si tout a changé en moi, à cause de cette expérience. Je veux être encore plus forte, car sinon, cela voudra dire qu’ils ont gagné». D’où tient-elle cette force ? «Le cèdre, voyons, il est si solide», répond Marie que Libanais et Français s’arrachent avec passion. Dans la cour du palais (ici on dit maison) du colonel Kadhafi, sauvagement bombardé par l’aviation américaine en avril 86, un drame a failli se jouer. Libanais et Français sont venus accueillir leurs otages libérés, grâce aux efforts déployés par l’association de bienfaisance Kadhafi, et plus particulièrement par MM. Rajab Azzarouk et Mohammed Ismaïl. La grande question était : à qui serait remise Marie : au ministre libanais des Ressources hydrauliques et électriques Sleiman Traboulsi ou au secrétaire d’État français à la Coopération Charles Josselin ? Avec tact, la jeune fille a sauvé la mise en donnant l’accolade aux deux hommes et M. Josselin s’est écrié : «Marie a la chance d’avoir deux pays». «Je veux d’abord rentrer chez moi, retrouver mon lit, mes amis, me reposer, faire le point et je viendrai ensuite au Liban. Je sais que beaucoup de gens m’y attendent et ont souffert avec moi. Je veux être à la hauteur de l’idée qu’ils se font de moi. C’est pourquoi je dois d’abord me ressaisir, dans ma maison à Paris». Visiblement très éprouvée, Marie répond cependant volontiers aux journalistes, heureuse de ce formidable élan de sympathie qui l’entoure. «Vous savez, dit elle, nous étions au milieu de la jungle. Il n’y avait rien et nous ne savions absolument rien. Même le jour de notre libération, nous ignorions que nous allions être relâchés...» La jeune fille parle, sourit, secoue sa longue chevelure, mais s’effondre en faisant ses adieux à Rajab Azzarouk qu’elle enlace longuement. L’ancien ambassadeur de Libye aux Philippines est lui aussi si ému qu’il laisse tomber sa canne. Pendant quatre mois, il a été la seule bouffée d’espoir pour les otages et s’il est heureux d’en ramener aujourd’hui certains à leurs familles, il pense surtout aux efforts qu’il doit encore déployer pour les autres. Au sujet de Marie, il dit : «Elle nous a beaucoup aidés, parce qu’elle est très forte». Il se déclare ensuite confiant dans la libération prochaine des otages restants. Et le nouvel otage américain ? «Je n’ai pas encore d’élément précis à ce sujet. Mais si on me le demande, j’essaierai peut-être de le faire sortir. Lorsqu’il s’agit de questions humanitaires, la Libye est toujours prête à apporter son aide». Mohammed Ismaïl, l’adjoint de Seif al-Islam Kadhafi au sein de l’association de bienfaisance, est lui aussi très ému. En faisant ses adieux aux otages libérés, il a les larmes aux yeux. «Ce fut dur, dit-il, mais quand je vois cette joie, je suis heureux». Il est surtout ravi de montrer son pays sous son meilleur jour, celui d’une nation qui milite pour les principes humanitaires. Tout à l’excitation de parler avec les six otages libérés et avec les ministres venus les accueillir, les journalistes sont prêts à tout écouter et même à pardonner les six heures d’attente, enfermés dans une grande salle du palais Kadhafi, pendant que l’avion appartenant au Libanais Ali Hijazi et affrété par la Libye atterrissait à la base militaire et que les ex-otages et les délégations officielles étaient conduits vers un autre palais pour s’y reposer. Reprendre la plongée Privés des moments les plus intenses, les journalistes ont dû se contenter de la cérémonie dans la cour du palais de Bab el-Aziziya, sous un soleil implacable. Libanais, Français, Sud-Africains et Allemands, toutes les délégations présentes ont ainsi chaleureusement remercié la Libye, tout en se promettant de poursuivre les efforts pour que ce dossier soit définitivement clos. Les discours achevés, les délégations sont invitées à visiter le palais et à mesurer ainsi l’étendue des dégâts occasionnés par les avions américains. Marie profite de l’occasion pour exprimer toute son émotion à travers un paragraphe écrit d’une main décidée, sur le livre d’honneur. «C’est un grand soulagement pour moi et mes compagnons d’être libres, écrit-elle. Et cela grâce aux efforts de MM. Azzarouk et Ismaïl et de la Libye. J’espère qu’ils poursuivront leurs efforts et que je viendrai très prochainement accueillir mes compagnons. Merci de nous avoir rendu notre liberté, notre dignité et à ceux que nous aimons...» Les larmes se mettent à briller dans ses yeux. Elle tourne la tête. Son père et sa mère sont là, tout près. «Je vais continuer à faire de la plongée», lance-t-elle. Et son père s’écrie : «En attendant c’est moi qui ai plongé dans le désespoir...» Le père et la mère de Marie ne se lassent pas de la regarder. Tous deux la trouvent amaigrie, pâle. Mais c’est finalement le père qui ira avec elle en France et qui assistera à ses côtés à la cérémonie d’accueil des otages français. Michel Moarbès précise qu’au cours de ces quatre mois terribles, le président français Jacques Chirac l’a appelé personnellement et directement à trois reprises. Une fois au début des négociations, la secondes fois après le rendez-vous manqué du 16 août, essayant de lui remonter le moral, et la dernière fois dimanche, après l’annonce de la libération, M. Chirac lui a même adressé une lettre que lui a remise l’ambassadrice de France à Tripoli. «C’est très délicat de sa part», précise-t-il avant d’ajouter qu’il reviendra à Beyrouth la semaine prochaine. Beyrouth, qui sera sans doute très déçu de ne pas voir Marie, mais qui saura lui réserver le meilleur accueil en temps voulu, lorsque la tempête électorale se sera calmée.
Entre Marie et la liberté totale, il n’y a plus que le trajet Tripoli-Paris. Mais la jeune fille amaigrie et pâle, aux yeux si lumineux, ne le réalise pas encore tout à fait, émergeant à peine de la terrible épreuve de 128 jours qu’elle vient de subir. «Je ne sais pas ce qu’on vous a dit de nos conditions de détention, mais c’était terrible. Je suis encore sous le...