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Actualités - INTERVIEWS

Interview - L'analyse régionale d'un diplomate hollandais Kurpershoek : les pays du P-O sont condamnés à s'entendre (photos)

Il a sillonné les déserts d’Arabie séoudite, il est parti à la découverte des nomades et du charme de la poésie bédouine. Marcel Kurpershoek a déjà à son crédit plusieurs ouvrages sur cette littérature, alors que sa formation et son expérience l’avaient prédestiné à une carrière à la vérité fort éloignée de cet univers. Plutôt étrange pour un diplomate, devenu directeur du département Moyen-Orient et Afrique du Nord au ministère néerlandais des Affaires étrangères. Car, outre ces connaissances approfondies en matière de culture bédouine – il a effectivement côtoyé les tribus arabes six mois durant – le professeur Marcel Kurpershoek connaît parfaitement les méandres d’un Proche-Orient complexe et toujours en quête de paix. Précisément, qu’en pense-t-il ? De Camp David où l’on vient d’annoncer «l’échec» des négociations tripartites, en passant par la Syrie, avec l’avènement d’un nouveau président, pour finir au Liban avec son Sud tourmenté, Marcel Kurpershoek nous confie ses impressions sur la région, «condamnée, comme il dit, à entrer dans une ère de paix». «Tout le monde était conscient qu’il s’agissait d’un sujet extrêmement difficile», dit-il en commentant les résultats du sommet de Camp David. «Évidemment, on aurait aimé voir les participants réaliser une percée et établir les bases d’un accord durable. D’autant plus que les discussions finales, selon l’agenda d’Oslo, auraient dû être achevées l’an dernier», affirme cet expert. Il estime toutefois que le «point positif» est représenté par le fait que la discussion sur Jérusalem-Est, «un sujet tabou», a été clairement engagée, et que les deux parties ont fini par définir la nature des concessions à faire. Seulement, dit-il, le problème réside au niveau des opinions publiques (palestinienne et israélienne), qui ne sont pas encore préparées, ce qui devrait prendre un peu de temps, avant que les discussions ne reprennent. Un éventuel blocage au niveau du processus israélo-palestinien pourra-t-il se répercuter négativement sur le volet désormais israélo-syrien ? «Pas nécessairement», dit M. Kurpershoek, d’autant plus que la Syrie n’a d’autre choix que de s’engager dans le processus de paix, ce qui suppose également une restructuration complète du pays et une modernisation obligée. «Le président Bachar el-Assad est jeune, et l’on s’attend à ce qu’il inaugure un nouveau style de gouvernement», souligne le professeur Kurpershoek, qui espère voir la Syrie opérer une ouverture sur le monde, ce qui entraînerait une plus grande participation populaire sur le plan interne. Cela devrait aussi se traduire par une redéfinition de ses relations avec le Liban. «Il est très difficile dans une économie globale de survivre indéfiniment sans qu’il y ait une volonté réelle de changement, car la nouvelle génération ne saurait se contenter du statu quo. Elle aspire à une vie meilleure et refuse désormais cette situation de ni guerre ni paix. Bachar appartient à cette génération et connaît très bien ses problèmes», dit-il. Rappelant que l’Égypte et la Jordanie ont déjà conclu la paix il y a plusieurs années déjà, le diplomate relève que ces deux pays se sont attelés, depuis, au développement de leur économie, ce qui n’est pas le cas de la Syrie, qui a beaucoup de retard à rattraper. Par conséquent, dit-il, «la restructuration de l’économie syrienne doit se faire parallèlement à l’engagement dans le processus de paix, car les deux volets vont de pair. Damas n’a pas d’autre choix». Et le professeur Kurpershoek d’évoquer l’éventualité d’un Israël engagé dans un nouveau round de violence, «ce qui nuirait aussi bien au tourisme du pays qu’aux investissements», dit-il, en signifiant une fois de plus que la paix est incontournable et bénéfique pour toutes les parties en présence. «Il n’existe pas de solution juste à 100 %. Il s’agit d’être créatif et de trouver une issue pragmatique et digne pour tout le monde», souligne-t-il. «Les parties en présence sont condamnées à trouver une solution viable». Le même principe s’applique pour le Liban-Sud. Cette région peut largement bénéficier de sa proximité géographique avec Israël, avec la possibilité de créer un marché régional, «à condition de signer la paix», estime le diplomate qui croit, par ailleurs, que l’aide européenne qui serait accordée au Sud ne pourra être que provisoire, et qu’aucun développement véritable ne se fera sans une solution globale entre Israël et la Syrie. Sur les «exigences» des pays donateurs, M. Kurpershoek est on ne peut plus clair. «Il faut qu’il y ait progrès sur le plan politique», dit-il. «Ce sont les conditions de la vie. On ne peut pas séparer l’économique du politique. Nous ne pouvons pas jeter notre argent par la fenêtre. Après tout, nous devons rendre compte à nos contribuables». Lors d’une visite au Premier ministre Sélim Hoss, le diplomate devait lui transmettre deux messages : le premier, portant sur la nécessité du déploiement de l’armée libanaise dans la zone libérée par Israël et la consolidation des services administratifs, «indispensables pour répondre aux besoins des populations locales». Quant au second message, il consiste à réclamer pour la Croix-Rouge internationale l’autorisation de visiter les prisons où sont incarcérés les membres de l’ALS, «dans des conditions précaires». Le CICR pourra intervenir discrètement, «sans embarrasser les autorités», et contribuer à améliorer la situation des détenus. Bref, souligne le diplomate, l’idée est d’inciter le gouvernement à réintégrer par tous les moyens cette partie de la population, qui ne doit pas être stigmatisée. «Après tout, c’est une question politique», conclut-il.
Il a sillonné les déserts d’Arabie séoudite, il est parti à la découverte des nomades et du charme de la poésie bédouine. Marcel Kurpershoek a déjà à son crédit plusieurs ouvrages sur cette littérature, alors que sa formation et son expérience l’avaient prédestiné à une carrière à la vérité fort éloignée de cet univers. Plutôt étrange pour un diplomate,...