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Actualités - ANALYSE

Les trois messages du patriarche

C’est une homélie où les choses sont plus suggérées que dites, que le patriarche maronite a prononcée hier. La partie centrale de cette homélie est la réaffirmation que l’Église maronite est, en fait, un peuple maronite et une «nation», au sens que ce terme avait au XIXe siècle. C’est-à-dire qu’en ce peuple sont réunis les éléments constitutifs d’une identité sociale et politique totale. Comme l’a souvent dit et répété le P. Michel Hayeck, l’un des penseurs les plus fougueux de l’Église maronite, l’évolution de ce groupe religieux vers l’état de communauté, puis de société et d’aspirant nation, est remarquable. Voici pourquoi, d’ailleurs, ceux qui défendent d’autres aspirations nationales ou d’autres idéologies s’emploient d’abord à marginaliser les maronites qui, constitutivement, sont les éléments moteurs de l’identité nationale libanaise. L’Église maronite a donc conscience de son identité, forgée au contact des adversités aussi bien physiques que sociales, religieuses et politiques. Elle a conscience d’être plus qu’une église, un message national de liberté religieuse, pourrait-on dire, en utilisant aux musulmans du Liban, afin que la solidarité qui s’est manifestée et a rendu possible la libération du Sud se manifeste à nouveau pour la libération du Liban de toute tutelle politique étrangère. Les chrétiens du Liban, et les maronites en particulier, ne se sont pas réjouis du départ des Israéliens de la même façon que les Libanais des communautés musulmanes, dans la conscience aiguë que cette libération n’est pas suffisante pour affirmer que le Liban est désormais libre. Il est incontestable qu’une partie des Libanais pense que l’occupation israélienne n’en était une que techniquement, mais que politiquement, elle était de loin moins pesante que la présence syrienne qui, techniquement, n’est pas une occupation, mais qui est vécue politiquement comme telle. Dans un cas, l’atteinte flagrante portait sur l’intégrité territoriale. Dans l’autre, elle porte plus subtilement sur l’attribut de souveraineté. Voici l’appel lancé hier par le patriarche aux musulmans : faites que le Liban retrouve son indépendance. Mais cet appel est, paradoxalement, un appel à la modération lancé aux chrétiens. Le Liban indépendant, semble dire le patriarche, ne peut être fait que par l’accord entre les Libanais. On est là aux antipodes d’une certaine pensée politique qui pense la libération du Liban en termes de rapports de force, avec toutes les implications d’un tel mode de pensée. La libération du Liban, son indépendance se feront par des moyens politiques, souligne ainsi le patriarche, et par la volonté de tous les Libanais. On en vient naturellement au troisième message du patriarche. Il est adressé aux chrétiens et porte sur l’abstentionnisme, le repli sur soi, l’indifférence politique. Le patriarche cherche à réveiller un peuple, une communauté assoupie, qui se désintéresse des urnes. C’est au contraire par la participation massive, par l’enthousiasme politique que passe le réveil national, la sortie du marasme économique et même la réforme de l’administration. Le citoyen a le droit de voter, un catholique en a le devoir, affirment tous les manuels de catéchisme ancien élaboré à une époque où, en France, l’anticléricalisme était roi. Comment secouer la torpeur des chrétiens ? Comment les réveiller de leurs rêves éveillés et les encourager à éteindre l’action politique quotidienne, fastidieuse, mais salutaire. Voilà l’une des préoccupations du patriarche. C’est du reste l’une des raisons de l’importance des élections à la Ligue maronite. L’une des grandes lacunes des maronites, c’est de ne pas savoir sélectionner démocratiquement leurs élites. Ils ont essayé de le faire par les armes, avec les résultats que l’on sait. Ils doivent apprendre à le faire aujourd’hui par les voies démocratiques, c’est-à-dire les élections. C’est par l’apparition de nouvelles élites maronites que passe, aussi, le renouveau de l’église et la renaissance du Liban, suggère le patriarche. Appel à tous les Libanais pour l’indépendance du Liban, appel à la mémoire collective des maronites, appel à leurs élites et à leur sens civique. Voilà les messages que le chef de l’église maronite a cherché à faire passer à l’occasion de la célébration de son jubilé sacerdotal.
C’est une homélie où les choses sont plus suggérées que dites, que le patriarche maronite a prononcée hier. La partie centrale de cette homélie est la réaffirmation que l’Église maronite est, en fait, un peuple maronite et une «nation», au sens que ce terme avait au XIXe siècle. C’est-à-dire qu’en ce peuple sont réunis les éléments constitutifs d’une identité...