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Actualités - OPINION

Les occasions manquées

Les occasions manquées Impensable, le scénario ? Essayons malgré tout de l’imaginer. Au soir de ce lundi où tout aurait pu basculer dans un sens comme dans l’autre, les combattants du Hezbollah, juchés sur les blindés abandonnés par les Israéliens et les miliciens de l’Armée du Liban-Sud dans une retraite qui ressemblait fort à une débandade, escaladent la colline d’Achrafieh et parviennent dans un énorme bruit de chenilles aux abords de la place Sassine. Là, députés, prélats et zaïms de quartier en tête, une foule – oh pas en délire, on ne saurait trop lui demander… – les accueille à bras ouverts. Le tout se terminant par une gigantesque fête populaire, avec force laïus et professions de foi en un Liban libre, souverain, indépendant, foyer de tolérance religieuse et d’ouverture sur le monde. Nulle voix ne se serait élevée alors pour dénoncer une quelconque tentative de récupération de la Résistance, encore moins une de ces surenchères dont seuls peut-être certains de nos politiciens ont le désolant apanage. Au contraire, on aurait vu là le début de cette fraternisation tant de fois espérée, notamment dans les tristes années 90-91 de triste mémoire, mais jamais concrétisée véritablement, sinon au niveau des «grands» qui nous gouvernent et que rien en réalité ne sépare. En clair, le message aux visiteurs d’un soir aurait été le suivant : «Le combat a été long et ardu, mais vous avez fini par gagner, après avoir payé cher la victoire. Nous aussi, ceux de l’arrière-pays, nous aurons versé notre tribut et avons été, à notre manière, des résistants. Et aujourd’hui que la guerre est terminée et que doit être entamée l’entreprise de reconstruction, nous allons être appelés à y participer, sous forme d’impôts divers, au détriment peut-être de nos régions». C’est que aussi, tout comme la guerre n’est pas le fait des seuls soldats, la paix ne saurait être gagnée sans une mobilisation de l’ensemble des fils de la nation. Un tel discours n’a pas été tenu, il faut le déplorer, sans doute parce qu’il manquait quelque chose qui l’aurait inspiré. Sur ce ratage, quarante-huit heures après, il importe de s’interroger. La joyeuse et bruyante irruption d’avant-hier, peut-être après tout que ses auteurs l’ont voulue comme l’expression d’un sincère désir de faire participer tous les Libanais, ceux du «pays chrétien» comme on appelait les régions Est au plus fort de la guerre, comme tous les autres, à l’allégresse populaire née dans la foulée de ce qui, il y a quelques semaines encore, représentait l’inconcevable. Oui, peut-être. Mais alors pourquoi n’avoir pas pris l’élémentaire précaution d’en aviser qui de droit, à tout le moins les gradés de l’armée et des forces de l’ordre qui encadraient la manifestation, lesquels se seraient chargés de relayer le message ? On imputera la faille à une simple omission ou encore à une erreur de calcul – l’une comme l’autre regrettables, en tout cas difficilement pensables venant des instances d’un parti, le Hezbollah, aussi parfaitement structuré et dont l’état-major n’a jamais négligé aucun détail, si infime fût-il. Il reste que, à tort ou à raison, la parade a été perçue comme un acte de provocation, à la vérité bien inutile sinon maladroit. Et qu’elle aura engendré un sentiment de malaise, pour ne pas dire une nette irritation dont les retombées paraissent pour l’heure difficiles à évaluer. Par le passé, le Liban a eu à pâtir de trop d’occasions manquées pour n’en pas appréhender de nouvelles. Et la raison si souvent invoquée autrefois, cette coupure béante qui interdisait tout contact, toute explication sinon à coups de canon, n’existe plus aujourd’hui, théoriquement. La griserie qui ne semble pas près de tomber, elle pourra toujours permettre d’expliquer les pierres qui continuent de voler par-dessus les barbelés. Après tout, vingt-deux années d’occupation et d’humiliations de toutes sortes ne sauraient être oubliées en quelques heures. Cette même griserie ne saurait justifier la double occasion manquée du 5 juin.
Les occasions manquées Impensable, le scénario ? Essayons malgré tout de l’imaginer. Au soir de ce lundi où tout aurait pu basculer dans un sens comme dans l’autre, les combattants du Hezbollah, juchés sur les blindés abandonnés par les Israéliens et les miliciens de l’Armée du Liban-Sud dans une retraite qui ressemblait fort à une débandade, escaladent la colline...