Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Alecco Habib : j'aurais voulu être un artiste(photos)

Alecco Habib a baptisé la nuit de son prénom d’emprunt, prêté aux amoureux noctambules l’espace de quelques heures, chaque soir, tout comme sa voix, son sourire et l’ambiance de ses boîtes de la nuit. Son vrai prénom, Alexandre, masque bas, sans protection ni filet, il préfère le garder pour lui. Et ce n’est que justice. Sa voix est chaude, légèrement cassée, fatiguée d’avoir chanté tout l’été, et puis tout l’hiver, depuis de nombreuses années. Pourtant, il ne saurait la faire taire, cette voix, lorsqu’elle chante, car elle le fait bien, car elle le fait avec plaisir. Le reste, c’est-à-dire parler, Alecco Habib n’en raffole pas. De non-dits en mal-dits, de malentendus en mal compris, les mots du chanteur reconverti en homme d’affaires se font rares, brefs. Il arrive au restaurant Le Monot, pressé – comme le serait tout maître des lieux – d’aller rejoindre ses affaires pressantes, un conseil d’administration impatient; il se donne tout de même une courte demi-heure pour répondre aux questions qui se font rares, – son – silence oblige, tout en dévorant, comme le temps qui passe, ses deux éclairs au café. «Il y a, dit-il en intro, que je suis fatigué de la vie de nuit. Je dois me calmer». Il a en effet l’«air» fatigué, ce monsieur de 36 ans qui fait tellement de choses en même temps, à un rythme de «20 heures sur 24». Se lever tôt, surveiller le chantier de sa maison, donner des cours de marketing à l’USJ, faire la tournée des différents restaurants du holding GHIA qu’il partage avec ses associés, faire son métier, consultant en marketing, retrouver sa maison de production et enfin faire le chanteur au Alecco’s, tous les soirs. «J’aime chanter, c’est mon xanax avant de dormir !». Être un homme d’affaires Éternel insatisfait, «je suis un perfectionniste et, comme tous les perfectionnistes, je ne suis jamais satisfait», il n’a qu’une référence, Bill Gates. «Je relativise en fonction de ces gens - là et j’en suis encore très loin». Les phrases sont courtes, ponctuées de «no comment», pas de commentaires, le front plissé, sur les affaires qui marchent bien, mais une précision, tout de même, «je suis juste le pensé du concept. Les restaurants ne sont pas un “one-man-show”, le succès revient surtout à mes associés Pierre Iskandar, Steve Attié et Jean-Claude Ghosn». Mais lorsqu’il s’agit de parler musique, sans doute est-ce un peu comme chanter, la cigale retrouve ses notes et raconte son histoire, sur un air de Brel. «J’ai commencé à jouer en 1985, dans des cabarets de bas quartiers, des bouges. J’avais besoin d’argent! J’étais le pianiste avec son – grand – verre de cognac. Je jouais et je chantais. Les habitués ont fini par venir pour moi. Le patron n’a plus apprécié». Petit à petit, au gré des nuits blanches qui ne se ressemblent pas, Alecco affine sa voix et sa clientèle. Il abandonne les «bas quartiers» pour des endroits plus «branchés». «Je suis devenu de plus en plus associé, jusqu’à être propriétaire». Le Lip’s, le Xanadu, l’Amadeus, le Night Life, le Bistrot Broummana, des escales avant le grand départ du Alecco’s Kaslik, Kaslik 2 et enfin Beyrouth. «Je ne supporte pas la médiocrité; il y a 99 % de médiocres, je fais de mon mieux pour ne pas l’être». Son mieux, des affaires bien pensées, bien gérées et des nuits bercées par sa voix et des airs de Brel, de Oum Koulthoum, «je chante selon mes humeurs. Je chante pour moi et pour les gens qui viennent et reviennent. Il y a ceux qui viennent pour voir et se faire voir, mais il y a aussi ceux qui viennent pour écouter. Je sais ce qu’ils veulent». Tant et si bien que le Alecco’s fonctionne à pleins tubes depuis huit ans, phénomène rare dans ce monde de l’éphémère. «Le succès, au même titre que l’échec reposent sur moi. C’est un peu trop pour une seule personne». Alecco, qu’on a alors envie d’appeler Alexandre, se laisse aller à de petites confidences. La fatigue, sans doute, «la vie de nuit est un illogisme. On ne peut pas réussir sa vie privée et sa vie professionnelle. J’ai relativement réussi la première». Le blues du businessman Il a plutôt bien réussi la première... Pour preuve, les habitués de ses lieux qui attendent patiemment l’arrivée et l’entrée en scène d’Alecco, tous les soirs. Une entrée qui se fait autour de minuit – et tant pis pour Cendrillon! – autour d’une piste de danse noyée dans des couleurs sombres qui lui confèrent une chaude intimité. Alecco surgit enfin, un casque sur la tête, micro apparent comme un habit de scène – baguette magique du prestidigitateur – et s’envole sur son synthétiseur fou. Le public enchanté suit très vite, esquissant des pas de danse qui ressemblent à un dialogue. Alecco emprunte aux grands comme aux nouvelles étoiles montantes leurs plus beaux succès, s’appropriant leurs musiques avec délectation. Le maître de la scène, son parfait amant, possède le charisme d’un professionnel qui donne à l’ambiance le cours qu’il désire et aux invités le plaisir qu’ils sont venus chercher. Et lorsque la musique se tait, à l’aube d’un nouveau jour, Alecco disparaît, épuisé. Il aura manqué à son palmarès une chanson de Michel Berger qu’il chanterait pourtant si bien et qui dit: «J’ai du succès dans mes affaires, j’ai du succès dans mes amours, (…) J’ai réussi et j’en suis fier, au fond, je n’ai qu’un seul regret, j’fais pas ce que j’aurais voulu faire. J’aurais voulu être un artiste…» La chanson s’appelle «Le blues du businessman»…
Alecco Habib a baptisé la nuit de son prénom d’emprunt, prêté aux amoureux noctambules l’espace de quelques heures, chaque soir, tout comme sa voix, son sourire et l’ambiance de ses boîtes de la nuit. Son vrai prénom, Alexandre, masque bas, sans protection ni filet, il préfère le garder pour lui. Et ce n’est que justice. Sa voix est chaude, légèrement cassée, fatiguée...