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Actualités - INTERVIEWS

Rencontre - Trente ans dans le théâtre pour cette auterre québécoise Carole Fréchette : un pied dans le réel, l'autre dans l'imaginaire (photos)

Carole Fréchette est dans le théâtre depuis une trentaine d’années. Après avoir été comédienne pendant une dizaine d’années, elle découvre que c’est l’écriture qu’elle aime vraiment, et s’y consacre à partir de 1993. À Beyrouth, dans le cadre du camp d’écriture «Écrits nomades», cette Québécoise née à Montréal parle du théâtre, de ses personnages et de l’écriture. À sa sortie de l’École nationale de théâtre du Canada, Carole Fréchette comprend que, pour elle, en tant que comédienne, ce qui est important, c’est «quoi dire» et non pas tellement «comment le dire». «C’étaient les années de la création collective, la grande vague du théâtre militant et engagé, se souvient-elle, et j’étais complètement là-dedans, dans ce mouvement autour de la notion de l’acteur responsable de ce qu’il dit sur scène». Elle intègre alors la troupe du Théâtre des Cuisines, qui ne comptait que des femmes et qui s’inscrivait dans la première mouvance du féminisme, au Canada et en Amérique. «Pendant sept ou huit ans, nous avons donné des spectacles qui étaient complètement en dehors du circuit “professionnel”», indique-t-elle. «Nous jouions pour des groupes populaires, des syndicats, dans des villages. Nous allions vraiment à la rencontre des gens, avec des spectacles sur des thèmes comme le travail ménager, l’avortement, les relations entre les hommes et les femmes». Mais, toute chose ayant une fin, le Théâtre des Cuisines remet son tablier au tournant des années 80. «C’était la fin d’une époque, des créations collectives, des idéologies, rappelle Carole Fréchette, et nous étions arrivées à la fin de notre expérience. Pour moi, j’avais touché deux limites, artistique et idéologique. D’une part, je trouvais que notre méthode collective de création avait ses limites, et j’avais envie de création solitaire. D’autre part, ayant en quelque sorte fait le tour du féminisme, j’ai réalisé qu’il n’expliquait qu’une partie de ce que je suis, mais pas tout. J’avais donc envie de voir le monde autrement qu’à travers cette lorgnette». Plus qu’une belle aventure, le Théâtre des Cuisines aura permis à Carole Fréchette de se découvrir un talent d’écriture. «Je n’avais aucune formation littéraire, mais nous écrivions nos spectacles ensemble, et c’est ainsi que j’ai remarqué que j’aimais mieux écrire que jouer», dit-elle. Elle décide donc de s’engager dans cette voie et s’inscrit à l’Université du Québec, à Montréal, pour une maîtrise en arts dramatiques. Et en guise de mémoire, elle écrit sa première pièce, Baby Blues. Entre-temps, elle devient maman d’une petite fille. «Je travaillais, aussi, parce qu’il fallait bien vivre», dit-elle. «Cela a donc été assez long ; j’écrivais le matin, entre 7h et 8h». Elle écrit ensuite sa deuxième pièce, Les Quatre morts de Marie. À l’Université de Montréal, pendant un temps, elle est responsable des activités théâtrales pour les étudiants. Elle travaille ensuite au Théâtre du conseil des arts du Canada, jusqu’au jour où elle décide de quitter son emploi pour se consacrer entièrement au théâtre et à l’écriture. Après Les Quatre morts de Marie, Carole Fréchette a écrit Les Sept jours de Simon Labrosse puis La Peau d’Elisa. Et, bientôt, elle publiera Jean et Béatrice, sa cinquième pièce, «presque terminée». Une autre dimension Les personnages de Carole Fréchette sont attachants, un peu fous, un peu rêveurs et en même temps si réalistes. «Pour moi, ce que j’écris doit toujours avoir au moins un pied dans le réel», souligne-t-elle. «Et l’autre, dans l’imaginaire. Il est important pour moi que mes personnages soient vraiment “incarnés”, qu’ils aient une vraie vie, qu’ils évoluent dans un monde qui a un côté très concret, mais aussi une autre dimension, toujours un peu décrochée du réel». Côté didascalie, il ne faut pas s’étonner de trouver, dans les pièces de Carole Fréchette, des phrase comme «Lorsqu’elle referme la porte, la maison s’écroule derrière elle» (dans Les Quatre morts de Marie). «Je sais que cela pose des difficultés de monter mes pièces, mais ce ne sont pas toujours ceux qui respectent à la lettre mon texte qui donnent les meilleurs résultats», dit-elle. «Il faut que le metteur en scène invente un univers scénique qui corresponde. Et, en général, les metteurs en scène se sentent très libres par rapport à mes textes». Et d’ajouter dans un éclat de rire : «Je suis bien contente de n’avoir pas à trouver de solutions moi-même». Quelquefois, tout en écrivant, des images lui passent par la tête, qui l’inspirent beaucoup. «Lorsque j’écris, je pense que je suis à la fois dans le personnage, dans son émotion du moment, et dans la salle, dans l’œil qui regarde», explique-t-elle. «Toujours en aller-retour. Mais ces images que je vois parfois sont juste des suggestions et des inspirations possibles pour les metteurs en scène». En dehors du théâtre, Carole Fréchette a publié deux romans Carmen en fugue (1996) et Do pour Dolorès (1999), ainsi qu’une nouvelle, Portrait de Doris en jeune fille (1987). Par ailleurs, elle est membre de plusieurs associations de théâtre, notamment du Centre des auteurs dramatiques (Cead) dont elle a été présidente, de 1994 à 1999 (voir cadre). Écrits nomades est la deuxième expérience de Carole Fréchette en matière de «Résidences d’écriture». «J’en ai fait une première, au Québec, la saison dernière, qui portait sur la traduction», précise-t-elle. «Ici, l’idée est de nous mettre en contact avec une culture qui est très différente de la nôtre. Nous rencontrons des membres de la communauté artistique libanaise, nous nous promenons dans les villes et nous absorbons tout cela. Et, ensuite, nous verrons ce que ça donnera». À son arrivée au Liban, Carole Fréchette était «sous le choc de Beyrouth». Son premier contact avec le Moyen-Orient, avec une ville qui a connu la guerre... «C’est très frappant. Dans un premier temps, j’étais très impressionnée, presque choquée, par le désordre», dit-elle. «Mais je me rends compte que je suis en train de m’habituer à cette espèce d’organisation chaotique. On dirait même que je me laisse séduire par ce “quelque chose” d’extrêmement vivant et énergique ; que je l’apprivoise, tranquillement».
Carole Fréchette est dans le théâtre depuis une trentaine d’années. Après avoir été comédienne pendant une dizaine d’années, elle découvre que c’est l’écriture qu’elle aime vraiment, et s’y consacre à partir de 1993. À Beyrouth, dans le cadre du camp d’écriture «Écrits nomades», cette Québécoise née à Montréal parle du théâtre, de ses personnages...