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Actualités - ANALYSE

Dossier régional - Inquiétudes europeeennes au sujet d'un retrait unilatéral Après juillet, une riposte israélienne serait dévastatrice

Les résultats quelque peu décevants de la rencontre Clinton-Assad, dimanche dernier à Genève, ont fait pencher la balance, pour l’heure, en faveur d’un «retrait unilatéral» de l’armée israélienne du Liban-Sud. Et du même coup, les spéculations ont repris de plus belle sur les retombées possibles d’un tel retrait qui se ferait en dehors d’un accord préalable avec le Liban et la Syrie. Les sources diplomatiques européennes ne cachent pas leur inquiétude sur ce plan, mettant en garde contre une riposte «dévastatrice» en cas d’attaques contre le territoire israélien après le retrait prévu en juillet prochain. Cette inquiétude est toutefois nuancée par les indications fournies par ces mêmes sources européennes qui prévoient un déblocage au niveau du processus de paix d’ici à la fin de l’année, dans tous les cas de figure, même en cas d’escalade militaire faisant suite à un retrait sans accord préalable. L’intérêt évident manifesté par les milieux européens pour un dénouement du processus de paix avant la fin de l’année s’explique par le fait que le projet de partenariat euro-méditerranéen est pratiquement gelé dans la partie orientale de la Méditerranée alors que l’Union européenne a accompli des avancées spectaculaires avec les pays du Maghreb arabe. Ces projets européens dans la région restent, à l’évidence, tributaires d’une évolution dans les relations entre Israël et les pays arabes. C’est dans un tel contexte que les responsables de la Commission européenne ne cachent pas leur inquiétude vis-à-vis du retrait israélien du Sud, si ce retrait ne s’inscrit pas dans le cadre d’un accord de paix global entre Israël, le Liban et la Syrie. En appliquant, 22 ans après, les résolutions 425 et 426, Israël (ainsi «blanchi» aux yeux de la communauté internationale) attendrait le moindre incident frontalier pour relancer le cycle de la violence en arguant de son droit de légitime défense. Les sources diplomatiques européennes craignent une riposte israélienne «dévastatrice» à toute attaque menée depuis le territoire libanais. Les sources en question se montrent d’autant plus inquiètes qu’elles jugent que Beyrouth ne maîtrise pas la situation au Liban-Sud. Le gouvernement libanais a même affirmé à plusieurs reprises qu’il n’accorderait aucune garantie en cas de retrait unilatéral. Certains observateurs à Beyrouth craignent que le retrait unilatéral ne cache un «bluff» israélien. L’État hébreu s’étant résigné à céder à son opinion publique, laquelle souhaitait un désengagement du Vietnam libanais, il serait d’autant plus facile pour lui d’exploiter une éventuelle agression post-retrait pour déclencher une nouvelle escalade au Sud. De source européenne, on estime que les États-Unis ne manqueraient pas d’accorder un soutien total à une telle riposte. Les indications alarmistes fournies par les sources européennes recoupent les estimations d’un diplomate occidental en poste à Beyrouth qui croit savoir que «tout est en place pour une crise majeure, avec une nouvelle escalade des affrontements au Sud». Selon le même diplomate, «on peut craindre une intensification des opérations anti-israéliennes, qu’elles soient le fait du Hezbollah ou de tout autre groupe, palestinien par exemple, d’autant que la Syrie n’aura guère de raisons de les en empêcher». «En se retirant, Israël rompt le couplage Liban-Syrie, privant Damas d’une carte à utiliser pour récupérer l’intégralité du plateau du Golan dans ses limites de 1967, ajoute le diplomate en poste à Beyrouth. Certains, côté syrien, pourraient être tentés de ne pas garantir la sécurité côté libanais, avant, pendant et après un retrait unilatéral. On peut craindre de terribles représailles israéliennes, y compris cette fois contre des intérêts syriens», conclut-il, soulignant que même l’armée syrienne au Liban ne sortirait pas forcément indemne d’une aggravation de la confrontation, comme Israël l’a fait savoir. Un autre diplomate se refuse cependant à croire à un «tel scénario catastrophe, au moins dans l’immédiat». Le problème des réfugiés Pour en revenir aux sources diplomatiques européennes, on ne se montre pas particulièrement optimiste concernant le sort des réfugiés palestiniens après la paix globale. De fait, dans ces milieux, on a la quasi-certitude qu’une bonne partie des quelque 300 000 réfugiés présents au Liban, peut-être 100 000, ne pourront jamais retourner chez eux, pour différentes raisons. Outre le refus israélien, un tel rapatriement dans les territoires administrés par l’Autorité palestinienne créerait une crise démographique sans égal, vu l’exiguïté de ces territoires et le manque d’infrastructures nécessaires. Déjà la région de Gaza affiche une des densités démographiques les plus importantes de la planète. Un règlement local pourrait être prévu pour les réfugiés disséminés dans les pays arabes mais le cadre de ce règlement est toujours flou : une des options à l’étude prévoit que ces réfugiés bénéficieraient d’un passeport palestinien doublé d’un permis de travail dans le pays d’accueil. Mais cette alternative ne représente qu’une spéculation parmi d’autres et la réponse à cette question risque de se faire attendre, le problème étant relégué au deuxième plan. Quant à une éventuelle participation de l’UE à la force de maintien de la paix au Liban-Sud, un responsable européen affirme que Bruxelles donnerait sûrement son agrément mais seulement après un accord de paix global. En effet, si les Quinze accordent une importance particulière au Proche-Orient, ils refusent de s’impliquer directement dans le processus de paix et préfèrent préparer sérieusement l’avenir. En clair, Bruxelles adopte pour le moment un profil bas là où Washington se taille la part du lion. Les différends avec les Américains sur ce plan résident dans la répartition des tâches. À la question «qui fait quoi ?» l’UE a déjà trouvé la réponse : un responsable européen affirme que les Quinze ne veulent pas d’un deuxième Dennis Ross, le rôle de Miguel Angel Moratinos n’étant, au stade actuel, que «symbolique». Et pour cause : l’UE n’a pas les structures nécessaires pour une intervention directe dans le processus de paix. L’intérêt européen est par contre porté sur l’après-accord de paix. Les Quinze comptent jouer à ce propos un rôle important sur le plan de l’aide et du commerce avec des pays méditerranéens considérés comme partenaires commerciaux et politiques stratégiques. Les responsables affirment que la Commission prépare des projets pour «l’après-paix» et que tout s’inscrira dans le cadre de la convention de Barcelone. Sur ce point, une réunion de l’UE est prévue en novembre prochain à Marseille et la Commission se prépare déjà à une plus grande implication sur le plan régional. Si, à Barcelone, l’UE ne voulait pas s’immiscer dans le processus de paix, à Malte, par contre, les Quinze ont procédé, en 1997, à un virage en douceur, à la demande des Syriens qui voulaient contrebalancer le poids des Américains. Plus récemment, lors de la réunion de Stuttgart en avril 1999, les Quinze s’étaient mis d’accord sur l’élaboration d’une charte euro-méditerranéenne. Actuellement, ils attendent la réunion de Marseille pour établir cette charte, qui comportera : une coopération sécuritaire et de renseignements politiques entre les pays de l’UE et ses partenaires méditerranéens (cela sous-entend un échange d’informations au niveau des services de renseignements et de sécurité) ; une résolution commune des conflits ; une coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme ; un système de préalerte pour éviter les conflits armés ; des accords de désarmements et des concertations accrues au niveau sécuritaire et politique.
Les résultats quelque peu décevants de la rencontre Clinton-Assad, dimanche dernier à Genève, ont fait pencher la balance, pour l’heure, en faveur d’un «retrait unilatéral» de l’armée israélienne du Liban-Sud. Et du même coup, les spéculations ont repris de plus belle sur les retombées possibles d’un tel retrait qui se ferait en dehors d’un accord préalable avec...