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Actualités - REPORTAGES

Affaire Dirani - L'Etat promet de déployer les efforts nécessaires à la libération du chef de la Résistance croyante La colère et la révolte grondent à Ksarnaba

Ksarnaba gronde. Révolte et colère se lisent sur les visages des habitants de ce paisible village de la Békaa, entré dans l’histoire lorsqu’à l’aube du 21 mai 1994, un commando israélien y a enlevé le chef de la Résistance croyante, Moustafa Dirani. Même si, au départ, les habitants n’aimaient pas particulièrement cet homme devenu plus ou moins handicapé après un long parcours de militant (blessé à la jambe, il boîtait), ce dernier faisait figure de héros depuis son spectaculaire enlèvement. Apprendre soudain qu’il a été violé par ses geôliers israéliens, alors qu’il est devenu le symbole du combat contre l’ennemi avec tout ce que cela sous-entend de virilité, est insupportable pour ses anciens voisins, amis et compagnons. Ils se sont tous précipités pour participer jeudi au sit-in de protestation et de solidarité, organisé au village. Mais s’ils sont des centaines, voire des milliers à défiler sur la place du village, aucun n’évoque clairement les sévices subis par Dirani. Ici, c’est encore un sujet tabou, comme si éviter d’en parler rendait la chose un peu moins réelle. Mais les images les plus folles n’en circulent pas moins dans les esprits augmentant encore la colère des habitants. Tout le monde veut épargner le jeune Ali, le fils aîné de hajj Moustafa, censé reprendre le flambeau de son père. Lorsqu’il prend la parole pour demander que le sort du hajj soit rapidement réglé, les grognements d’appui fusent de toutes parts. Allah est avec le hajj Les hommes du village ne cachent pas leur révolte face au traitement infligé au hajj, un traitement qui, selon eux, vise à détruire sa personnalité et son image. Leur colère est si forte que le vieux compagnon de Moustafa Dirani, Hussein Moussawi – qui avait été le premier à faire dissidence en créant le mouvement Amal islamique – leur demande de se calmer en rappelant que «Allah est avec le hajj. Il ne l’abandonne pas dans cette épreuve au contraire, Il le rend plus fort. Ce qui compte c’est la résistance mentale et la foi. Or, Moustafa Dirani n’en manque pas». Dans le village en ébullition, les hommes occupent tout l’espace, les femmes étant reléguées à l’intérieur des maisons. L’épouse du hajj, qui avait fait des déclarations à la presse lors de l’enlèvement de son mari se fait très discrète, pour bien montrer qu’il s’agit d’une «affaire d’hommes». Mais elle n’en est pas moins très affectée, ainsi que le reste de la famille. En apprenant, il y a six ans, qu’un cousin de son mari, Mohammed Dirani, avait «guidé» les 25 membres du commando israélien au domicile du hajj, la famille n’avait pas été aussi traumatisée. Le jeune homme qui avait essayé de s’enfuir avait été capturé par les services du Hezbollah et on n’avait plus jamais entendu parler de lui, alors qu’un communiqué signé de sa proche famille réclamait pour lui le châtiment prévu dans la charia… Atteint dans sa dignité L’affaire en était restée là et au fil des mois, la famille Dirani a pu, via la Croix-Rouge internationale, entrer en contact avec le hajj. À chaque information sur une éventuelle libération de prisonniers libanais détenus en Israël ou à Khiam, la famille se mettait à espérer, mais Moustafa Dirani ne faisait pas partie du lot. C’est que pour les Israéliens, c’est un «gros morceau» au même titre que cheikh Abdel Karim Obeid et ils espéraient pouvoir l’échanger contre l’aviateur Ron Arad, mort ou vivant. La famille Dirani s’était fait une raison, trouvant une certaine consolation dans le fait que «le hajj» étant trop important, il ne serait pas relâché dans un échange banal. Mais l’annonce faite par l’avocat israélien de sévices sexuels subis par Moustafa Dirani a fait l’effet d’une bombe. Toutes les blessures se sont remises à saigner et le hajj n’est plus un homme dont on attend la libération, mais un être qui souffre, qui est humilié et qui est atteint dans sa dignité. Le fait que le président de la République, le général Émile Lahoud, ait reçu mercredi la famille de Dirani et lui ait promis de tout mettre en œuvre pour obtenir la libération du prisonnier est certes un baume pour ces gens meurtris. Le président leur a ainsi annoncé que le Liban déploie tous les efforts nécessaires pour obtenir la libération de Dirani, par le biais d’une vaste campagne internationale. Mais certains d’entre eux jugent ce message insuffisant. «Certes, dit l’un d’eux, on ne peut comparer le pouvoir actuel et celui qui l’a précédé. Ce dernier n’avait pas réagi à l’enlèvement de l’un de ses citoyens par un commando israélien en plein cœur de la Békaa. Seul le ministre des Affaires étrangères de l’époque, M. Farès Boueiz, avait condamné l’acte, alors que le pouvoir s’était contenté de réclamer la livraison de Mohammed Dirani lorsque la population a voulu le châtier conformément à la charia. Mais le pouvoir actuel est entièrement solidaire de la Résistance et a adopté la cause des détenus libanais en Israël et à Khiam. Cependant, aujourd’hui, il faut être encore plus actif. Rien que d’imaginer ce que subit hajj Moustafa me met hors de moi. Chaque jour qui passe sans mettre un terme à son calvaire est une honte pour nous tous». Rappelons que le président du Conseil, le Dr Sélim Hoss, a envoyé des lettres au secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, au haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Mme Mary Robinson, à la présidente de la commission des droits de l’homme de l’Onu, Mme Ann Anderson, et au président du CICR, M. Jacob Kelleberger, pour demander «l’arrêt de ces agissements terroristes, nazis, sauvages et inhumains». La réponse se faisant attendre, plusieurs associations de droits de l’homme ont pris le relais.
Ksarnaba gronde. Révolte et colère se lisent sur les visages des habitants de ce paisible village de la Békaa, entré dans l’histoire lorsqu’à l’aube du 21 mai 1994, un commando israélien y a enlevé le chef de la Résistance croyante, Moustafa Dirani. Même si, au départ, les habitants n’aimaient pas particulièrement cet homme devenu plus ou moins handicapé après un...