Rechercher
Rechercher

Actualités - INTERVIEWS

Entretien - Représentante des français de l'étranger au Sénat, Mme Ben Guigua a effectué une visite de 5 jours à Beyrouth En France, la gauche et la droite tiennent le même langage au sujet du Liban (photo)

Mme Monique Ben Guigua n’est pas une sénatrice comme les autres. D’abord, elle revendique avec fierté la féminisation du terme et de la fonction «pour bien montrer que mon expérience de vie au Sénat ne sera pas celle d’un homme» mais, de plus, elle est l’une des douze personnes qui au sein du Sénat français représente les Français de l’étranger. Elle est arrivée à Beyrouth jeudi dernier pour s’enquérir de la situation de son électorat au Liban et elle s’est retrouvée en pleine atmosphère de guerre. Tout naturellement, sa visite est ainsi devenue un témoignage de solidarité avec les Français du Liban, mais aussi avec les Libanais eux-mêmes. Veuve d’un Tunisien fier de sa nationalité, au point de n’avoir jamais sollicité le passeport français, Mme Ben Guigua connaît le Proche-Orient et les Arabes, avec lesquels elle partage beaucoup d’affinités. C’est d’ailleurs pourquoi elle a choisi cette région du monde pour visiter les Français de l’étranger. «Je dis de l’étranger, précise-t-elle, pour faire la différence avec ceux qui sont installés provisoirement à l’étranger». Les Français de l’étranger sont à peu près un million sept cent mille, dont plus de la moitié sont des binationaux. Ils élisent 150 délégués au conseil supérieur des Français de l’étranger, qui, à leur tour, élisent douze sénateurs. Élection des délégués en juin Au Liban, il y a trois délégués dont le mandat de six ans doit être renouvelé le 18 juin prochain. La visite de Mme Ben Guigua ne serait d’ailleurs pas totalement étrangère à cette échéance, puisque sénatrice de gauche, elle verrait avec plaisir l’élection au Liban d’un (ou plus) délégué partageant ses idées politiques. «Car, dit-elle, il ne faut pas se leurrer, cette élection, contrairement à ce qu’on dit, est essentiellement politique puisqu’en définitive, elle aboutit aux élections sénatoriales qui obéissent au schéma traditionnel, la rivalité entre la droite et la gauche». Malgré tout, l’enjeu politique n’est pas l’objectif principal de sa visite au Liban. Elle est surtout venue pour être à l’écoute des besoins de son électorat. «Les Français de France ont une vision assez erronée de leurs compatriotes de l’étranger, déclare-t-elle. Ils croient ainsi qu’ils bénéficient tous de conditions matérielles très aisées, alors que ce n’est pas vraiment le cas. Appartenant pour la plupart à des professions libérales, ils subissent les circonstances des pays d’accueil. Lorsque, comme c’est le cas au Liban, le pays traverse une crise économique, leur situation financière s’en ressent. Dans un rapport que j’ai remis l’an dernier au gouvernement, j’avais prouvé que près de 50 000 Français de l’étranger, installés en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique latine vivaient dans des conditions tangentes, ne pouvant se faire soigner ou rentrer en France à leurs frais». Des Français avec quelque chose en plus Au cours de son séjour libanais, Mme Ben Guigua a tenu à rencontrer ses compatriotes chez eux, «afin de pouvoir juger réellement leurs conditions de vie». Elle s’est donc rendue à Tripoli, à Baalbeck et au Sud, où elle a insisté pour se recueillir sur les tombes collectives de Cana. «Pour moi, c’était important d’y aller et de témoigner une fois de plus la solidarité de la France avec les victimes tombées au cours de cet horrible massacre». Mme Ben Guigua compare cette tragédie à celle d’Oradour lorsqu’un village entier a été détruit pour pousser la population à l’exode. Selon elle, c’est sciemment que le hangar de la Finul a été bombardé et d’ailleurs, il a été gardé tel quel, pour que les visiteurs puissent se rappeler l’horreur de l’événement. Sénatrice de gauche, Mme Ben Guigua ne pense pas que son groupe politique soit plus favorable aux Israéliens que la droite. «Je crois que cette impression chez les Arabes est due essentiellement au passé. Mais aujourd’hui, le président Chirac et le Premier ministre Jospin tiennent le même langage au sujet de la situation au Moyen-Orient. La France tout entière soutient la conclusion d’une paix qui tienne compte des droits fondamentaux des peuples de la région, notamment celui des Libanais à la libération de leur territoire et celui des Palestiniens à se doter d’un État». À cause de ces prises de position, la sénatrice a été agressée en Israël (où résident 30 000 Français) car on lui reprochait le fait que la France ne soutenait pas suffisamment l’État hébreu. Mais cela n’ébranle pas ses convictions, ni, selon elle, celles des dirigeants français, «qui sont convaincus qu’il n’y aura pas de paix dans la région sans justice. Or, aujourd’hui, la situation est profondément injuste». Mme Ben Guigua reconnaît certes qu’en général les Français du Liban ont le cœur à droite, mais c’est en train de changer. «En 1981, lors de l’élection de François Mitterrand, la gauche avait obtenu 31 % des voix des Français de l’étranger. En 1995, Jospin en a obtenu 42 %, le glissement est significatif». Selon la sénatrice, la communauté des Français de l’étranger au Liban est en train de se diversifier. Alors qu’il y a quelques années, elle était essentiellement formée de chrétiens maronites, elle groupe de plus en plus des Franco-Libanais musulmans qui avaient émigré en Afrique et qui ont décidé de retourner au Liban. En tant que représentante des Français de l’étranger, Mme Ben Guigua s’intéresse à leur situation et cherche surtout à les aider dans leurs relations avec les consulats de France. «Ils ont parfois des difficultés à prouver leur nationalité française et j’essaie de les aider dans l’obtention des papiers nécessaires. Mais leur principal problème est le regard que portent sur eux les Français de France. Ceux-ci ont tendance à les considérer à moitié Français alors que pour moi, ils sont Français à part entière, avec quelque chose de plus, ce quelque chose étant une richesse pour la France». Le rôle de Mme la sénatrice est donc d’essayer de défendre leurs intérêts, avec leur double nationalité et leur double culture, mais surtout de combler le fossé qui existe entre eux et les Français de France, en corrigeant l’image fausse que les seconds se font des premiers, puisqu’en définitive, tous se reconnaissent dans les idéaux républicains.
Mme Monique Ben Guigua n’est pas une sénatrice comme les autres. D’abord, elle revendique avec fierté la féminisation du terme et de la fonction «pour bien montrer que mon expérience de vie au Sénat ne sera pas celle d’un homme» mais, de plus, elle est l’une des douze personnes qui au sein du Sénat français représente les Français de l’étranger. Elle est arrivée...