Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Correspondance Les photos d'Antoin Sevruguin à la Sackler Gallery : l'Iran au tournant du siècle(photos)

Au XIXe siècle, les voyageurs qui partaient à la découverte de l’Orient ramenaient dans leurs bagages, en plus des «souvenirs», des photographies des lieux visités prises par des professionnels de la caméra, tous européens et tous de renom. Ainsi, Beyrouth avait été fixée sur pellicule par Félix Bonfils, Louxor par Antoine Beato, Istanbul par J. Pascal Sébah et Téhéran par Antoin Sevruguin. Ce dernier a actuellement la vedette à la Arthur Sackler Gallery qui lui consacre une exposition de grande envergure donnant à voir cinquante de ses œuvres reflétant l’Iran côté cour et côté peuple, de 1870 à 1930. Elle s’intitule « Antoin Sevrugin et l’image de la Perse ». Antoin Sevruguin est réputé pour être autant «orienteur» (un homme, selon Edward Saïd, plus préoccupé par une véritable connaissance que par une froide classification) qu’«orientaliste», car l’Iran que capte son objectif n’est pas uniquement celui de l’exotisme destiné aux touristes, mais aussi celui de sa réalité profonde. Considéré comme l’un des plus grands photographes du siècle dernier, Sevruguin est né en 1830 à Téhéran de parents russes. Son père, Vassil de Sevruguin était un diplomate rattaché à l’ambassade de Russie en Iran. À sa mort, son épouse était retournée à Tbilissi, sa ville natale, avec ses sept enfants. Là, Antoin découvre avec passion un «nouvel art» la photographie, pendant qu’il s’initiait à la peinture. Il convainc alors deux de ses frères, Kolia et Emmanuel, de retourner en Iran pour travailler avec lui dans le domaine de la photographie. Il ouvre à Téhéran un studio qui connaîtra une grande renommée. La photo comme expression de la modernité À cette époque, l’art de la photographie n’était pas inconnu car le chah régnant, Nasir el-Din pratiquait lui aussi, comme un pro la caméra, encourageant même ses serviteurs à en faire de même et l’université avait un département spécialisé dans cette discipline. Dans cet environnement propice, Antoin Sevruguin a donc pu donner libre cours à son talent qu’il a eu maintes fois l’occasion de perfectionner en se rendant souvent à Vienne et dans d’autres capitales européennes pour se familiariser avec les nouvelles techniques mises à jour. Dans ce contexte, il a répertorié en images chaque aspect de la vie iranienne. Il a immortalisé le shah en train de teindre sa moustache, aussi bien que les derviches tourneurs, les lutteurs, une jeune fiancée que l’on prépare pour la cérémonie nuptiale, des femmes tissant des tapis. Frederick Bohrer, l’un des signataires du catalogue de l’exposition, précise que «pour Sevruguin, comme pour le chah, la photographie était une expression de la modernité». Certes, le célèbre photographe russe fournissait aux touristes les images qu’ils désiraient (des scènes ethniques, des portraits d’Européens posant en costumes locaux ou de mendiants), mais parallèlement, il avait inventorié le passé (tous les sites archéologiques et les monuments) et le présent (l’Iran moderne avec les bureaux de télégraphie sans fil, les chemins de fer et le premier avion qui avait atterri en Iran). À sa mort, (survenue à la suite d’une infection des reins, alors qu’il était octogénaire), Sevruguin avait laissé un millier de photos. Aujourd’hui, 900 spécimens font partie des archives de la Sackler Gallery. Une partie de la collection (696 négatifs sur verre et 74 photographies) avait d’abord été acquise, en 1934, par un spécialiste américain de l’architecture islamique, Myron Bement Smith. Son épouse l’a léguée en 1973 à la Smithsonian Institution qui l’a transférée à l’une de ses branches, les archives de la Sackler Gallery. On a affaire là à l’un des plus grands photographes du XIXe siècle. Ses images évocatrices ont intercepté un monde dans lequel l’extraordinaire et le commun, le tragique et le comique, le public et le privé se recoupent et s’interpénétrent. Lui-même a vécu à cheval entre l’Orient (où il a résidé tout au long de sa vie) et l’Occident (dont il avait adopté les techniques de pointe). Son idéal : capter la lumière sur ses clichés, comme Rembrandt (auquel il vouait une grande admiration) le faisait dans ses toiles.
Au XIXe siècle, les voyageurs qui partaient à la découverte de l’Orient ramenaient dans leurs bagages, en plus des «souvenirs», des photographies des lieux visités prises par des professionnels de la caméra, tous européens et tous de renom. Ainsi, Beyrouth avait été fixée sur pellicule par Félix Bonfils, Louxor par Antoine Beato, Istanbul par J. Pascal Sébah et Téhéran par Antoin...