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Actualités - CHRONOLOGIE

HOMMAGE - Commémoration du 50e anniversaire de la mort d’Emmanuel Mounier à Paris Pour un homme responsable de lui-même et des autres

Emmanuel Mounier est mort à 45 ans, laissant derrière lui un immense héritage : le personnalisme et une revue d’envergure internationale, Esprit. Cinquante ans plus tard, la crème des philosophes, des politiques, des intellectuels et des universitaires lui rend hommage : c’était les 5 et 6 octobre dernier à Paris, à l’Unesco. Devant une salle comble de 500 personnes, les intervenants (Jacques Delors, Martine Aubry, Paul Ricœur et Olivier Mongin pour ne citer qu’eux) ont dû être triés sur le volet : il y avait trop de participants. En effet, tous les pays du monde étaient représentés. Pourquoi un tel succès ? Pharès Zoghbi, mouniériste fervent et détenteur, avec la Bibliothèque nationale de France, de la collection complète de la revue Esprit, était présent à ce colloque en tant que membre du comité de l’Association des amis d’Emmanuel Mounier. Il rappelle à ce sujet que «la philosophie de Mounier est centrée sur l’incarnation et deux autres mots en complètent le résumé : pauvreté et don». Car le philosophe est catholique, contrairement à celui qui présente Normale Sup’ la même année que lui : Jean-Paul Sartre. Ses théories intéressent l’homme bien sûr, mais en tant qu’homme parmi d’autres hommes. L’une des tables rondes avait d’ailleurs pour titre : «Personne, éthique, anthropologie». «L’attitude personnaliste consiste à considérer, au-delà des apparences, chaque citoyen comme un être responsable et capable de dépasser par là même les velléités irresponsables», écrit Mounier dans son ouvrage L’espoir des désespérés. Ce qui éloigne profondément l’homme de l’individualisme : «Le premier souci de cette attitude de vie, explique Pharès Zoghbi, c’est de centrer l’individu sur soi, de manière très empirique et très égocentrique». Et ce dernier de se demander : «N’est-ce pas le Libanais qui se profile dans cette description individualiste ?» Il se souvient de René Habachi, surnommé «Le Mounier libanais» qui, dans les années 60, avait donné des conférences au Cénacle libanais : «Des hommes comme Georges Naccache ou Michel Asmar suivaient intensément ces conférences, et avaient rencontré Jean-Marie Domenach, le directeur d’Esprit de l’époque, qui avait été appelé en Syrie par le président Amine el-Hafez, intéressé par le personnalisme et essayant de s’en inspirer». Sans oublier, avant eux, les Syriens Michel Aflaq et Salah Bitar, fondateurs d’al-Baas, le Parti de la renaissance arabe : dans les années 30, ils avaient été influencés, durant leurs études effectuées à Paris, par les théories nazies, qui préconisaient l’idée d’un chef, et par les réflexions récentes de Bergson, Gide et Mounier sur la notion de personne. Des tentatives primordiales mais non abouties. Tandis qu’en Pologne, rappelle Pharès Zoghbi, «la révolution ne s’est réalisée que grâce aux semences plantées par Mounier lui-même lors de ses conférences dans le pays, et cristallisées ensuite par la personnalité de Jean-Paul II». Et pour le Liban ? La réponse de l’avocat (homme de lettres à la bibliothèque impressionnante, à la disposition du public dans sa maison de Kornet Chehwane) est claire : «Le Libanais a besoin de sortir de trois états : l’état confessionnel tout d’abord ; nous possédons trois identités sociologiques : l’identité culturelle, qui lie chaque personne à ses habitudes de pensées. Autrement dit, 18 confessions fabriquent autant de nations que de communautés. Il faudrait passer d’une identité culturelle à une identité nationale, pour obtenir une seule nation, qui est le Liban. Enfin, une culture générale de ce qu’est la nation mènerait à la troisième et ultime identité : l’identité humaine». Il poursuit son raisonnement de la manière suivante : «Le deuxième état auquel devrait échapper le Libanais est le statut individualiste : en fait, il faudrait pouvoir sortir de soi et aller vers l’autre, c’est-à-dire se faire personne, c’est-à-dire être capable de créer des liens avec autrui. Enfin, le troisième statut, celui du paraître, qui nous empêche de découvrir l’être, et nous rend incapables de créer des mouvements de solidarité. Enfin, en échappant à ces trois statuts, nous pourrions être aptes à apprendre à vivre en démocratie». Pharès Zoghbi, qui s’est toujours engagé contre le sectarisme et qui lutte pour une meilleure appréhension de la culture, propose deux idées pour redécouvrir les principes du personnalisme de Mounier, qui lui a consacré sa vie : «À mon sens, il faudrait créer une association, à but non lucratif, pour promouvoir la personne au Liban. Ensuite, il serait bon de penser à la création d’un institut de culture politique, pour apprendre ce qu’est la démocratie». La philosophie d’Emmanuel Mounier continue d’irradier ses préceptes humains à travers le monde, comme l’a prouvé de manière étonnamment vivace ce colloque parisien, dont les principales interventions seront prochainement publiées dans Esprit. À suivre. D.G.
Emmanuel Mounier est mort à 45 ans, laissant derrière lui un immense héritage : le personnalisme et une revue d’envergure internationale, Esprit. Cinquante ans plus tard, la crème des philosophes, des politiques, des intellectuels et des universitaires lui rend hommage : c’était les 5 et 6 octobre dernier à Paris, à l’Unesco. Devant une salle comble de 500 personnes, les...