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Actualités - REPORTAGES

VILLES DU LIBAN - La laissée-pour-compte du Liban-Nord Batroun, au passé prestigieux, agonise

À 50 kilomètres au nord de Beyrouth, une ville, chef-lieu de caza, tente de survivre. Batroun, qui compte un peu plus de 20 mille habitants, essaie d’exister malgré l’émigration et le chômage de ses fils, la mer presque stérile depuis des années et les vestiges d’un passé glorieux. Ville côtière, elle a connu plusieurs civilisations et plusieurs périodes de gloire. La dernière s’est achevée durant la Première Guerre mondiale, avec la fin de la Moutassarifia. À cette époque, Batroun était la capitale de tout un mohafazat. La zone administrative a regroupé à un certain moment plusieurs régions libanaises, notamment Bécharré et Hermel. Les vingt-cinq caravansérails du vieux souk construit durant le siècle dernier témoignent du passé prestigieux de la ville. Non loin du port, ce vieux souk constituait le cœur battant de Batroun. Ici, l’on vendait et l’on échangeait des marchandises : soie, blé, orge, huile et autres biens de consommation. Actuellement, les beaux bâtiments du vieux souk s’écroulent et les magasins qui s’y trouvent ferment leurs portes. La ville s’asphyxie. Ses habitants désemparés, dont les ancêtres figurent parmi les premiers émigrants libanais, tentent de refaire leur vie ailleurs. Et ce n’est plus à Beyrouth ou à Tripoli qu’ils élisent domicile mais bien plus loin. Ils traversent les océans pour s’établir aux États-Unis, en Amérique latine et en Australie. Ceux qui restent dénoncent le fait que leur ville au passé prestigieux soit devenue une ville oubliée, marginalisée. Laissée-pour-compte. Élu en 1996, le conseil municipal tente d’effectuer quelques travaux d’infrastructure. Mais que peut-on faire quand la ville périphérique ne profite pas du développement ? Antoine Bassil, membre du conseil municipal, a mis en place une association avec d’autres personnes originaires de la ville. Le rassemblement libre des jeunes de Batroun, qui tente de faire la différence, a notamment pour but d’instaurer les bases d’un véritable dialogue, défendre les droits de l’homme, encourager les initiatives personnelles qui profitent à la société, et promouvoir le patrimoine de Batroun. Bassil a également adressé à plusieurs reprises des messages écrits au président de la République. Car sur le plan de l’infrastructure, la ville manque de tout. Pour essayer de faire la différence. Les travaux de l’ancien port, dans cette ville qui compte une quarantaine de pêcheurs professionnels, une quarantaine de familles qui vivent donc des revenus des produits de la mer, ont été mal effectués. Beaucoup parlent de détournement de fonds mais personne n’a de preuves. Une ville frontière La ville portuaire ne bénéficie pas de réseaux d’égouts. Les eaux usées se déversent directement dans les nappes phréatiques ou dans la mer. Et pourtant, la côte de la ville et de ses alentours demeure l’une des plus belles du Liban. La mise en place d’un réseau d’égouts et d’une station d’épuration est plus que jamais nécessaire. Dans ce cadre, un projet avait vu le jour en 1992, sans pour autant être achevé, voire entamé huit ans plus tard. Batroun souffre également de la pollution de son eau potable, souillée entre autres par les égouts et les résidus des pressoirs d’olives des villages qui la surplombent. La ville provinciale, chef-lieu de caza, est mal reliée aux villages de la zone : depuis plus de 25 ans les routes n’ont pas été réhabilitées. De plus, avec la construction de l’autoroute du Nord, rares sont les automobilistes qui font le détour pour se promener dans la localité. «Batroun est devenue une presqu’île», indique dans ce cadre George Daou notable de la ville et ancien candidat aux législatives. En effet, la localité – à cause de l’infrastructure routière – est coupée de tous ses voisins. Délaissée, Batroun, riche en vestiges archéologiques, est méconnue. «Une seule fois de véritables fouilles archéologiques ont été effectuées», note Joseph Merchak, professeur et mordu d’histoire. La ville a donc peu de traces de son passé prestigieux. De plus, cette localité construite au XIXe siècle par «une société bourgeoise raffinée» perd sa beauté avec le temps qui passe. Les anciens bâtiments s’écroulent tandis que des immeubles tout neufs poussent ici et là sans aucun plan d’urbanisme. Les difficultés actuelles de la ville, c’est le père Mounir Khairallah, vicaire général du diocèse de Batroun, qui les résume. «Avec les événements du Liban, Batroun est devenue une ville frontière», déclare-t-il. «Certains villages du caza se sont retrouvés hors et d’autres à l’intérieur de la zone contrôlée par les syriens. Le cas de Batroun, la ville provinciale la plus proche du barrage-frontière, est différent des autres localités du mohafazat», explique-t-il. Et le prélat d’ajouter : «Jusqu’à présent le barrage de Madfoun, tenu par les services de renseignements syriens, forme une frontière dans la tête de plus d’un». Depuis 1978, Batroun est donc ville frontière. Et elle en paie le prix. «Il y a presque deux ans, les soldats syriens ont décidé de déplacer leur barrage. Durant six mois, ils ont quitté leur poste sur l’autoroute du Nord et Batroun a connu la prospérité», souligne-t-il. Dès lors, beaucoup ont décidé de franchir la barrière fictive et de se promener régulièrement dans la ville. Actuellement, Batroun survit avec une unique rue marchande, une mer dont la manne a tari depuis longtemps et des jeunes qui rêvent de partir. La ville frontière, Batroun chef-lieu de caza, pourra-t-elle sortir de l’impasse ? Question à laquelle il n’est pas facile de répondre car, depuis la nuit des temps, cette ville, qui comme Beyrouth a survécu à plusieurs tremblements de terre, a connu des périodes de prospérité et de décadence…
À 50 kilomètres au nord de Beyrouth, une ville, chef-lieu de caza, tente de survivre. Batroun, qui compte un peu plus de 20 mille habitants, essaie d’exister malgré l’émigration et le chômage de ses fils, la mer presque stérile depuis des années et les vestiges d’un passé glorieux. Ville côtière, elle a connu plusieurs civilisations et plusieurs périodes de gloire. La...