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Actualités - ANALYSE

Le chef du PSP secoue le cocotier et trouble le jeu

À son corps tout à fait défendant, à un moment où la fatalité lui inflige un deuil familial auquel tout le monde compatit, M. Walid Joumblatt occupe derechef le devant de la scène. Pratiquement seul à ruer dans les brancards, il brouille les cartes ou plutôt le château de cartes savamment mis en place entre Anjar, Baabda, Koraytem et Aïn el-Tineh. Ces quatre pôles géopolitiques se sont d’ailleurs lancés dans un carrousel fébrile de concertations pour tenter d’arranger les choses avec le leader du PSP. Ce dernier a, comme on sait, jeté son pavé dans la mare lundi, au sortir des consultations du chef de l’État avec son bloc (important) de députés, baptisé «Rencontre démocratique». Au titre de ce titre même, M. Joumblatt a exigé que son groupe ne soit pas uniquement représenté par des druzes au sein du gouvernement, exigeant d’avoir au moins un ministre chrétien. Revendication justifiable, sinon légitime, quand on sait que d’autres chefs de file mahométans, comme les présidents Nabih Berry et Rafic Hariri, vont compter parmi leurs délégués au gouvernement un certain nombre de ministres chrétiens. Cependant, le fait que M. Joumblatt ait affiché sa position au sortir du palais présidentiel a donné l’impression que c’est principalement avec le chef de l’État qu’il en avait à découdre. Aussi les contacts de conciliation ont surtout visé hier à rapprocher Baabda et Moukhtara, pour tourner la page et dissiper une tension récurrente, car M. Joumblatt n’a jamais ménagé ses critiques au régime. De son côté, M. Rafic Hariri, apparemment pris de court par les brusques bordées de son allié du Chouf, doit un peu se mordre les doigts. Il y a peu de temps en effet, il avait dû activer une médiation à brides abattues pour rabibocher M. Joumblatt avec M. Nabih Berry. Il avait obtenu gain de cause et le leader druze avait consenti à rencontrer son ancien partenaire (parfois adversaire) du temps de guerre, pour assister ensuite à sa réélection au perchoir de la Chambre. Voici qu’aujourd’hui, un prêté pour un rendu, c’est M. Berry qui semble sur le point de jouer les go between entre MM. Hariri et Joumblatt. On se croirait en somme revenus au temps de la troïka où les menuets de la sorte étaient pratiquement quotidiens. Il faut par ailleurs signaler que dès sa propre réconciliation avec M. Joumblatt, M. Berry avait entamé des contacts discrets pour une visite du leader druze à Baabda. Mais le voyage du chef de l’État au Caire puis les consultations parlementaires ont empêché la rencontre. Entre-temps, M. Joumblatt ne cachait pas à ses proches que les informations qu’il pouvait recueillir sur la cuisine ministérielle l’inquiétaient et qu’il avait le sentiment qu’on voulait, à travers ce montage, lui faire payer le prix de sa victoire électorale dans la montagne. Mettant à profit les consultations parlementaires, M. Joumblatt a tenté d’avoir avec le président Lahoud un échange de vues rapide sur la situation politique d’ensemble. Mais, selon certains témoignages, son entrée en matière a jeté tout de suite un froid. En effet, à en croire ces sources, il aurait lancé tout de go au chef de l’État, en désignant son groupe : «Voici les députés que les S.R. ont tenté de faire chuter». Le président Lahoud lui a aussitôt répliqué en substance, toujours selon ces témoins : «Nous sommes ici pour les consultations et il n’y a pas de place pour des propos politiques. Vous êtes priés de répondre à la question : qui désignez-vous pour la présidence du Conseil ?» M. Joumblatt a quand même enchaîné en réclamant d’ores et déjà un ministre chrétien. Comme il s’efforçait d’expliciter ses positions, le chef de l’État l’a interrompu pour répéter : «Walid bey, qui désignez-vous pour la présidence du Conseil. Comme je l’ai indiqué, la séance est consacrée aux consultations et non à une discussion politique». Un épisode bourré d’une tension rendue aussitôt publique par M. Joumblatt qui a dénoncé à sa sortie des consultations la cuisine mijotée d’avance. Peu après, se rendant compte que le script mis au point était compromis, M. Hariri est entré en contact avec le président Berry pour lui demander de l’aider à juguler toute dégradation politique. La crainte était en effet que l’exemple de M. Joumblatt ne fasse tache d’huile ou boule-de-neige et que chacun se mette à pousser les hauts cris, pour exiger une meilleure part au sein d’un gouvernement fabriqué de bric et de broc. Bien entendu, le principal officier traitant syrien du dossier local sur le terrain, le général Ghazi Kanaan, s’est immédiatement porté à la rescousse des autorités décontenancées. Quittant Anjar, où il y a quelques jours il recevait M. Rafic Hariri, il est venu à Beyrouth, pour des contacts intensifiés avec diverses parties. Une intervention qui, selon des sources concordantes de diverses fractions, a permis de circonscrire le sinistre. Et il semblait entendu que M. Joumblatt accepterait de mettre une sourdine à ses attaques. De fait il a consenti à annuler une conférence de presse «tonitruante» qu’il devait tenir lundi soir. Mais le feu a continué à couver sous la cendre. À preuve que M. Hariri ne se montre pas tendre pour son allié des élections. M. Hariri a dit en effet que M. Joumblatt «aime toujours faire des histoires de ce genre». De son côté, le principal intéressé n’a pas modifié son attitude d’un iota. Il a répété tranquillement hier ses revendications. Une évidence pour conclure : sans la participation du bloc Joumblatt, le prochain gouvernement, déjà largement contesté, se retrouverait politiquement très affaibli. Philippe ABI-AKL
À son corps tout à fait défendant, à un moment où la fatalité lui inflige un deuil familial auquel tout le monde compatit, M. Walid Joumblatt occupe derechef le devant de la scène. Pratiquement seul à ruer dans les brancards, il brouille les cartes ou plutôt le château de cartes savamment mis en place entre Anjar, Baabda, Koraytem et Aïn el-Tineh. Ces quatre pôles...