THÉÂTRE - Sur les planches du Monnot pour un trop court week-end « Sakrificë », ou la force de l’unité

Ervin Bejleri, Federica Bognetti, Rodney el-Haddad, Marcel Ghosn, Samer Kaddoura, Stefano Luci, Marco Mercante, Francesco Rossetti, Aurélia Sfeir et Lulzim Zeqja ont offert au public du Monnot, le week-end écoulé, un spectacle de qualité. Présenté dans le cadre du programme «Les ports de la Méditerranée», dans une mise en scène de Marco Baliani, Sakrificë est avant tout un travail de groupe, solide de par la fusion entre les acteurs ; fort de par leur jeu intense et concentré. Tout est dans le geste, dans le regard et dans la poésie du texte, mais aussi dans le dénuement de la scénographie. Un dénuement intelligemment pensé, de sorte à mettre en relief l’essentiel, tout en le soutenant par des images chocs et une belle musique. Il s’agit, comme on l’aura compris, de sacrifice. Sacrifice d’une jeunesse qui ne sort jamais intacte de l’horrible expérience de la guerre. Sacrifice de son innocence, de ses rêves et de ses espoirs. Sacrifice, aussi, de son avenir, entaché à jamais par des souvenirs laids et douloureux. Avec, en toile de fond, les deux histoires d’Iphigénie et d’Abraham et Isaac qui transparaissent en filigrane. Les mouvements s’accordent dans une spontanéité toute naturelle, les corps s’ouvrent, s’élancent, hésitent, se balancent, se rétractent, se referment, mais jamais ne se dispersent. Le temps s’accélère, puis s’étire, alternativement, et le public «respire» en conséquence. Les jeunes acteurs (4 Libanais, 4 Italiens et 2 Albanais) sont brillants de complicité, soudés et tendus dans une même «direction», unis dans une performance pleine d’harmonie. D’où cette force qui se dégage, qui se transforme en tension et prend peu à peu l’assistance à la gorge. Mais, à aucun moment, la pièce ne sombre dans le désespoir ou ne s’alourdit de gravité, l’humour arrivant toujours à point pour lui préserver sa part de fraîcheur. Reste le thème de la guerre qui, s’il n’est pas nouveau, est plus que jamais d’actualité. Et, dans Sakrificë, il a été traité avec originalité. Et profondeur. Natacha SIKIAS