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Actualités - BIOGRAPHIE

CORRESPONDANCE « L ’invention du restaurant » : d’abord un lieu pour se refaire une santé, puis paradis pour gourmets

 WASHINGTON-Irène MOSALLI On y va pour manger «autrement», pour se retrouver entre amis, parler affaires, car entre la poire et le fromage, beaucoup de choses peuvent se décider. Et on peut choisir entre deux, trois, quatre ou cinq étoiles, selon que l’on peut supporter «la douloureuse», sans trop souffrir... Mais les restaurants ont eu à l’origine une tout autre destinée. C’est ce que raconte un ouvrage intitulé L’invention du restaurant : Paris et la culture gastronomique contemporaine et qui vient d’être publié aux États-Unis. L’auteur, Rebecca Spang, professeur et conférencière spécialisée dans la littérature européenne contemporaine, sert en guise d’entrée le fameux «quart d’heure de Rabelais». En s’attablant à une table d’auberge, pour prendre un repas qu’il ne pouvait pas payer et en cherchant comment se rendre à Paris sans payer son voyage, le célèbre écrivain avait placé, d’une manière ostentatoire, un paquet portant la mention «poison pour le dauphin». L’ayant trouvé après le repas, l’aubergiste s’était dépêché d’ameuter la police qui arrête illico Rabelais et l’amène à Paris. Là, il est accueilli par le roi très amusé de cette ruse qui a fait manger et voyager gratis un client pas comme les autres. De là est venue l’expression le «quart d’heure de Rabelais» qui désigne le moment où l’on reçoit l’addition. Son plat de résistance est fait d’ingrédients socio-historiques, arrosés d’une riche sauce d’us et de coutumes. À la question de savoir comment sont nés les restaurants, elle répond par la thèse suivante : à la suite de la révolution française, les cuisiniers de l’aristocratie s’étant retrouvés sans travail ont ouvert des «boutiques» à l’intention de la nouvelle bourgeoisie. Mais, l’origine du restaurant remontait à la première moitié du XVIIIe siècle, époque «où les personnes à la santé délicate s’y rendaient pour s’y restaurer et prendre des forces. On y servait principalement des potages aux propriétés médicinales, mijotés dans des marmites hermétiquement fermées dans lesquelles les substances de viandes et de légumes étaient transformées en un concentré reconstituant». Les clients pouvaient s’installer à de petites tables ou dans des salles privées. Le service n’était pas limité aux heures de repas. Chacun pouvait venir à l’heure qui lui convenait. Révolution française et révolution culinaire Une révolution du goût accompagnant la Révolution française a amené à une modification de cette formule. On a commencé à organiser des banquets fraternels où l’on discutait, toutes classes confondues, politique et idéologie. Avec l’arrivée de Napoléon au pouvoir, on assiste à une séparation du plaisir et de la politique, de la mode de l’idéologie, du goût personnel et des tendances collectives. La table était ainsi dressée pour accueillir les gourmets et non plus les rachitiques en quête d’aliments fortifiants. Tout en demeurant des places publiques, les restaurants ont alors cessé d’être des arènes politiques pour devenir un lieu de bonne chère où l’on venait déguster champagne, huîtres et autres mets raffinés. Suivant ainsi l’un des préceptes de Brillât- Savarin : «Les connaissances gastronomiques sont nécessaires à tous les hommes, puisqu’elles tendent à augmenter la somme de plaisir qui leur est destinée». Cet aspect de la culture française n’a pas manqué de titiller les papilles des Anglo-Saxons qui venaient nombreux découvrir la «french» manière de manger. Une jeune Américaine expérimentant la nouveauté des restaurants dans le Paris du XIXe siècle se demandait quelle attitude avoir : «Cela demande réellement une certaine pratique que de découvrir et d’apprécier ces nouvelles saveurs et les rituels qui les accompagnent».
 WASHINGTON-Irène MOSALLI On y va pour manger «autrement», pour se retrouver entre amis, parler affaires, car entre la poire et le fromage, beaucoup de choses peuvent se décider. Et on peut choisir entre deux, trois, quatre ou cinq étoiles, selon que l’on peut supporter «la douloureuse», sans trop souffrir... Mais les restaurants ont eu à l’origine une tout autre...