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Actualités - ANALYSE

Parlement - Nouveau débat, sans résultat, sur l’espionnage téléphonique Écoutes : des particuliers font mieux que l’État

Il y a dans le débat autour des écoutes téléphoniques pratiquées au Liban un aspect rocambolesque qui vous fait immédiatement penser au débat sur le sexe des anges. Trois ans après la première réunion parlementaire consacrée à ce dossier et bien qu’une loi ait été promulguée à ce sujet l’année dernière, on en est toujours à essayer de savoir qui au Liban écoute qui et pour le compte de qui. La commission parlementaire de la Défense et de l’Intérieur et des Municipalités s’est efforcée encore une fois d’élucider ce mystère, hier. Elle a abouti au même résultat qu’elle avait obtenu au cours des années précédentes : rien. La réunion a quand même été utile puisqu’elle a permis aux parlementaires d’apprendre que les décrets d’application de la loi codifiant la surveillance des lignes téléphoniques n’avaient pas été promulgués. C’est là une lacune que le gouvernement Hariri s’est promis de combler au plus tôt. Dans un ultime effort de percer le mystère de l’espionnage téléphonique, la commission doit écouter, mardi 28 novembre, les explications du chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, qui s’était plaint durant le débat de confiance de la surveillance de ses communications. Les explications des ministres présents (l’Intérieur, M. Élias Murr, la Défense, M. Khalil Hraoui, les Télécommunications, M. Jean-Louis Cardahi, et la Réforme administrative, M. Fouad el-Saad) aussi bien que celles des responsables des services de sécurité ont laissé les parlementaires sur leur faim. Est-ce le ministère de l’Intérieur qui contrôle, seul, la surveillance téléphonique ? Est-ce que les services de sécurité constituent une entité totalement indépendante de l’État ? Comment est-il possible que des ministres se plaignent de l’écoute alors qu’ils sont supposés la contrôler ? Qui doit fournir des réponses à nos interrogations : l’État ou les services de sécurité ? Autant de questions qui sont restées pour la plupart sans réponse. Et dans le meilleur des cas, les explications données ont plongé les parlementaires dans une plus grande confusion, de l’aveu même du président de la commission, M. Sami Khatib. Ces derniers avaient appris le jour même du président de la Chambre que l’écoute est même pratiquée à titre privé. Quiconque a de l’argent peut en effet se doter du matériel qu’il faut pour surveiller les lignes d’autrui, a reconnu le directeur de la Sûreté générale, le général Jamil el-Sayyed, selon des sources parlementaires. Il s’agit d’un matériel ultrasophistiqué que l’État ne possède pas. Il n’en fallait pas plus pour que le débat dévie et se concentre sur l’opportunité de l’achat d’un nouveau matériel d’écoute susceptible de traquer les espions et de neutraliser les écoutes pratiquées illégalement. «Et c’est ainsi qu’on est arrivé à discuter du budget supplémentaire qui doit être alloué aux services de sécurité afin de leur permettre d’importer un nouveau matériel d’écoute», a ironisé M. Bassem Sabeh au terme de la réunion. Comme lui, de nombreux parlementaires ne se font pas d’illusion sur l’issue du débat. D’aucuns pensent en effet que les lignes téléphoniques continueront d’être surveillées. Il en est ainsi au Liban depuis les années 50, selon les auteurs de cette thèse. Il n’en demeure pas moins qu’ils jugent fondamental que les décrets d’application de la loi codifiant les écoutes soient promulgués, ce qui a l’avantage de réduire les abus. Ces décrets se rapportent, entre autres, à la mise en place d’un organisme de contrôle qui aura pour mission de vérifier que la surveillance des lignes téléphoniques pratiquée sur décision judiciaire ou administrative est conforme à la loi. Du matériel pour écouter ceux qui écoutent ! Les responsables des services de sécurité présents à la réunion ont confirmé la pratique des écoutes téléphoniques mais «conformément aux lois en vigueur» et pour des raisons liées «strictement» à la sécurité. C’est ce que le ministre de l’Intérieur a aussi affirmé à la presse au terme de la réunion, en arguant de la présence de réseaux de terroristes et de trafiquants de drogue dans le pays. M. Murr a estimé que la loi pourrait être toutefois amendée afin que le Liban soit à jour en ce qui concerne le développement technologique dans le monde. Il a par ailleurs affirmé ignorer tout d’une surveillance «privée» des lignes téléphoniques, sans toutefois contester son existence. «Grâce à l’évolution technologique dans le monde, quiconque bénéficie d’importants moyens financiers et de l’appui de courants politiques œuvrant pour le compte d’Israël peut pratiquer l’écoute par l’intermédiaire d’une mallette spéciale. Mais en amendant le texte de la loi, nous pouvons permettre aux services de sécurité d’acheter un matériel sophistiqué qui leur permettra de surveiller ceux qui pratiquent l’écoute illégalement», a déclaré M. Murr. Si le ministre de l’Intérieur a affirmé ignorer l’existence d’une écoute «privée», M. Berry a pour sa part confirmé devant les députés qu’il a reçus hier que «de nombreux services, dont certains sont privés, pratiquent l’écoute téléphonique, ce qui constitue un danger énorme pour les intérêts économiques du Liban ainsi qu’une violation de la vie privée des gens». Cité par des parlementaires, le général As-Sayed a de son côté indiqué que la Sûreté générale a pour mission, conformément à son statut, de réunir les informations politiques, économiques et de sécurité qui sont dans l’intérêt du pays. Aussi bien le ministre de l’Intérieur que le directeur de la Sûreté générale ont démenti les informations selon lesquelles les communications des hommes politiques sont surveillées. Le président de la Chambre, lui, s’est dit déterminé à identifier les parties qui pratiquent l’écoute, affirmant qu’il est du devoir du Parlement d’exercer un contrôle et qu’il tient à assumer ce rôle. Et parce qu’il n’a pas été possible hier d’obtenir des précisions sur cette question, la commission de la Défense et de l’Intérieur se réunira le 28 novembre en présence de M. Hariri, dans l’espoir d’obtenir des résultats plus concrets. T.A.
Il y a dans le débat autour des écoutes téléphoniques pratiquées au Liban un aspect rocambolesque qui vous fait immédiatement penser au débat sur le sexe des anges. Trois ans après la première réunion parlementaire consacrée à ce dossier et bien qu’une loi ait été promulguée à ce sujet l’année dernière, on en est toujours à essayer de savoir qui au Liban écoute...