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Actualités - REPORTAGES

DÉVELOPPEMENT - Expérience grandeur nature dans un projet à Zouk Économie d’énergie à domicile

Les citoyens se plaignent de leurs factures d’électricité et l’État n’arrive pas toujours à assurer la quantité d’énergie nécessaire. Faut-il continuer à évoluer dans ce cercle vicieux ou, au contraire, porter son regard dans une autre direction ? Il est vrai que parler d’énergies alternatives surprend encore au Liban. Mais cela n’a pas découragé un groupe de spécialistes de tous bords qui, sous la bannière d’ALMEE (Association libanaise pour la maîtrise de l’énergie et de l’environnement) qu’il a fondée en 1992, a entrepris de tenter un projet audacieux, grandeur nature, visant à démontrer, sur une période de trois ans, l’intérêt financier et écologique de l’économie d’énergie. Et obtenir une denrée rare : des chiffres précis, non plus des estimations. Le groupe d’immeubles servant de site à l’étude de l’ALMEE, encore en construction dans la région de Zouk, ne ressemble en rien à un laboratoire. Et pourtant, ce qui s’y passe pourrait préparer une révolution. Huit à neuf des appartements y ont été soumis par l’ALMEE à des «améliorations», moyennant une augmentation du coût qui ne dépasse pas les 5% : des équipements efficaces au plan énergétique (chauffe-eau solaire et lampes fluocompactes) et une conception adaptée des bâtiments (isolation de la toiture, renforcement de l’étanchéité des parois et des fenêtres, ventilation mécanique contrôlée, double vitrage…). Pourquoi équiper ainsi ces appartements dans lesquels des propriétaires ont déjà emménagé ? M. Saïd Chéhab, président de l’ALMEE, explique : «Pour déclencher une action dans le domaine de la maîtrise de l’énergie, nous avons établi une coopération avec l’ADEME (agence française étatique, rattachée à trois ministères), l’Agence française de développement et le ministère de l’Environnement. De là est né le projet de Zouk, financé par l’Agence française de développement à concurrence d’environ un million de dollars. L’ADEME en est le coordinateur français, le coordinateur libanais étant l’ALMEE. Le tout se passe sous l’égide du ministère, dans le cadre du programme GES (Global Environmental Facilities), intéressé par l’affaire du fait que ces techniques permettent une réduction des émissions de CO2». Le projet comporte en gros trois étapes : une étude de faisabilité, l’installation de l’équipement et les mesures. Pour mettre le projet sur les rails, il a fallu convaincre une société d’entrepreneurs, Elissar Contracting and Engineering, d’y adhérer. L’entreprise a accepté d’introduire les modifications requises dans ses immeubles encore en chantier. Après cela, il a fallu également obtenir le consentement des propriétaires devant emménager dans les appartements et qui font nécessairement partie de l’expérience. «L’étude de faisabilité a porté sur l’introduction du chauffe-eau solaire (qui permet d’économiser, selon les premières estimations, 80 % de l’énergie par rapport à d’autres installations), des lampes fluocompactes (qui durent 12 000 heures et consomment un cinquième de l’énergie par rapport à la lampe normale), ainsi que sur l’amélioration du bâti (double vitrage, étanchéité, isolation thermique…)», raconte M. Chéhab. «Les conclusions se sont avérées positives, et nous avons pu nous lancer dans l’expérience». Informations continues Deuxième étape : l’installation des équipements. Toutefois, le véritable objectif du projet est de quantifier les améliorations apportées. Cette dernière étape est toujours en cours. «Il s’agit d’un processus très innovant et extrêmement complexe, explique M. Chéhab. Pour mieux mettre en lumière les avantages de telles installations, il fallait non seulement mesurer l’économie de l’énergie dans les appartements améliorés, mais inclure dans l’étude des logis typiques libanais choisis dans la même région, pour mieux évaluer la différence». L’objectif est de mesurer la consommation d’énergie par les principaux appareils électroménagers et l’utilisation de l’eau (froide et chaude). Comment s’effectuent ces calculs ? Dans les appartements inclus dans l’étude (qui, nécessairement, présentent des différences de direction, d’étage…), des concentrateurs sont appliqués à chaque appareil électroménager, aux lampes, etc. Les concentrateurs sont de petits appareils qui mesurent l’énergie consommée chaque dix minutes et envoient automatiquement le soir, par courant porteur sur des lignes électriques déjà existantes, toutes les informations recueillies à un ordinateur placé au siège de l’ALMEE. Les habitants ne sont donc pas gênés par le processus de récolte des informations. Ainsi, le fonctionnement des équipements peut être analysé selon les variations de température, du climat, des habitudes de chaque famille. Quelle est l’importance de cette étude ? «Pour la première fois, souligne M. Chéhab, nous passerons, dans le domaine de la maîtrise de l’énergie, des simples estimations aux chiffres précis». Il ajoute : «Nos conclusions seront utiles à plus d’un niveau. Pour le consommateur, une sensibilisation aux nouveaux équipements électroménagers plus performants s’avérera précieuse. À un niveau macroéconomique, des mesures exactes fournies par nos expérimentations permettront aux décideurs de mieux gérer la tarification de l’électricité par exemple, ou l’utilisation de l’eau, et d’en planifier la demande. Par ailleurs, dans la construction, des outils et procédés efficaces seront mis à la disposition des opérateurs libanais». Mais si ces résultats intéressent le grand public, comment une association spécialisée fera-t-elle parvenir son message au plus grand nombre ? «Dès que nos informations seront prêtes et qu’elles auront été avalisées par des experts internationaux, nous les diffuserons, précise M. Chéhab. Nous tiendrons un premier séminaire en février 2001, à la fin du projet, qui regroupera une cinquantaine d’acteurs (ministères et administrations concernées, experts, etc.). Nous publierons ensuite nos résultats dans un guide, en essayant de sensibiliser chaque fois un plus grand nombre». Les ambitions de l’ALMEE ne s’arrêtent pas là. En 2001, un nouveau site devra servir de théâtre aux expériences de l’association, dans la Békaa cette fois. Ce second projet sera financé grâce au premier, puisque chaque propriétaire verse une contribution quasi symbolique par mois, car les équipements ont été offerts gratuitement et les économies d’électricité ont été rendues possibles. Bref, l’ALMEE s’est engagée à promouvoir ces nouvelles méthodes et à en montrer les avantages, sachant que, selon des chiffres obtenus auprès de l’association, le Liban importe 99% de ses besoins en énergie primaire. Le marché joue aussi un rôle primordial en commercialisant ces nouveaux produits et en les rendant, par conséquent, disponibles. Mais c’est l’État qui n’est pas encore vraiment entré en scène. Même si les marchés fonctionnent de manière autonome, une implication des pouvoirs publics aurait un impact certain sur la sensibilisation des citoyens. Suzanne BAAKLINI
Les citoyens se plaignent de leurs factures d’électricité et l’État n’arrive pas toujours à assurer la quantité d’énergie nécessaire. Faut-il continuer à évoluer dans ce cercle vicieux ou, au contraire, porter son regard dans une autre direction ? Il est vrai que parler d’énergies alternatives surprend encore au Liban. Mais cela n’a pas découragé un groupe de...