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Actualités - INTERVIEWS

interview - « Le choix de Beyrouth pour le sommet de 2001 confirme l’importance de notre pays » Michel Eddé : Liban et francophonie, mêmes idéaux

L’ancien ministre Michel Eddé a accordé à la revue hebdomadaire Afkar, et qui paraît aujourd’hui vendredi, une interview consacrée exclusivement à la question de la francophonie et de ses nombreuses corrélations. Les propos de M. Eddé s’inscrivent dans le cadre de la tenue, dans presque dix mois, du IXe sommet de la francophonie et qui verra se réunir à Beyrouth plus de 50 chefs d’État et de gouvernement. Pour cet ardent défenseur de l’esprit francophone – il a été le premier responsable politique à détenir le portefeuille de la Culture – il est indéniable que le point commun essentiel que se partagent le Liban et la francophonie, est qu’«ils découlent tous deux des mêmes idéaux». Interrogé d’abord sur les préparatifs du sommet d’octobre 2001, M. Eddé a rappelé que le ministre de la Culture, Ghassan Salamé, a été chargé officiellement de la formation d’une commission consacrée à la sélection des affaires culturelles et artistiques – des projets qui, s’ils obtiennent l’approbation de la commission, rythmeront l’année 2001, celle de la francophonie au Liban. «Cette commission, que préside Ghassan Salamé, regroupe les ministres Marwan Hamadé et Mohammed Abdel Hamid Beydoun, l’ancien ministre Ghassan Tuéni, le président du Conseil constitutionnel Amine Nassar, le professeur Hassane Rifaat, Me Basile Yared, et moi-même», explique Michel Eddé. Chaque sommet francophone ayant son propre thème, celui du sommet de Beyrouth sera le «Dialogue des cultures». Quelles sont les réalisations faites jusqu’à présent dans le sens du renforcement de ce dialogue ? «Depuis le XVIIe siècle, le Liban se fait fort d’être un espace unique de dialogue entre les cultures, un terreau particulièrement fertile et sans équivalent pour l’interaction entre elles. Le Liban, comme l’a déjà souligné le Saint-Siège, est d’abord un message avant d’être simplement une nation ordinaire ; et le dialogue des cultures est au cœur de ce message, le chemin le plus court pour le rapprochement entre les peuples», a assuré l’ancien ministre. À partir de ce postulat, il est impératif, comme il l’a souligné, que le Liban conserve et sauvegarde la culture et la langue françaises, «au sein d’un véritable trilinguisme unique en son genre», et ce afin que perdure le rôle prépondérant qu’il joue par rapport au dialogue des cultures et à celui des peuples. «Il est très positif que l’anglais occupe désormais une place de choix dans le quotidien et dans la culture des Libanais, mais il n’est vraiment pas dans l’intérêt du Liban qu’il limite sa vitalité linguistique à cette langue seulement, comme le font d’autres pays arabes. Il perdrait ainsi sa spécificité première, a averti M. Eddé. C’est pourquoi il est capital que nous renforcions le rôle de la langue arabe – notre langue maternelle, celui de la langue française – notre langue seconde, ainsi, également, que celui de la langue anglaise, devenue langue universelle», a-t-il ajouté. L’importance du Liban Interrogé sur l’importance du choix de Beyrouth pour la tenue de ce sommet, Michel Eddé a estimé qu’il ne fait que «confirmer l’importance culturelle et scientifique du Liban à travers le monde», ajoutant que cela «consacre le retour de Beyrouth comme place essentielle puisque se tiendra au Proche-Orient l’un des sommets internationaux les plus en vue, l’un des plus importants…» Il a également insisté sur le fait que le Liban est l’un des membres fondateurs de la francophonie, à l’époque, déjà, de l’ancien chef de l’État, Sleiman Frangié, et de l’ancien Premier ministre Saëb Salam. Quels seraient les efforts que devrait fournir le Liban pour que réussisse ce sommet ? «Les dirigeants libanais sont parfaitement conscients de l’importance de cet événement et de la nécessité de réunir toutes les conditions indispensables à son succès, a indiqué M. Eddé. Le ministre de la Culture, M. Ghassan Salamé, s’emploie, avec un grand succès, à l’organisation de tous les préparatifs de ce sommet, il a d’ailleurs été désigné à ce poste en raison de ses capacités et de son immersion dans la culture française, en sus de sa culture arabophone d’origine. Les réunions qu’il a commencé à tenir et les équipes qu’il a déjà formées travaillent d’arrache-pied pour qu’au niveau de l’infrastructure, des moyens de transport, des complexes hôteliers, etc, tout concourt à montrer que le Liban est fin prêt pour la tenue d’un pareil événement. Concernant le lien intrinsèque qui unit le Liban à la francophonie, Michel Eddé a rappelé que le français était, après l’arabe, la deuxième langue du Liban, «et tout au long de l’Histoire, le Liban s’est enorgueilli de ce bilinguisme. La langue française a joué un rôle historique concernant le développement du Liban, de sa position culturelle, de son ouverture aux autres cultures ; elle a été le principal moteur de la richesse et de la diversité culturelle du Liban. Quant à ce dernier, il a pleinement et activement participé, par le biais de ses écrivains, ses intellectuels, ses universitaires ou ses chercheurs à l’enrichissement de la culture française. D’ailleurs, le Liban a toujours été le trait d’union entre les deux rives de la Méditerranée, la voie d’accès des Arabes vers l’Occident, celle de l’Occident vers les Arabes. Enfin, et ce constat est d’importance, la plupart des Libanais qui ont émigré lors de la guerre ont été s’installer dans des pays francophones, et ce en raison des liens culturels et linguistiques, et des idéaux que nous partageons ensemble». Le refus de l’adhésion d’Israël L’ancien ministre de la Culture et de l’enseignement supérieur s’est ensuite penché sur les rapports entre la francophonie et l’anglophonie, sur la capacité de la première à maintenir sa place dans un contexte planétaire où la langue anglaise est devenue universelle. Il a ainsi mis en garde contre toute culture unique et contre tout diktat qui ne mènerait qu’à «une désertification culturelle, linguistique et idéologique». Et M. Eddé d’indiquer que «les sionistes exercent une influence notable sur les médias audiovisuels, aux États-Unis en particulier, et sur l’espace anglophone en général. Leur but ? Procéder à un lavage de cerveaux, travestir la réalité, falsifier l’Histoire, imposer leurs volontés politiques, idéologiques ou culturelles. Nous devons redoubler d’attention par rapport à ces menaces, savoir comment y faire face. Et je pense que dans ce domaine, les liens du Liban, ainsi que ceux d’ autres pays arabes comme l’Égypte, le Maroc ou la Tunisie, avec la France, nous aideront à maintenir notre exception culturelle, arabophone et francophone». Interrogé ensuite sur la position de l’organisation francophone par rapport à l’acceptation ou non de l’État hébreu au sein des pays membres – sachant qu’il y a aujourd’hui plus de 500 000 Israéliens francophones venus surtout du Maghreb, M. Eddé a réaffirmé que l’association des pays francophones a refusé la candidature d’Israël, «malgré la demande d’adhésion formulée par l’entité sioniste». La position libanaise, comme l’a rappelé l’ancien ministre, a joué un rôle prépondérant par rapport à ce refus, étant donné qu’«Israël agressait, et continue de le faire, le Liban. Voilà pourquoi l’idée de cette adhésion a été abandonnée, d’autant plus que la politique belliqueuse de l’État hébreu est dirigée contre tous les pays arabes». Et qu’adviendrait-il au cas où la Palestine demanderait à être admise au sein de l’organisation francophone ? Y aurait-il des conditions précises à son adhésion ? «Ceci ne s’est pas encore présenté. La Palestine ne possède pas l’assise nécessaire qui justifierait, de sa part, une telle demande. Elle n’a pour l’instant, par exemple, aucune école qui dispense l’enseignement du français – une langue qui n’occupe, à l’heure d’aujourd’hui, aucune position dans l’espace linguistique ou culturel palestinien. Dans tous les cas, l’État palestinien ne jouit pas, pour l’heure, d’un statut d’indépendance. Quand ces conditions seront réunies et que la Palestine demandera son adhésion à l’organisation des pays francophones, il est certain que cette demande sera agréée, d’autant plus que la France, comme les autres pays francophones, a toujours soutenu le peuple palestinien dans sa lutte pour la reconnaissance de ses droits».
L’ancien ministre Michel Eddé a accordé à la revue hebdomadaire Afkar, et qui paraît aujourd’hui vendredi, une interview consacrée exclusivement à la question de la francophonie et de ses nombreuses corrélations. Les propos de M. Eddé s’inscrivent dans le cadre de la tenue, dans presque dix mois, du IXe sommet de la francophonie et qui verra se réunir à Beyrouth plus de...