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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Le président du Renouveau démocratique et pilier de KC met les points sur les i pour « L’Orient-Le Jour » Nassib Lahoud : Si la dérive sécuritaire se poursuit, les loyalistes payeront, eux aussi, un prix très lourd(photo)

Pour tous ceux, déboussolés ou ricanants, qui appréhendaient ou qui espéraient : il ne quittera pas Kornet Chehwane. Et contribue, pleinement, à l’esprit et à la lettre de chacun de ses communiqués. Plus encore : concernant chacune de ses positions, il ne compte pas, il le répète, il le martèle, céder d’un pouce. Aux premières lignes d’un combat, qu’il juge de plus en plus indispensable, contre la dérivaire militaro-sécuritaire du pays, il sait que, parfois, les guerres de tranchées sont inévitables. D’autant plus que l’opposition dont il est l’un des prinicpaux piliers est soumise aux incessants coups de boutoir d’un pouvoir plus que jamais déterminé à faire prévaloir la pensée unique. Et c’est plus convaincu que jamais que Paris II ne servira à rien tant qu’il ne sera pas couplé avec une urgente réforme politique, ou que, si la situation locale, telle qu’elle est aujourd’hui, se confirmait jusqu’à son paroxysme, les loyalistes en paieraient le prix autant que l’opposition, que Nassib Lahoud a répondu aux questions de L’Orient-Le Jour. Commencer d’abord par éclaircir : le président du Renouveau démocratique rejette catégoriquement toute idée d’un profil bas qu’il aurait adopté depuis deux ou trois mois. Il suit, sauf quand il est en voyage, chaque réunion plénière de KC. « Il suffit que Élias Murr dise de moi que cela fait deux mois que je n’ai pas été à Kornet Chehwane, alors que deux semaines plus tôt j’y étais... C’est de la pure désinformation. » Tout est donc normal ? « Absolument. » Justement, quel avenir, quelles solutions, pour KC ? « KC n’est pas en crise pour qu’on lui cherche une solution. Ce rassemblement subit, de la part de groupes proches du pouvoir, une campagne de diffamation qui n’a rien à voir avec le discours politique de KC. Un discours qui a toujours été national, qui a toujours dressé la liste de tous les problèmes auxquels font face le Liban et les Libanais. Ils veulent montrer KC sous un angle sectaire, et c’est totalement dénué de fondement. » Un parti ? Non, un rassemblement Indépendamment des attaques du pouvoir, il y a toutes ces querelles, ces divergences internes... C’est viable ? « Mais tout cela est normal. Il ne faut pas assimiler KC à un parti politique. » Dans la tête des Libanais, c’est chose déjà faite, puisque KC résume à lui tout seul l’opposition. « KC n’est qu’un rassemblement. Et c’est pour cela, moi en premier, que nous nous y sommes intégrés. Le jour où ce rassemblement se transformera en front libanais ou en parti politique, il cessera de répondre à nos aspirations. Et ces querelles internes dont vous parlez ne touchent pas le fond, ni l’intégrité de KC, qui reste solide et cohérent au niveau de son discours politique. Et ce n’est pas à chaque divergence entre deux membres sur une question donnée qu’il faut parler de craquelures dans la construction de KC. » Vous ne pensez pas que Mgr Youssef Béchara est le maillon faible de KC ? Parce que c’est un évêque qui en assure une espèce de leadership moral ? « Mgr Béchara n’est ni le chef, ni l’inspirateur, ni le père spirituel de KC. Il en est le modérateur et met à disposition le lieu de réunions. Il ne faut pas démesurément déformer le rôle joué par l’évêque Béchara. » Mais ce rôle ne pourrait pas être joué par un civil, ce qui éviterait quelques accusations confessionnelles au rassemblement, ou des excuses aux excès de la Cellule Hamad entre autres ? « Cela fait un an et demi que Mgr Béchara est le modérateur et l’hôte de KC. Cela ne l’a pas empêché une seule fois d’être le vecteur d’un discours national libanais qui n’a rien à voir avec les doléances d’une communauté donnée. Pourquoi ce faux problème ? Dans tous les cas, ils trouveront autre chose pour nous agresser. Et s’ils s’en prennent à KC, c’est bien parce que c’est un des rares espaces où le discours politique soit indépendant. On ne trouve rien à redire sur le fond de la pensée et de l’expression de KC. On l’attaque donc sur la forme (ses membres sont d’une seule communauté, son modérateur est un évêque) ou bien on lui fait des procès d’intention. C’est une tentative coordonnée et ciblée qui vise à détourner l’attention des Libanais du discours politique de KC, pour braquer les projecteurs sur de faux problèmes et des diffamations qui n’ont rien à voir avec la réalité. » Pour Nassib Lahoud, KC a un vrai projet, porteur, une vision, un plan. « Et c’est ça le problème. Le discours de KC n’est pas étranger à celui du Renouveau démocratique ou du Forum démocratique. Qui prônent la défense des libertés et de la démocratie, le rééquilibrage des relations libano-syriennes, le renforcement de l’entente nationale et une meilleure défense, par le Liban, de la cause palestinienne. C’est une vision politique globale, visant à redresser le pays sur tous les plans. Et c’est absolument concret. Ce qui ne l’est pas, ce sont les accusations contre KC. » Il y a encore un avenir pour KC ? « Sa valeur est assurée, et il n’y a aucune raison qu’il ne soit pas viable. » Même avec la syrianisation du Liban ? La volonté d’imposer un parti unique, une pensée unique, un chef unique, un gouvernement unique... « Voilà toutes les raisons pour lesquelles KC devrait ne pas être démantelée et survivre. Si c’est cela le processus vers lequel on va, il est impératif que KC reste en vie. » Interrogé sur la destruction des institutions de l’État par le pouvoir, le député du Metn souligne que c’est le « problème profond » qu’avec ses collègues de l’opposition il s’emploie à résoudre. « Quand le pouvoir sape les institutions libanaises, à commencer par la justice, que l’on dévalorise aux yeux des Libanais ; quand le système démocratique est complètement déprécié ; quand 1 700 voix, plus la volonté de l’État ont raison de 70 000 autres voix exprimées dans un autre sens ; quand l’État interdit aux citoyens le droit de s’exprimer en muselant les médias qui offraient à l’opposition une tribune ; quand le droit à la manifestation est brimé par la force ; là oui, le pays glisse vers un État militaro-sécuritaire. Et il est du devoir de tous les Libanais et de toutes les forces politiques du pays d’arrêter cette dérive. Et il ne s’agit pas de la seule responsabilité des forces réformistes. Le camp loyaliste devrait réaliser qu’il paiera lui aussi un prix très lourd et qu’il sera, lui aussi, marginalisé, si ce glissement continue. » Ses relations avec Walid Joumblatt. Comprend-il ses prises de position ? « Dans mes entretiens avec Walid Joumblatt, j’ai eu l’occasion de comprendre ses angoisses quant aux dangers qui guettent le Liban et la région arabe dans ces circonstances difficiles. Je partage ses angoisses, mais pas toutes les conclusions qu’il en tire. » Prêt à revoir Michel Aoun ? « Quand je l’ai vu, nous étions d’accord sur certains points, sur de nombreux objectifs. Mais nos divergences, sur la Syria Accountability Act ou sur l’accord de Taëf, auquel je souscris pleinement, restent entières. » Quels espoirs pour Paris II ? « Au Liban, nous devons tous œuvrer pour assurer à Paris II un plein succès. Mais parallèlement aux aides étrangères, il faut un projet de réforme interne profond. Il y a un an, nous avions soumis un plan de réformes politiques, fiscales et administratives à la Chambre, pendant le débat budgétaire. Nous avions évoqué un “confidence building” qui devrait impérativement s’établir entre l’État et les banques libanaises. Et qui devrait mener à une baisse des taux d’intérêt, qui serait le reflet d’une amélioration des perspectives, comme celle d’un début de réforme qui serait convaincant. » Cette proposition est encore d’actualité ? « Plus que jamais. Parce qu’il serait malheureux pour le Liban que Paris II ne soit pas accompagné de ces réformes. Sans elles, Paris II n’aura qu’un effet temporaire, éphémère. Il ne faut pas que le pouvoir au Liban, par rapport à son projet d’assainissement économique, fasse une chose et son contraire. Sans un profond attachement aux libertés et à la démocratie, rien ne sera possible. La façon dont le pouvoir a avorté la volonté populaire lors des élections et la fermeture arbitraire de la MTV pourraient coûter à l’économie libanaise, du point de vue capital-confiance, plus que ce que Paris II pourrait apporter comme bénéfices. » Quant au budget 2003, il ne répond toujours pas aux exigences de Nassib Lahoud. Qui lui reproche notamment son inéquité flagrante dans la distribution des charges fiscales. On dit qu’il a un petit plus par rapport aux autres budgets. « Il y a un petit effort dans la réduction des dépenses, mais il est malheureux que cette défense se fasse au détriment des secteurs liés au développement. Et les efforts ne sont pas suffisants au niveau des dépenses courantes de l’administration. Sans parler des classes moyennes que ce budget défavorise encore plus. » Impossible, enfin, de ne pas terminer sur un regret. Nassib Lahoud aurait voulu, après le verdict du Conseil constitutionnel (qu’il a évidemment dénoncé), qu’il y ait de nouvelles élections au Metn. Une sorte de réponse à tous ceux qui voulaient croire que la désignation de Ghassan Moukheiber lui aurait évité de se mouiller de nouveau. Ses proches, et l’ensemble des Libanais le savent bien : depuis 1992, son dada, sa chose à lui, son job, ce sont les batailles électorales. Un regret certes, mais flanqué, comme souvent, d’une question qui met le doigt en plein sur la plaie. « De quel droit un Conseil constitutionnel s’appuie sur la situation en Irak pour annuler des élections ? » C’est vrai que ça fait mal. Z.M.
Pour tous ceux, déboussolés ou ricanants, qui appréhendaient ou qui espéraient : il ne quittera pas Kornet Chehwane. Et contribue, pleinement, à l’esprit et à la lettre de chacun de ses communiqués. Plus encore : concernant chacune de ses positions, il ne compte pas, il le répète, il le martèle, céder d’un pouce. Aux premières lignes d’un combat, qu’il juge de plus...