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Actualités - INTERVIEWS

Interview - Le Amid du Bloc national maintient sa collaboration avec les Assises Carlos Eddé : Avec Kornet Chehwane, des divergences sur la forme et non sur le fond (photo)

Elle était presque attendue, la décision du Amid du Bloc national, Carlos Eddé, de prendre du recul par rapport aux Assises de Kornet Chehwane. Le bruit courait en effet depuis quelque temps qu’il allait se retirer de ce Rassemblement de l’opposition. Que M. Nassib Lahoud envisageait aussi de partir. Mais si ce dernier a balayé ces rumeurs, par sa présence à la dernière réunion de l’opposition au siège du PNL, M. Eddé les a confirmées en annonçant solennellement, lundi, son départ de Kornet Chehwane, ouvrant la voie à toute sorte d’interprétations de son geste, qui est intervenu le jour même de l’invalidation, par le Conseil constitutionnel, du mandat de M. Gaby Murr, et au moment où l’opposition est farouchement combattue par le pouvoir et les alliés politiques de la Syrie. Mais le Amid du BN rejette d’emblée toute tentative de lier ces événements : il souligne avec insistance l’engagement de son parti en faveur des même principes défendus par Kornet Chehwane et des objectifs fixés par cette formation, tout en faisant état d’une divergence de vues en ce qui concerne la stratégie adoptée pour atteindre ces objectifs. Pour ce qui est du timing, il s’agit, selon lui, d’un pur hasard si le départ du BN – « auquel nous songions depuis quelques mois », a coïncidé avec la publication du jugement du Conseil constitutionnel. «On pensait qu’il allait être annoncé mardi ou mercredi. » Des propos tenus par M. Eddé, dans une interview à L’Orient-Le Jour, il ressort que ce sont surtout des questions de forme et non pas de fond qui sont à l’origine de son départ de Kornet Chehwane. M. Eddé ne semble pas croire que « la guerre d’usure » dans laquelle ce Rassemblement est actuellement engagé, dans le cadre de son bras de fer avec le pouvoir, lui permettra d’atteindre ses objectifs politiques. Il pense que c’est plutôt une guerre dans le style de la guérilla qui pourrait s’avérer plus efficace : attendre le moment propice pour intervenir, savoir quand il faut se tapir, puis saisir de nouveau l’occasion et rebondir. De ses propos aussi, il ressort qu’il a développé au fil des mois la conviction que le Bloc national gagnerait à œuvrer de manière autonome, sur le plan politique, pour atteindre les mêmes objectifs, tout en collaborant lorsqu’il le faut avec Kornet Chehwane. Pour éclaircir les raisons de sa décision, M. Eddé commence par rappeler les raisons pour lesquelles il a choisi, au départ, d’y adhérer : « Pour nous, les Assises de Kornet Chehwane représentaient un forum de discussions qui avait ses avantages et ses inconvénients. Nous avions dès le départ une certaine réserve, qui s’explique par le fait que les réunions se tenaient dans un archevêché et que les participants appartenaient tous à une même communauté. Je redoutais que cela ne débouche, à long terme, sur un débat concernant le caractère confessionnel de ce regroupement. Nous étions en revanche d’accord sur les idées générales et les objectifs et nous pensions que ce forum donnerait l’occasion de développer un discours national sur lequel la majorité des Libanais pourrait se retrouver, à savoir réclamer le rétablissement de la souveraineté et de l’indépendance du Liban, améliorer les relations libano-syriennes et effacer définitivement les séquelles de la guerre », déclare M. Eddé. Ses appréhensions, ajoute-t-il, étaient « minimisées par les concertations engagées avec Walid Joumblatt et le Forum démocratique. Même si, au départ, Kornet Chehwane avait réuni des chrétiens, l’idée était qu’à court terme ce Forum se développerait et réunirait des Libanais de plusieurs communautés. Ses membres appartenaient, il est vrai, à une même communauté, mais leur discours était national ». M. Eddé affirme cependant avoir très vite senti comme « une résistance » à l’élargissement de Kornet Chehwane. « Car si en privé plusieurs responsables politiques musulmans avaient réagi favorablement à notre discours, aucun d’eux n’y a adhéré. C’est comme s’il y avait des pressions exercées par une main mystérieuse, qui voulait empêcher qu’un débat libanais intercommunautaire ne soit engagé », dit-il. Les élections du Metn Entre-temps, le processus engagé par Kornet Chehwane en faveur d’un dialogue national avançait. « Il a culminé avec la visite du patriarche maronite au Chouf et la réconciliation de la montagne », relève M. Eddé, accusant « les mêmes forces qui voulaient faire dérailler une entente nationale d’avoir provoqué les incidents du 7 août et mené une campagne d’intimidation contre ce forum ». Il s’attarde longuement sur les élections du Metn. Cette phase a été pratiquement déterminante pour lui, puisque c’est à partir de ce moment qu’il a commencé à vouloir prendre du recul par rapport de Kornet Chehwane qui devenait de plus en plus un front politique en bonne et due forme et cessait, à ses yeux, de devenir un forum de discussions. « Si nous étions d’accord sur tous les objectifs à atteindre et sur les revendications, des divergences commençaient à apparaître sur la voie pour atteindre ces buts. » Pour le Amid, il est incontestable que « les élections du Metn ont été le premier grand test ». « Depuis quelque temps, ces différences étaient apparentes. Souvent, nous ou d’autres, nous faisions des concessions mutuelles pour pouvoir prendre des positions. Certains membres de KC étaient favorables à un mouvement plus actif au niveau de la rue. Nous mettons en doute l’efficacité de cette méthode qui pourrait, du moins en ce moment précis, porter préjudice à l’opposition beaucoup plus qu’elle ne peut l’aider. Le Bloc national a donc estimé que pour son efficacité politique et pour l’efficacité de Kornet Chehwane, il était préférable qu’il se retire, que chacun travaille de son côté, avec ses propres convictions, pour atteindre les mêmes objectifs, tout en maintenant une collaboration. » M. Eddé explique que la décision de quitter Kornet Chehwane a été prise, il y a quelques mois, mais qu’il attendait pour l’annoncer le moment propice, « qui ne venait jamais à cause de la succession des événements qui se précipitaient ». Il en avait d’ailleurs informé Kornet Chehwane et leur avait expliqué que la majorité des membres du Bloc national approuvait sa décision et avait dès le début, exprimé des réserves au sujet de sa participation à ce rassemblement. M. Eddé s’estime toujours très proche de Kornet Chehwane, d’autant que le communiqué constitutif du Rassemblement reprend, dit-il, les idées défendues par Raymond Eddé et le BN. Il ne pense pas qu’en se retirant de ce Rassemblement, il serait en train de jouer le jeu de la Syrie et de ses alliés libanais qui cherchent à briser l’opposition. « De tels propos sont totalement infondés », observe-t-il, en soulignant que son parti continuera d’appeler au départ des forces syriennes déployées au Liban, même si, note-t-il, les États-Unis, la France et les membres du gouvernement libanais ont fait savoir qu’il n’y aurait aucun changement à court terme au niveau de la présence syrienne. Et d’enchaîner : « Nous devons aussi nous concentrer sur d’autres problèmes qui, quoique intimement liés à la présence syrienne, doivent être abordés : la crise économique, la réforme administrative, la décentralisation, et essayer d’avoir une période de grâce pour se pencher sur une loi électorale qui donnerait un Parlement plus représentatif. » M. Eddé comprend parfaitement la prise de position de MM. Chakib Cortbawi, Sélim Salhab et Samir Abdel Malak, qui avaient présenté leur démission du BN afin de pouvoir continuer d’œuvrer dans le cadre de Kornet Chehwane. « Nous sommes issus d’une même école de pensée. Seulement, depuis quelque temps, MM. Cortbawi, Abdel Malak et Salhab pensent que, pour atteindre les objectifs de la politique que nous défendons, il était beaucoup plus utile de se fondre dans un rassemblement plus grand et d’essayer de travailler à travers un groupe hétéroclite. Au Bloc national, on pense au contraire qu’une organisation plus ramassée et plus uniforme peut obtenir des résultats meilleurs et peut, en collaboration avec d’autres, mais tout en maintenant son automnie, atteindre les mêmes résultats », fait-il valoir, en assurant qu’il maintient d’excellentes relations avec les trois hommes et que les contacts avec eux sont « aussi fréquents que dans le passé ». Tilda ABOU RIZK
Elle était presque attendue, la décision du Amid du Bloc national, Carlos Eddé, de prendre du recul par rapport aux Assises de Kornet Chehwane. Le bruit courait en effet depuis quelque temps qu’il allait se retirer de ce Rassemblement de l’opposition. Que M. Nassib Lahoud envisageait aussi de partir. Mais si ce dernier a balayé ces rumeurs, par sa présence à la dernière...