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Actualités - CHRONOLOGIE

L’Irak et la Palestine au cœur des six interventions politiques d’hier Beyrouth, Ottawa, Bamako, Hanoi, Bucarest et Paris : des priorités identiques(photo)

La cérémonie solennelle d’ouverture du IXe Sommet francophone s’est tenue hier au Biel, avec, en point d’orgue, les interventions de six chefs d’État ou de gouvernement. Heureux constat, au bout du compte : les ministres francophones ont apparemment bien travaillé, mardi et mercredi derniers, au cours des réunions de la CMF. En lançant (d’une petite pichenette, certes) l’institution francophone sur les rails d’une politisation intelligente – interne comme extérieure –, ils ont ainsi permis à leurs cinquante-cinq chefs d’État respectifs de tenir le bon bout. Et de donner à espérer, à six cents millions d’hommes et de femmes, cet indispensable dépoussiérage de l’institution francophone. Et ce sont justement les six interventions en question qui ont permis cet espérance. À condition, bien évidemment, que tout cela se répercute au niveau des résolutions. Et puis, surtout, en actes forts, clairs, qui crédibiliseront l’institution au niveau interne et qui la carapaçeront contre les sourires condescendants sur l’échiquier international. Six interventions au cours desquelles il a été prouvé que la chose francophone et la chose politique peuvent parfaitement faire bon ménage, se répondre, s’inspirer l’une de l’autre, interagir avec maturité. Se sont ainsi fait écho hier : le Canadien Jean Chrétien, le Malien Amadou Toumani Touré, le Vietnamien Tran Duc Luong, le Roumain Ion Illiescu et le Français Jacques Chirac. Des dirigeants venus des quatre coins de la planète et que réunissait, hier, non seulement le français, mais également une conscience partagée de l’urgence des échéances à venir. Cela sans oublier le chef de l’État, Émile Lahoud, placé d’emblée sous triple influence politique : la guerre avec Israël, l’alliance sacrée avec Damas et l’Irak (le locataire de Baabda assurant la présidence tournante de la Ligue arabe). Sept thèmes ont recoupé les six interventions. Laisser percer une réelle synergie. L’Irak d’abord, plus que jamais dans l’œil du cyclone. L’utilisation de la tribune francophone comme gueuloir sur la scène internationale, la tentative d’en faire une voix à écouter et à entendre, une position que l’on ne peut pas passer outre (cinquante-cinq pays membres de l’Onu, ce n’est pas rien) est une bonne chose. Comment faire contrepoids à l’entêtement un peu mégalomane et définitivement unilatéraliste de l’axe anglo-saxon ? Jacques Chirac, dans une allusion à peine voilée à l’impatient besoin de Washington et de Londres de se jeter toutes armes dehors contre Saddam et son régime, a rappelé, aux yeux du monde, que la francophonie « a vocation à faire progresser la paix ». Rappelé également ce « credo fondamental », comme il l’a dit : « Dans le monde moderne, le recours à la force ne saurait être qu’un ultime recours. Il ne saurait être admis qu’en cas de légitime défense ou de décision des instances internationales compétentes », a soutenu le locataire de l’Élysée. Et lorsqu’il s’agit « de faire respecter ses obligations par l’Irak, la (...) logique du droit doit tous nous inspirer, car elle seule nous garantira durablement contre les tentations aventuristes », a-t-il mis en garde. Et force est de constater – notamment avec Dominique de Villepin, un peu partout ces quelques jours en Talleyrand de luxe – que Paris est en train de marquer des points contre Washington : que ces balles au centre se fassent, entre autres, au sein de l’espace francophone est une excellente chose pour l’institution. Émile Lahoud, quant à lui, n’a pas manqué de rappeler les constantes libanaises. « Ce refus de l’unilatéralisme nous dicte, à nous Libanais, un axiome permanent de notre diplomatie, qui est l’attachement à l’Onu. (...) Il nous impose par là-même le rejet de tout contournement de l’organisation mondiale dans les crises qui, comme la crise irakienne actuelle, relèvent de sa compétence. Nous nous conformons à cet égard à la décision unanime du Sommet arabe de Beyrouth, en mars dernier, et qui condamne dans son principe toute action militaire étrangère contre un pays arabe, notamment l’Irak. Et les deux arguments invoqués à l’appui d’une telle action, à savoir le non-respect par l’Irak de certaines résolutions des Nations unies et sa production d’armes de destruction massive, resteront peu convaincants aussi longtemps qu’Israël, qui s’est doté de l’arme nucléaire, continuera d’ignorer impunément un grand nombre de résolutions votées par l’Onu depuis 1948 », a asséné le n° 1 de l’État. La position de Hanoi Et entre ces deux visions – la française venant modérer le jusqu’au-boutisme de la libanaise –, est venue s’inscrire celle de Hanoi. Par la voix du président du Vietnam, Tran Duc Luong, dont c’est la première participation personnelle à un raout francophone biennal. « Nous partageons les préoccupations profondes de la communauté internationale sur la question de l’Irak et nous soutenons tous les efforts visant à en faire baisser la tension. Une solution juste de ce problème ne pourrait être acquise que par voie pacifique, sur la base du respect de la Charte des Nations unies, de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de ce pays. Une attaque militaire provoquera infailliblement un désastre incalculable au peuple irakien qui a tant souffert et continue à souffrir tragiquement de l’embargo et de l’encerclement imposés contre ce peuple depuis des années. Une telle attaque entraînera aussi, sans aucun doute, de graves conséquences dans la région et dans le monde ». Une position sans surprise, lorsque l’on sait que la démocratie populaire qu’est le Vietnam ne porte pas particulièrement – malgré le récent réchaufffement entre Washington et Hanoi – les États-Unis dans son cœur. Second thème : la crise israélo-palestinienne. Le n° 1 vietnamien a réitéré son « soutien total à la lutte pour la juste cause du peuple palestinien pour le recouvrement de ses droits nationaux sacrés, dont celui de vivre dans un État indépendant et souverain. Nous réaffirmons une fois de plus qu’une solution juste et durable du conflit israélo-palestinien ne pourrait aboutir que par voie de négociations sur la base des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité », a martelé le président vietnamien. La position du Liban, archiressassée, s’est incarnée en ces mots : « À l’aube du XXIe siècle où les nations civilisées tentent légitimement d’éradiquer le terrorisme, l’occupation israélienne le perpétue sous sa forme la plus perverse : celle du terrorisme d’État », a asséné Émile Lahoud. Quant à Jacques Chirac, il a repris le même « credo fondamental » : la logique du droit en égérie pour tous, puisque c’est elle, encore une fois, et elle « seule qui nous garantira durablement contre les tentations aventuristes ». Pour sa part, le n° 1 roumain Ion lliescu, qui a proposé d’accueillir le Sommet de 2006 à Bucarest, a estimé que « le danger de l’escalade de la violence au PO ne peut pas être ignoré. Il est d’une importance primordiale de renoncer à la logique de la guerre en faveur de celle de la paix », a-t-il ajouté. Le problème ivoiro-ivoirien a été le troisième thème abordé tant par le président malien Amadou Toumani Touré (« il est de notre devoir d’aider activement le peuple et le gouvernement ivoiriens à surmonter par des voies pacifiques les difficultés auxquelles ils sont confrontés aujourd’hui ») que par Jacques Chirac. Dossier important que celui de la crise ivoirienne, puisque c’est tout naturellement qu’il autorise, implique même, une action francophone en bonne et due forme. La diversité culturelle (l’incontournable cheval de bataille de Jean Chrétien) et la démocratie, deux des points-charnières de la future Déclaration de Beyrouth, et dont quelques gros détails devront être tranchés entre aujourd’hui et demain par les cinquante-cinq chefs d’État, ont été les deux autres thèmes les plus évoqués, les plus politisés, par les six intervenants, hier matin. Encore faudra-t-il qu’ils soient – et ce ne sera jamais assez répété – suivis d’actes, des actes qui passeront l’épreuve du terrain. « L’importance de ce Sommet de Beyrouth est là : elle est d’affirmer, sur cette terre de brassage culturel millénaire qu’est le Liban, que le dialogue des cultures peut être plus fort que l’affrontement des barbaries déguisé en choc des civilisations. » Émile Lahoud dixit. «Voilà pourquoi il nous faut défendre avec plus d’énergie le français et la diversité linguistique, notamment dans les enceintes internationales où certains d’entre nous ont l’insupportable sentiment d’être sourds et muets », a dit Jacques Chirac sous un tonnerre d’applaudissements. Quant à la déclaration de Bamako, c’est évidemment (même s’il ne s’est jamais départi du « nous » générique) le n° 1 français qui a eu la position la plus intéressante, la plus prometteuse : « Il est temps de mettre pleinement en œuvre notre déclaration de Bamako, par l’observation courageuse et lucide de la situation des droits de l’homme dans nos pays, et par l’application des mécanismes que nous avons créés. » Tout est dit. Il ne manque plus qu’un appareil, un directoire des douze par exemple, pour que cette déclaration ne reste pas une simple suite de vœux pieux. Les deux questions Enfin, les trois derniers thèmes, tout aussi majeurs. La mondialisation d’abord, que les six hommes ont voulu plus humaine, plus respectueuse ; le développement durable, à l’instar du Sommet de Johannesburg, et auquel a appelé le président Chirac pour le Xe Sommet de Ouagadougou ; et le terrorisme, thème à propos duquel tout le monde a semblé d’accord. Une ouverture en grande pompe donc, avec Nassrallah Sfeir et Hassan Nasrallah, entre autres, au premier rang, en parfaite image – palpable, tangible – du dialogue des cultures (ici, les deux sont arabes, mais gérées largement différemment). Une ouverture qui a été l’occasion d’un hommage unanime et sincère pour celui qui est « devenu », selon le locataire de l’Élysée, « le visage et la voix de la francophonie », Boutros Boutros-Ghali. Et dont le mandat à la tête de la francophonie se terminera dimanche, lorsque Abdou Diouf prendra, en principe, sa succession. Une ouverture pleine de promesses, de belles espérances, mais fragiles, tellement fragiles. Leur concrétisation dépend du huis clos politique, aujourd’hui, dans les sous-sols du Phoenicia. Deux questions : y aura-t-il l’unanimité pour que l’Irak figure au nombre des recommandations de Beyrouth ? Et va-t-on adopter ce nécessaire mini-gouvernement, qui ne devra évidemment pas se limiter aux seuls bailleurs de fonds francophones ? Un effort est nécessaire. Abdel-Aziz Bouteflika a certes mis la barre assez haut. Intéressant. Ziyad MAKHOUL
La cérémonie solennelle d’ouverture du IXe Sommet francophone s’est tenue hier au Biel, avec, en point d’orgue, les interventions de six chefs d’État ou de gouvernement. Heureux constat, au bout du compte : les ministres francophones ont apparemment bien travaillé, mardi et mercredi derniers, au cours des réunions de la CMF. En lançant (d’une petite pichenette, certes)...