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Actualités - OPINION

Spécial francophonie L’égale dignité de toutes les cultures

Par Kofi A. ANNAN Secrétaire général des Nations unies Les distances qui séparent les peuples et les nations deviennent chaque jour un peu plus courtes. La mondialisation des échanges et des communications, la propagation des maladies et les problèmes qui touchent la planète tout entière, tels que la dégradation de l’environnement, nous rapprochent comme jamais les uns des autres. S’il est une leçon que nous devons tirer des événements tragiques du 11 septembre 2001, c’est que ce qui se passe à un bout de la planète peut très bien avoir des répercussions profondes sur la vie de gens se trouvant à des milliers de kilomètres. L’inaction et l’indifférence peuvent avoir des effets désastreux dont on ne mesure l’ampleur que bien plus tard. Nos sociétés sont trop interdépendantes pour que les relations entre les peuples aient d’autres fondements que la tolérance, le respect de la dignité de chacun et le dialogue de toutes les cultures. Et l’affrontement entre les civilisations – que d’aucuns prédisent – serait bien trop destructeur. C’est pourquoi je me réjouis que le IXe Sommet de la francophonie qui se tiendra à Beyrouth dans quelques semaines ait pour thème le dialogue des cultures. L’Organisation des Nations unies elle-même est fondée sur la conviction que le dialogue peut l’emporter sur la discorde, que la diversité est un atout et que les peuples du monde sont bien plus unis par leur destin que séparés par leurs identités. Sans un dialogue suivi entre toutes les nations – au sein des civilisations, des cultures et des groupes humains, comme entre eux –, la paix ne saurait être durable et la prospérité ne sera jamais définitivement acquise. De tout temps, les civilisations et les cultures se sont enrichies, renforcées au contact les unes des autres. Le monde arabo-islamique, pour ne citer que lui, a apporté une contribution inestimable au patrimoine scientifique, littéraire et artistique de l’humanité. À l’heure où tout se mondialise, ce besoin de contact, d’échange, d’interaction, de dialogue est devenu vital. Et ceux qui, devant les bouleversements du monde, sont aujourd’hui tentés par l’enfermement identitaire et croient trouver une réponse en se repliant frileusement sur leur communauté se trompent. Ce n’est ni en renonçant à l’ouverture des frontières, ni en érigeant de nouvelles barrières, identitaires, économiques, culturelles et autres, ni en fermant les yeux sur les injustices, les inégalités et les conditions de vie misérables dans lesquelles vit la plus grande partie de l’humanité qu’ils se protégeront. De telles attitudes ne font que renforcer les préjugés et alimenter les fanatismes de toute sorte. D’ailleurs, l’idée que la diversité est une menace porte en elle le germe même de la guerre. Notre seul espoir de construire ce monde plus harmonieux, plus juste et plus pacifique auquel nous aspirons tous passe, au contraire, par une volonté affirmée d’instaurer un véritable dialogue entre les civilisations dans toutes les régions et les aires culturelles du monde. Ce dialogue doit se fonder sur le respect de l’égale dignité de toutes les cultures. Il impose de reconnaître que la diversité culturelle est une richesse que l’humanité a en partage. Il implique que tous les acteurs de la société, y compris les femmes et les jeunes, fassent entendre leur voix. Il requiert générosité, humilité, ouverture d’esprit, imagination, et il commence par un regard critique sur soi-même et le respect des valeurs et des principes fondamentaux inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Parce qu’elles sont naturellement des espaces de solidarité, les grandes aires culturelles et linguistiques, comme la francophonie, ont vocation à ouvrir de nouvelles voies à la tolérance et à promouvoir l’indispensable dialogue des cultures. De par sa longue tradition d’ouverture et d’échange, sa diversité culturelle et spirituelle unique, et au-delà des aléas de son histoire, le Liban est un modèle de rencontre fructueuse entre des communautés et des cultures. C’est dire s’il offre un environnement propice à un débat sur le dialogue des cultures. Comme le disait le grand poète libanais Amine Rihani, qui a consacré sa vie à rapprocher l’Orient et l’Occident : « Nous ne sommes ni des Orientaux ni des Occidentaux. Aucune barrière n’existe dans nos cœurs : nous sommes libres. » Puisse l’esprit de dialogue, de tolérance et de paix qui soufflera sur le Liban au cours des prochaines semaines rejaillir sur le reste du monde, et en particulier sur la région du Moyen-Orient qui en a tant besoin.
Par Kofi A. ANNAN Secrétaire général des Nations unies Les distances qui séparent les peuples et les nations deviennent chaque jour un peu plus courtes. La mondialisation des échanges et des communications, la propagation des maladies et les problèmes qui touchent la planète tout entière, tels que la dégradation de l’environnement, nous rapprochent comme jamais les uns des...