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Actualités - OPINION

Premières manœuvres autour du futur code électoral

On reparle, avec insistance, de faire du pays tout entier une seule circonscription. Le projet est-il sérieux ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un ballon d’essai destiné à intimider les partisans de la petite circonscription ou du caza ? Le premier à avoir songé à regrouper tous les districts, il y a de cela des années, a été le président Hariri. Mais cette idée avait buté sur le refus de la plupart des forces politiques locales. Walid Joumblatt avait ainsi déclaré, à l’époque, qu’un tel système équivaudrait à la liquidation politique des minorités communautaires. Il s’était prononcé pour le caza et même pour la micro-circonscription à un seul siège. Il avait ajouté que la formule globale impliquerait forcément une certaine dose de proportionnelle, en se demandant qui fixerait ce taux. Joumblatt avait souligné, non seulement que la majorité numérique (confessionnelle) commanderait aux résultats, mais aussi que « n’importe quel agent des services secrets imposerait la liste qu’il voudrait. » Il précisait qu’il était contre l’abolition du confessionnalisme politique, car elle signifierait la liquidation des diverses spécificités libanaises et de la démocratie. Ajoutant que si, par le passé, il avait penché pour la déconfessionnalisation, c’était parce qu’il existait alors une droite et une gauche fortes, qui s’étaient depuis lors écroulées. Cependant, Joumblatt semble avoir changé d’avis. Dernièrement, il a déclaré qu’il ne voyait aucun inconvénient à ce que l’on fasse du pays une seule circonscription « si le but est de faire fondre le régionalisme, le confessionnalisme et le sectarisme ». Dans le même retournement, il estime qu’il n’est pas impossible de « parvenir à l’abolition du confessionnalisme politique, pour ouvrir les postes aux compétents par des voies démocratiques libres et par un système électoral moderne ». Il se répète que Joumblatt s’est en réalité alarmé de la partielle du Metn. Il craindrait désormais que la petite circonscription ne favorise les radicaux. Et il estime qu’il faut « empêcher les courants isolationnistes séparatistes de retourner pour tenter de saboter la sécurité nationale et pan-nationale. » Dans la période présente, Joumblatt est donc pour la macro-circonscription, avec une dose de proportionnelle dont on ne sait encore rien. Même position pour Hariri et Berry, qui garantiraient encore mieux le contrôle de la majorité parlementaire en cas d’élections à l’échelon nationale dans lesquelles ils feraient probablement route ensemble. Perspective rendue encore plus attrayante par l’éventualité d’une approbation du projet de grande circonscription par la Syrie. Qui pourrait se laisser convaincre, aux dires d’un professionnel, « par le fait que le regroupement permettrait de sortir du marais régionaliste ou confessionnel, pour un dégagement d’ordre national. Les candidats ne seraient pas les otages de l’électorat radical extrémiste comme cela peut être le cas au niveau du caza ». Mais du côté de Bkerké, on ne dévie pas de la ligne tracée. Le cardinal Sfeir est pour la petite circonscription à un siège ou, à défaut, pour le caza. Car c’est ainsi que l’on peut assurer une vraie représentation de proximité, les électeurs devant connaître leurs élus. Ce qui n’est pas souvent le cas au niveau de la grande circonscription ou du mohafazat où, en pratique, seule la locomotive de la liste, c’est-à-dire le leader régional, est connue du public. Et si l’on craint que le député élu sur la base de la petite circonscription ne soit l’otage de courants radicaux, on constate que le député élu sur la base de la circonscription élargie est prisonnier de sa vassalité à l’égard de son chef de liste. Il s’en fait l’écho, au lieu de se mettre en phase avec la collectivité dont il est issu et qu’il est censé représenter. Globalement, cela signifie que la minorité est diluée dans un ensemble et perd pratiquement sinon ses droits du moins ses forces. Sans compter que les leaders à la tête de blocs consistants peuvent eux aussi être des extrémistes, ce qui est plus redoutable que des radicaux arrivés à la Chambre à titre individuel. Pour l’Est opposant, transformer le Liban tout entier en circonscription, c’est supprimer en fait les particularismes, les libertés de conviction ou d’opinion, au profit de la pensée unique et d’un parti du même genre. Dans son sermon de Carême de février dernier, Mgr Sfeir a souligné que la grande circonscription permet aux fabricants de listes d’y inclure, d’y parachuter qui bon leur semble, sans que l’électeur ait pratiquement son mot à dire. Ce qui est l’antonyme même de la démocratie. D’autant, ajoutait le patriarche, qu’il y a des « indésirables » notoires, délibérément bannis de la vie politique. À l’ombre « d’une volonté qui n’est pas nationale, qui installe les dirigeants à leurs postes et leur impose, dans les plus hautes fonctions, leurs collaborateurs ». Dans le même sens, le dernier communiqué des évêques maronites constate que la démocratie est sapée, du moment que nul ne rend des comptes. En effet, relèvent les prélats, les députés se lavent les mains des électeurs, puisqu’en général ils ne leur sont pas redevables de leurs sièges. Et il en va de même pour les ministres, qui peuvent déroger aux lois sans s’en soucier, parce qu’ils ne doivent pas leurs portefeuilles à leur popularité, à de rares exceptions près, mais à des décideurs. Émile KHOURY
On reparle, avec insistance, de faire du pays tout entier une seule circonscription. Le projet est-il sérieux ? Ne s’agit-il pas plutôt d’un ballon d’essai destiné à intimider les partisans de la petite circonscription ou du caza ? Le premier à avoir songé à regrouper tous les districts, il y a de cela des années, a été le président Hariri. Mais cette idée avait buté...